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Démographie : pour l'Eglise, la fin ne justifie pas les moyens

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De Dominique Greiner sur le blog "La Doctrine sociale sur le fil" (La Croix) (15 novembre) :

L’Église catholique et la démographie mondiale : la fin ne justifie jamais les moyens

Dans les années 1950, la question démographique était déjà à l’ordre du jour. Retour sur quelques déclarations de responsables d’Église.

Faute d’actions pour préserver l’environnement et les écosystèmes, l’avenir de la planète est sérieusement assombri, viennent d’avertir 15 000 scientifiques de 184 pays dans une déclaration rendue publique lundi 13 novembre. Ces chercheurs préconisent notamment de freiner la croissance démographique dans les pays en développement, notamment grâce à une plus grande généralisation du planning familial et des programmes d’éducation des femmes.

Le social et l’intime

Le sujet est sensible parce qu’il se situe au point d’articulation du social et de l’intime, et renvoie à des aspects tant socio­culturels, politiques, économiques que religieux. Les gouvernements et les organismes internationaux sont eux-mêmes pris dans une tension entre la volonté de faire évoluer les caractéristiques démographiques globales d’une population et celle de faciliter et renforcer les capacités et l’autonomie des individus. Mais, comme le signifie la déclaration signée par les scientifiques, la démographie est un levier parmi bien d’autres : l’augmentation de la population mondiale n’est pas l’unique cause des déséquilibres qui menacent la biosphère.

Pour sa part, l’Église catholique n’a jamais nié l’importance des enjeux démographiques, comme le montre un article publié en 2004 dans la Revue théologique de Louvain. Rufin Mika Mfitzsche présente en quelques pages les résultats de son travail de thèse sur  l’enseignement des conférences épiscopales sur la démographie. Il indique au passage les conférences de Carême de l’année 1959 prononcées par cinq archevêques (M. Feltin, P. Richaud, P. Gerlier, J. Frings et Godfrey) sur le thème : « Chaque seconde, un homme de plus, que peut l’Église ? » (Cf. La documentation catholique, tome 56, 1959, n° 1303, p. 847-855). La curiosité m’a poussé à lire ces textes.

L’humanité ne doit pas être gérée comme un cheptel

« La population du globe doublée depuis cent ans, un tiers de plus d’êtres humains à prévoir sur la planète d’ici cinquante ans ! Chrétiens, qui êtes maintenant informés, qu’allez-vous faire ? » L’interpellation du cardinal Richaud, archevêque de Bordeaux indique que la question démographique est prise au sérieux depuis les années 1950.

En plongeant dans ces interventions, on relève une sérieuse mise en garde contre des approches idéologiques ou purement statistiques sur l’évolution de la population mondiale. Le cardinal Feltin invite les fidèles à s’intéresser à la problématique « par des informations vraies et objectives, sans se contenter de slogans désuets, souvent entachés de xénophobie. Il ne s’agit pas d’aligner uniquement des chiffres, des statistiques, mais de considérer l’aspect sociologique de la situation sinon on aboutit à une vision avilissante du genre humain, considéré comme une simple matière démographique, alors qu’il s’agit d’un ensemble de personnes humaines qui ont chacune sa destinée, non seulement temporelle, mais éternelle. »

Même tonalité chez le cardinal Richaud, pour qui l’Église a une parole spécifique à délivrer sur le sujet :« Il faut que l’Église soit là pour dire qu’on ne traite pas une humanité comme un cheptel et qu’on ne viole pas les consciences collectives par des obsessions psychologiques. » Quant au cardinal Godfrey,  archevêque de Westminster, il se montre plus circonspect sur les projections sur l’avenir de l’humanité : « Quant à certaines  prophéties concernant le sort du monde le jour où la population aura dépassé la production, elles n’ont rien prouvé, sinon que  l’on ne pouvait avoir aucune confiance dans ces prophètes. »

« Le spectre de guerres horribles »

La crainte est clairement exprimée d’imposer aux populations ce que le cardinal Gerlier, appelle « une politique dirigiste de limitation des naissances ». L’archevêque de Lyon refuse que « le problème angoissant de la surpopulation »soit simplement considéré comme un problème social, politique ou économique, alors qu’il s’agit d’un problème moral, et donc d’une certaine manière religieux. Et c’est précisément l’aspect religieux qui le rend sensible à la dimension du partage des ressources : « c’est dans cette perspective que l’on comprend que les richesses sont faites pour l’homme et non pas l’homme pour la richesse, et qu’il faut que certains sachent se dépouiller du superflu pour que tous aient le minimum nécessaire. C’est la leçon de l’Évangile. »

Pour le cardinal Gerlier, l’enjeu est la paix du monde : « A l’heure où l’humanité voudrait être fière de sa civilisation, plus de la moitié du monde  se compose de pays sou-développés, plus de la moitié des hommes est sous-alimentée et a faim. Au même moment, les nations plus heureuses ne cessent de s’enrichir. Et il n’est pas besoin d’être grand clerc pour apercevoir à l’horizon, devant ces anomalies effrayantes, le spectre de guerres horribles. L’enjeu de ces événements formidables, c’est, en réalité, la paix du monde. » Ce qui doit nous effrayer, ce n’est donc pas d’abord la croissance de la population, mais le scandale des inégalités entre pays. Le cardinal Godfrey,  archevêque de Westminster,met également l’accent sur la question de l’accès de tous aux ressources, fustigeant au passage « un programme qui fait de l’homme l’esclave des puissance financières, alors que la production doit, au contraire, être au service de l’humanité ».

Mieux articuler éthique sexuelle et éthique sociale

Ces interventions déjà anciennes résument bien la tonalité des prises de parole par l’Église sur les questions démographiques jusqu’à aujourd’hui. Elle insiste pour qu’elles soient abordées dans le contexte plus global du développement économique et de l’amélioration des conditions de vie. Dans le même temps, elle défend l’idée d’une procréation responsable – c’est-à-dire compatible avec ce que les familles et la planète peuvent supporter – et en même temps généreuse et ouverte. C’est aussi pourquoi elle est particulièrement critique à l’égard des programmes qui pourraient déboucher sur une acceptation de fait de l’avortement et de la stérilisation comme méthodes de régulation des naissances. Pour le magistère romain, la fin ne justifiera jamais les moyens, y compris en matière de démographie. Mais comme le souligne Henri Wattiaux dans le Dictionnaire encyclopédique d’éthique chrétienne à l’article ‘Contraception’, l’Église a encore des efforts à faire pour mieux intégrer l’éthique sexuelle et familiale dans l’éthique sociale. A défaut, ses prises de position continueront à être largement incomprises dans l’un et l’autre domaine.

Dominique Greiner

Commentaires

  • «  acceptation de fait de l’avortement et de la stérilisation comme méthodes de régulation des naissances ».
    Appelons un chat un chat : l'avortement est un meurtre et la stérilisation une mutilation.

  • Malthus a tort. Retenez cette phrase, Malthus a tort. Malthus se trompe et il nous trompe.
    Pourquoi ?
    * * *
    Malthus postule (arbitrairement) que la population croît selon une progression géométrique et les ressources selon un progression arithmétique. Proposition discutable et simpliste.
    D'un point de vue strictement et exclusivement matérialiste et économique, cette proposition est contestable.

    A l’époque de Malthus la population mondiale était de 1 milliard ; elle est actuellement de sept milliards. A l'époque de Malthus l'âge moyen de vie était de 40 ans, il a plus que doublé actuellement. Mais il n'y a pas plus de famine que à l'époque de Malthus.
    Malthus ne tient pas compte de la créativité et de l'inventivité des hommes.
    Malthus veut ignorer que tout homme est consommateur mais aussi producteur, et que la productivité a considérablement augmenté.
    La richesse d'un pays c'est sa population. Plus d'habitants, plus de bras, plus de cerveaux. Des mines ou des champs sans personne pour y travailler ne produisent rien.

  • L'équilibre production-consommation s'établit à l'intérieur d'un territoire, d'une population, mais aussi à l'intérieur de chacun de nous. En nous même et par nous même, nous sommes tous en même temps consommateur et producteur. La balance dépend de nous : augmenter notre production, réduire notre consommation. Autrement dit, la croissance des autres dépend non seulement de l'accroissement de notre production par le travail, mais aussi de la décroissance de notre consommation personnelle pour permettre une meilleure répartition. Mais cela semble assez éloigné des idées du pasteur matérialiste Malthus. Pour réduire la pauvreté il réduit les pauvres. En caricaturant : supprimer les pauvres pour permettre aux riches de se reproduire, plutôt que de répartir différemment.

    * * *
    Malthus a tort car il ne considère l'homme que dans une perspective exclusivement économique matérialiste.

  • Malthus a tort car il ne considère l'homme que dans une perspective exclusivement économique matérialiste.
    Ce pasteur protestant semble ignorer que le Christ ayant jeûné pendant 40 jours et 40 nuits dans le désert fût tenté par le diable lui proposant de transformer les pierres en pains et qu'il lui répondit « Il est écrit : Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ».
    Matthieu 4 1. Alors Jésus fut emmené au désert par l'Esprit, pour être tenté par le diable. 2. Il jeûna durant quarante jours et quarante nuits, après quoi il eut faim. 3. Et, s'approchant, le tentateur lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent des pains. » 4. Mais il répondit : « Il est écrit : Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu »
    Luc 4  2. durant quarante jours, tenté par le diable. Il ne mangea rien en ces jours-là et, quand ils furent écoulés, il eut faim. 3. Le diable lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre qu'elle devienne du pain. » 4 . Et Jésus lui répondit : « Il est écrit : Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme. »

    Malthus veut ignorer que l'homme cherche l'amour, le beau, le bien, recherche qui donne un sens à la vie. Ce n'est pas la pauvreté qui pousse un certain nombre de musulmans à contester la société « occidentale » ; c'est l'absence d'espérance et de perspective, c'est le désespoir du matérialisme.

  • Merci Levi !
    Puissions nous, tous et toutes, nous éclairer à la Lumière de l'Evangile du Christ qui fut, est et sera toujours notre guide pour nos réflexions, nos prises de décisions, nos actions.
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