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Carême : et si nous décidions de ne rien préférer à l'amour du Christ ?

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Ce pourrait être le fil rouge de notre carême : une conversion qui nous amènerait à ne rien préférer à l'amour du Christ :

Ne rien préférer au Christ, homélie par le  (source)

Il y a deux manières, vous le savez, d’accomplir le cours de son existence. Il y a la manière de la feuille morte: à la surface des eaux, elle se laisse emporter, ballotter, au gré des courants et, finalement, elle échoue, inutile, sur le rivage. Et puis il y a la manière du poisson: il sait où il va et il se dirige en fonction de ce but, utilisant les courants, parfois même à contre courant.

Eh bien, frères et sœurs, que sommes-nous: feuille morte ou bien poisson? C’est-à-dire: nous laissons-nous porter passivement par le flux des événements contradictoires ou bien, avec la grâce de Dieu, essayons-nous de nous prendre en main, de construire notre vie chrétienne de façon responsable? Cette dernière hypothèse – qui est la bonne – implique fondamentalement un choix, le choix résolu de suivre Jésus-Christ envers et contre tout, le choix de ne rien préférer à l’amour du Christ, comme le demande saint Benoît. Tant que cette décision de base ne sera pas prise, nous n’avancerons pas d’un pouce, nous stagnerons, nous tournerons en rond.

Bref, en un mot comme en mille, il faut choisir. Or, c’est bien connu, choisir, c’est sacrifier. S’engager dans une direction, c’est s’éloigner d’autant des autres. Choisir d’épouser Juliette, c’est renoncer à Cunégonde, qui pourtant n’était pas mal non plus. Or notre problème, c’est que nous avons peur et que nous ne voulons rien lâcher. Au fond, nous voudrions, comme on dit, avoir et le beurre et l’argent du beurre. La Vie éternelle, d’accord… mais à condition de ne rien laisser passer des petits plaisirs de ce monde. Au cas où… Hommes de peu de foi, nous sommes comme ces israélites à l’âme partagée qui, ne pouvant se décider, balançaient entre Dieu et Baal, car il est plus sûr, n’est-ce pas? d’avoir deux fers au feu.  »  Jusqu’à quand, leur reproche le prophète Élie, clocherez-vous des deux jarrets. Si le Seigneur est Dieu, suivez-le; si c’est Baal, suivez-le  » (I R 18, 21). Nul ne peut servir deux maîtres à la fois. Il faut choisir.

Et c’est d’ailleurs dans ce choix que s’affirme la vraie liberté. Parfois, on s’imagine (bien à tort, mais vous l’entendrez souvent) que la liberté c’est de ne pas choisir, de ne pas s’engager, de dire  » non « . On  » garde sa liberté « . Mais la source qui jaillit de terre, si elle ne s’engage pas dans une direction déterminée, va très vite transformer tout le sol en bourbier. De même notre liberté. Car, en fait, la liberté, c’est cette aptitude étonnante que nous avons à pouvoir nous donner, nous engager, dire  » oui « , non pas sous la pression des contraintes extérieures mais du plus profond de nous-mêmes. C’est donc en choisissant, en se donnant, qu’on exerce vraiment sa liberté et à tout vouloir garder, on risque de tout perdre. On se retrouve alors au milieu ou, pire, au soir de sa vie, les mains vides et le coeur triste, parce qu’on n’a rien donné, rien construit, sous prétexte de préserver sa liberté. Et de toute manière, le temps a choisi pour nous.

 

Non, être libre, c’est choisir et du même coup c’est consentir au renoncement qu’implique tout choix réel. Ainsi choisir de suivre Jésus-Christ, c’est faire une croix sur bien d’autres choses. C’est évidemment s’abstenir du péché, qui par définition sépare du Christ et auquel nous avons solennellement renoncé au jour de notre baptême. Mais c’est aussi laisser tomber certaines réalités ou activités qui, sans être mauvaises en soi, constituent un danger pour moi, pour moi tel que je suis et tel que je suis seul à me connaître, avec mes failles et mes complicités secrètes avec le mal. C’est ce qu’on appelle les occasions prochaines de pécher, c’est-à-dire des situations dont je sais pertinemment qu’elles sont pour moi (pas forcément pour les autres, mais pour moi à coup sûr) des pièges, des pentes glissantes, des engrenages, qui, si j’y mets le doigt, me conduisent presque inéluctablement au mal. De soi, il n’y a aucun mal à boire un petit verre entre amis et à refaire ensemble le monde dans d’interminables discussions, mais si j’ai le vin mauvais ou si j’ai déjà expérimenté que dans ces conversations je me laisse facilement entraîner à la médisance ou même à la calomnie, alors je dois redoubler de prudence et éventuellement y renoncer. De soi, il n’y a aucun mal à regarder une émission de télévision, mais si je sais pertinemment qu’il va s’y rencontrer des images d’impureté ou de violence qui me poursuivront et m’empoisonneront dans les jours qui suivent, mieux vaut pour moi y renoncer et passer ma soirée à faire des mots-croisés. Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le! C’est une question de cohérence personnelle dans nos choix de vie. A quoi nous servirait de gagner l’univers, si c’est pour y laisser sinon notre peau du moins notre âme, qui vaut infiniment plus.

Pour suivre Jésus-Christ, le chrétien renonce au péché, aux occasions de pécher, mais il peut être amené dans certaines circonstances à renoncer à ce qui, sans être ni péché ni même occasion de pécher, entrave son élan vers un plus grand amour.  » Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme… et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple  » (Lc 14, 26). C’est que l’arbre a besoin de toute sa vigueur pour s’élever droit vers le ciel et il est bon de l’émonder, de supprimer toutes ces branches gourmandes qui pompent son énergie et peuvent l’empêcher de porter du fruit.

D’accord, me direz-vous, de tout cela, nous sommes convaincus… du moins intellectuellement. Mais notre problème c’est que nous ne sommes pas des héros! – Et vous dites bien, frères et sœurs, car, justement, dans le christianisme, il n’y a pas de héros. Il n’y a que des saints. Des hommes et des femmes qui, aussi peu portés que vous et moi au renoncement spontané, mais conscients pourtant de sa nécessité, ont compris qu’il n’y a qu’une solution: se tourner humblement vers le Seigneur et faire sienne la belle prière de saint Augustin:  » Donnez, Seigneur, ce que vous commandez (Da quod jubes) « . C’est-à-dire venez vous-même, par la puissance de votre grâce, accomplir en moi les renoncements que je n’ai pas le courage d’entreprendre. Arrachez en moi l’ivraie et les racines amères qui doivent être arrachées. J’y consens. Mais corrigez-moi avec patience et douceur. Comme un père qui éduque son enfant, car, vous le savez, je ne suis ni de bronze ni d’airain mais pauvre argile humaine… Et puis surtout, Seigneur, attirez-moi toujours plus à vous. Car je ne peux vivre sans amour et si vous ne m’attachez à Vous, comment pourrais-je me détacher de ce qui n’est pas Vous?

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