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France : États généraux de la bioéthique. L'abbé Grosjean répond à Jean-François Delfraissy

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Grosjean.jpgCuré de Saint-Cyr-l’École (Yvelines) et animateur du Padreblog, l’abbé Grosjean a lu l’entretien accordé par Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique et organisateur des états généraux de la bioéthique, à Valeurs actuelles la semaine dernière. Opposé à l’« idéologie relativiste assumée » du “monsieur éthique” du gouvernement, il réagit dans une « Tribune » du même organe de presse: 

« J’avoue ma naïveté. J’imaginais que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et son président avaient pour mission de rappeler les grands principes éthiques fondateurs pour notre société et — à leur lumière — d’éclairer la réflexion des citoyens et du législateur sur les défis éthiques posés par les avancées de la science.

En quelques mots, M. Delfraissy détruit tout cela. Sa conviction est claire : il n’y a pas de principes intangibles, ni d’interdits fondamentaux : « Les lignes rouges sont relatives, elles aussi. » La preuve : en Chine, on accepte bien des milliers de transplantations réalisées à partir d’organes de condamnés à mort. Mais est-ce bien ? « Je ne sais pas ce que sont le bien et le mal. » Mais il y a pourtant des choses immuables, qui ont trait à la nature humaine ? « C’est vrai, mais il faut aussi relativiser », etc.

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Pourquoi tenir de tels propos est-il dramatique ?

Parce que ces grands interdits fondamentaux (de tuer, de voler, de mentir, de marchandisation du corps humain, etc.) protègent les plus fragiles et rendent possible la vie en société. Ces principes forment une loi inscrite dans notre conscience, accessible à notre raison et qui rend compte de la dignité de chacun de nous. Cette loi, nous l’avons tous en commun, ceux qui croient en Dieu et ceux qui n’y croient pas. En la reconnaissant comme une loi commune, universelle, qui nous précède, nous pouvons vivre ensemble.

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Qui protégera la dignité de toute personne humaine si tout est relatif ?

Si tout est relatif, alors c’est la loi du plus fort ou des plus nombreux qui s’impose. Si aucun principe universel n’est reconnu comme s’imposant à tous, il suffit qu’une majorité décide demain de ne plus reconnaître la dignité de tel ou tel pour que ses droits n’existent plus. L’histoire du XXe siècle nous l’a démontré de façon dramatique, au prix de millions de victimes.

 

Si tout est culturel, alors les droits de l’homme ne tiennent plus. Si nous voulons en effet promouvoir les droits fondamentaux de la personne humaine dans le monde entier, c’est que nous croyons justement qu’ils transcendent les cultures ou les époques. Ils sont la conséquence d’une dignité qu’on reconnaît à l’homme, dignité intrinsèquement liée à sa nature humaine, que nul — pas même une majorité élue — ne pourra nier et que nous avons tous en commun. Ainsi, l’égale dignité de l’homme et de la femme n’est pas une valeur relative, même si les peuples n’en ont pas tous la même conscience. Quand cette conscience grandit, il est raisonnable d’affirmer que c’est un bien objectif. Ne peut-on pas affirmer que l’esclavage est un mal objectif, et se réjouir quand il disparaît peu à peu dans toutes les cultures ? Ne peut-on pas au contraire dénoncer la régression éthique quand la conscience de la valeur de toute vie, même la plus fragile ou la plus diminuée, recule dans la culture occidentale ? Ne peut-on pas affirmer que la liberté religieuse, la liberté de conscience, est un droit fondamental de l’homme, et vouloir ainsi qu’elle soit respectée non seulement en Europe mais partout dans le monde ? Ce n’est pas une question de culture mais de dignité de l’être humain — quelles que soient sa religion, sa couleur de peau, sa culture — et cette dignité s’impose à tous.

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Face aux pressions financières, face à la tentation de toute-puissance de certains scientifiques, face à la marchandisation de l’homme, face au pouvoir des puissants, face aux revirements de l’opinion publique si manipulable, face à une majorité peut-être élue mais jamais infaillible, face aux peurs des foules ou à la dictature du désir, face aux revendications des lobbys ou à l’habileté des cyniques, qui protégera la dignité de toute personne humaine, et en particulier des plus fragiles ou des plus petits… si tout est relatif ? Si aucune digue ne tient ?

Cette idéologie libertaire si décomplexée appelle à un véritable sursaut moral

Il ne semble plus y avoir que deux indicateurs valables pour M. Delfraissy : l’évolution de l’opinion publique et des besoins des citoyens d’une part, et l’avancée des sciences d’autre part. Ce qui lui permet d’affirmer aujourd’hui qu’il est désormais “sensible au droit à l’enfant” et d’envisager pour y répondre une « GPA “éthique” » (mais on ne comprend plus ce que l’adjectif “éthique” viendrait limiter puisque tout est relatif…). On doit aussi reconnaître que, s’il existe certaines grandes valeurs, « il y a des innovations technologiques qui sont si importantes qu’elles s’imposent à nous ». Bref, le CCNE devient une instance d’enregistrement d’évolutions qui s’imposent à nous, sans que nous puissions exercer notre discernement et garder la liberté de dire “oui” ou “non”. De toute façon, ses avis eux-mêmes sont… relatifs.

Ce relativisme tranquillement assumé et cette idéologie libertaire si décomplexée appellent à un véritable sursaut moral. Croyants et non-croyants peuvent et doivent se rassembler pour réaffirmer ce que nous avons en commun et ce qui fait l’honneur de la France : la certitude qu’il y a des principes immuables et des droits fondamentaux, pour lesquels des hommes et des femmes ont donné leur vie. Le relativisme insulte leur mémoire. Si tout est relatif, ils sont morts pour rien… On ne donne pas sa vie pour du relatif, pour ce qui demain ne sera plus vrai ! On se sacrifie pour ce qui fonde notre capacité à vivre ensemble. L’honneur de notre pays, l’honneur de nos dirigeants, sera d’être toujours du côté des plus fragiles et des plus faibles, ici et dans le monde entier, en tenant ces principes qui les protègent, véritables digues d’humanité et utiles critères pour discerner tout réel progrès. »

Ref. États généraux de la bioéthique. L'abbé Grosjean répond à Jean-François Delfraissy

Le respect des législations humaines a ses limites et il est regrettable que le droit naturel, depuis la révolution culturelle des années 1970, ne soit plus enseigné dans la plupart de nos facultés de droit. Le respect du droit positif, en ce compris les dispositions internationales relatives aux droits humains fondamentaux, est en effet subordonné à celui de la conscience formée à la lumière de cette loi naturelle qui, dans le patrimoine de l’humanité, représente les valeurs imprescriptibles inscrites dans l'être humain, antérieures à toute juridiction nationale, supra- ou internationale. Pour un croyant, ce patrimoine renvoie finalement au Créateur. Dans son testament spirituel « Mémoire et Identité » (Flammarion , 2005, p. 162), saint Jean-Paul II écrit : « La loi établie par l’homme a des limites précises que l’on ne peut franchir. Ce sont les limites fixées par la loi naturelle, par laquelle c’est Dieu lui-même qui protège les biens fondamentaux de l’homme ». Il rejoint par là toute la tradition antique, immortalisée par l’Antigone de Sophocle et bien sûr, en premier lieu, le Décalogue.

JPSC

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