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Le point de vue sur Dieu de Hawking n'a pas plus de valeur que celui de n'importe quel bavard de café du commerce

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De Robert Redeker sur le site du Figaro Vox :

La postérité de Stephen Hawking, ou les mésaventures de l'athéisme

FIGAROVOX/TRIBUNE - Robert Redeker répond à ceux qui voient dans l'athéisme de feu Stephen Hawking une preuve scientifique de l'inexistence de Dieu.

Robert Redeker est agrégé de philosophie. Il est l'auteur de L'éclipse de la mort (éd. Desclée de Brouwer, 2017).

Stephen Hawking était un astrophysicien d'importance. Il était admiré du grand public, pour des raisons extrascientifiques. Son décès a suscité dans les médias et sur les réseaux sociaux des affirmations aussi dogmatiques que péremptoires concernant l'inexistence de Dieu. Elles peuvent se résumer dans la citation suivante, cueillie sur Twitter: «La mort du grand athée Stephen Hawking nous rappelle que plus on pense et moins on croit». Cette opinion - preuve, outre d'une grande inculture, d'une paresse intellectuelle assez généralisée - est fort partagée.

La base de cet argument est une forme inconsciente de superstition: si les scientifiques, dont on ne comprend rien aux démonstrations, affirment que Dieu n'existe pas, il faut les croire sur parole. Parce qu'ils sont savants et intelligents, familiers de la vérité. Cet argument prend la forme d'une induction, c'est-à-dire d'un raisonnement s'élevant d'une collection d'exemples particuliers à une conclusion à prétention générale. L'induction est la suivante: de plus en plus de scientifiques sont, au fur et à mesure que la science progresse, athées, donc Dieu n'existe pas. Donc ceux qui continuent de croire sont des inintelligents et des attardés, des demeurés aux deux sens du mot.

Le point de vue sur Dieu de Hawking n'a pas plus de valeur que celui de n'importe quel bavard de café du commerce.

Deux fautes de logique gâchent cet argument, qui se termine par un jugement de valeur implicite sur l'infériorité des croyants. D'abord, le point de départ est un dénombrement insuffisant et faillible, imprécis: il existe des scientifiques croyants. Ensuite, la non-croyance en Dieu de savants confirmés n'est pas un résultat scientifique au même titre que leurs démonstrations et calculs. Les calculs d'un astrophysicien sont scientifiques, son opinion sur l'existence de Dieu ne l'est pas, car elle n'est pas le produit des mêmes démarches. L'on n'a aucun droit de présenter cette affirmation de la non-existence de Dieu comme quelque chose de scientifique, donc comme vraie au sens scientifique du terme. Le point de vue sur Dieu de Hawking n'était pas scientifique ; mais n'étant non plus philosophique ou théologique, étant extérieur à toute forme de pensée sérieuse, il n'avait pas plus de valeur que celui de n'importe quel bavard de café du commerce.

Cet argument confond la démarche scientifique avec la pensée. Pour reprendre la décisive distinction proposée par Heidegger, il confond la pensée avec la pensée calculante. Il réduit la pensée à la pensée calculante. En face de la pensée calculante, l'englobant sans doute comme un de ses rameaux mal émancipés, Heidegger a identifié la pensée méditante. Indépendamment même de Heidegger, nous pouvons repérer un travail de pensée plus rationnel que celui de la science: dans la philosophie, en particulier dans la métaphysique. Leibniz, grand savant, inventeur du calcul infinitésimal, chez qui Dieu calcule, est un penseur et un génie d'une importance bien plus considérable que Hawking: il pense plus, il pense mieux, parce que chez lui la science (et même le calcul divin) est prise dans son enveloppe métaphysique. La raison calculante de la démarche scientifique n'a qu'une rigueur limitée ; plus rigoureuse est la raison philosophique, en particulier métaphysique.

Deux ordres de réalité, deux régimes de la raison se signalent: un régime inférieur et limité, celui de la science, et un régime supérieur, celui de la pensée philosophique. Un génie comme Leibniz travaillait au sein de ces deux régimes. Un lieu-commun oppose la raison et la foi, rejetant plus ou moins implicitement la foi dans les brumes du sentiment intérieur. Or, le concept de Dieu est un concept rationnel, de même que de nombreuses constructions théoriques édifiées autour de lui. Les preuves rationnelles de l'existence de Dieu présentes chez Saint Thomas d'Aquin apparaissent, pour qui les étudie avec attention, loin d'être aussi obscures et ridicules que le prétendent les incultes. Elles font question, de même que fait question la finalité dans la nature. Contre Hawking et ses admirateurs écervelés, répondons: plus l'on pense, moins l'on est certain de l'inexistence de Dieu.

On n'est pas quitte de la question de Dieu par une pirouette scientiste.

L'athéisme d'Epicure - il ne niait pas les dieux, il affirmait que nous leur sommes indifférents, ce qui revient au même - n'était pas militant. C'était un athéisme doux - un athéisme dans un jardin. Ayant beaucoup de sang sur les mains, l'athéisme politique moderne couplé au progressisme, a parfois, du génocide des Vendéens à l'URSS stalinienne, été massacreur. Plus encore: l'athéisme fut une composante centrale des totalitarismes meurtriers du XXe siècle, nazis et communistes. Loin de la belle sagesse d'Epicure et de son athéisme du jardin.

On n'est pas quitte de la question de Dieu par une pirouette scientiste, ou positiviste, à la Monsieur Homais, qui n'est rien d'autre qu'une fuite en dehors de la raison. Se voulant rationnelle, cette condamnation de l'existence de Dieu s'avère terriblement irrationnelle, ne serait-ce que par la pauvreté de son argumentation, mais aussi par son extériorité à la pensée. Ceux qui disent «La mort du grand athée Stephen Hawking nous rappelle que plus on pense moins on croit», imaginant avec vanité se placer à l'aboutissement de la pensée, en fait, ne pensent pas du tout. Ils se vautrent dans l'idéologie ; or l'idéologie ne pense pas. À la différence d'Epicure, les athées militants et tonitruants charmés par l'athéisme Hawking sont des athées superstitieux.

Commentaires

  • Einstein était plus humble que Hawking :
    « Ce qui me sépare de la plupart de ceux ainsi appelés athées, c'est le sentiment dune humilité totale devant les secrets inaccessibles de l'harmonie du cosmos. ».
    « Les athées fanatiques sont comme des esclaves qui sentent toujours le poids de leurs chaînes qu'ils ont rejetées après une lutte acharnée. Ce sont des créatures qui – dans leur rancune contre la religion traditionnelle comme 'opium du peuple' - ne peuvent pas entendre la musique des sphères célestes. »
    « L' homme de science est un pauvre philosophe. »

    Le propre de l'athéisme, c'est l'orgueil, le « ni Dieu ni maître ». Celui qui rejette un maître dans un domaine, reste stupide dans ce domaine. Celui qui accepte un maître, deviendra maître un jour. Hawking ne fut jamais un maître en philosophie.

  • Deux des plus grands astrophysiciens furent des prêtres catholiques.

    Au 19e siècle, Angelo Secchi, jésuite italien, considéré comme le père de l'astrophysique.

    Au 20e siècle, Georges Lemaître, belge, découvreur du big bang. Les scientifiques athées ont mis des décennies avant d'en accepter l’existence. Cela mettait à mal leur dogme d'un Univers incréé.

    Qu'en disent les bavards athées du Café du Commerce ?

  • Hawking est un de ces prophètes de la modernité à l'instar d'Elon Musk et son désir de coloniser Mars (voir l'hystérie médiatique lors du lancement bidon de la Tesla énergivore dans l'espace). Il s'agit d'un glissement du sacré de la religion vers la technique technicienne. La fuite en avant du progressisme (des valeurs chrétienne devenues folles selon Chesterton). Chrétiens, avons plus à apprendre de

  • aujourd'hui, on entend dire que celui qui ne sait pas se servir d'un ordinateur, est un "analphabète." C'est sans doute vrai pour le domaine de l'informatique,
    On peut dire aussi alors qu'une intelligence supérieure que l'on admire pour ses travaux et qui n'a pas développé sa fibre spirituelle et cherché à savoir qui est le Créateur de ce monde si parfait, si beau, si juste mathématiquement, qui vit ... depuis tant d'années, celui qui n'a pas cherché le pourquoi de cette Création est "analphabète" aussi.

  • Heureusement que nous avons les avis confirmés et judicieux de in petto en commentaires pour nous éclairer sur tous les sujets traités sur ce blog.. pas étonnant dès lors de s'abstenir pour les autres commentateurs qu'on ne publie plus guère tant il occupe l'espace !

  • Oui, Etienne, en plus de ses avis judicieux et confirmés, In Petto est généreux, il nous consacre beaucoup de son temps. Merci à lui !

  • Maintenant il sait qu'il s'était trompé.

  • @Christophe
    Le slogan de l'athéisme « ni Dieu ni maître » me semble absurde.
    Celui qui refuse un maître dans un domaine, reste ignorant dans ce domaine.
    Tandis que celui qui accepte un maître, deviendra lui-même maître un jour.
    Hawking ne fut jamais un maître en métaphysique, philosophie ou théologie.
    Il n'a donc aucune autorité particulière dans ces domaines.
    L'utiliser comme autorité est donc aussi absurde.
    Autre absurdité comique : un athée qui considère Hawking comme son maître n'est plus athée orthodoxe du même coup.

  • Voici l'avis de nos évêques sur le site Cathobel: " Sans se déclarer formellement athée, Stephen Hawking avait théorisé la non-nécessité de l’intervention de Dieu dans la création de l’univers. "
    Non seulement SH se disait athée, mais il croyait que sa science l'autorisait à des conclusions d'ordre philosophique.

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