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Un dogme d'enfer en dix thèses

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Philosophe et professeur à Paris I, Rémi Brague revient sur la controverse créée par des propos attribués au pape selon lesquels l'enfer n'existe pas. Lu sur le site de l’Express :

« Dans un entretien à La Repubblicca, un quotidien italien, le pape François a déclaré que "l'enfer n'existe pas, ce qui existe, c'est la disparition des âmes pécheresses". Des propos qui ont créé un émoi et avec lesquels le Vatican a immédiatement pris ses distances, qualifiant l'entretien de "reconstruction". Rémi Brague, qui vient de publier chez Flammarion « Sur la religion. Pour en finir avec les préjugés et les confusions » revient sur cette controverse et ce dogme chrétien pour L'Express. 

  1. Je ne sais pas ce que le pape a vraiment dit (*). Il devrait se méfier d'une presse qui s'intéresse peu à ce qu'il dit, encore moins à savoir s'il dit vrai ou faux, mais beaucoup à ce qui fera scandale ou en tout cas du bruit. 
  2. Il est intéressant de se demander si ce que l'Église affirme depuis des siècles, en son magistère comme par ses saints et ses mystiques, doit aller aux poubelles de la pensée.  
  3. Ce qui le mérite, ce sont des images naïves qu'il faut vite dépasser : les diables cornus à fourches, la pesée des âmes, idée étrangère au christianisme, et venue de l'Égypte ancienne aux frontons de nos cathédrales. De même, l'idée d'une punition. Elle serait de toute façon hors de proportion avec les fautes, même les plus graves.  
  4. Il y a dans toutes nos actions une logique interne qui les oriente vers toujours plus de bien ou toujours plus de mal. La mort donne un coup de fixatif, elle scelle notre vie, elle nous fait obtenir ce que, au fond, nous avions toujours voulu.  
  5. Par provocation, je dirais presque que l'enfer (qui n'est pas dans le Credo) est le plus beau des dogmes chrétiens : Dieu prend au sérieux la liberté de l'homme, et la respecte jusqu'au bout. Celui qui Lui dit "non !" restera sans Lui.  
  6. Mais Lui, Dieu, a fait avec l'homme une alliance irrévocable et ne nous abandonne jamais. C'est pour cela que l'enfer est éternel. Mais, s'insurge-t-on, comment un Dieu d'amour pourrait-il créer un tel enfer ? Le Cantique des Cantiques l'a dit : "l'amour est fort comme la mort, la jalousie inflexible comme les enfers (¨e'ol)" (8, 6). Dans certaines icônes, le feu de l'enfer s'allume au nimbe de gloire qui entoure Dieu. 
  7. Le paradis, c'est l'amour de Dieu, vécu par ceux qui L'acceptent sans réserve ; l'enfer, c'est l'amour de Dieu, vécu par ceux qui Le refusent jusqu'au bout. Milton l'avait déjà vu : les démons refusent de se repentir précisément parce qu'ils savent que Dieu leur pardonnerait. Un autre anglais, C. S. Lewis, l'a dit très simplement : "la porte de l'enfer est fermée de l'intérieur". 
  8. L'enfer est-il habité ? Si oui, cela veut dire qu'on peut refuser le Bien, l'Amour, la Vie, en connaissance de cause. Nous avons le droit d'espérer que ce n'est pas possible, et donc que l'enfer est vide, non celui de l'affirmer.  
  9. S'il est habité, qui l'occupe ? Nous voudrions tous y voir ceux que nous n'aimons pas. Mahomet y met Abu Lahab -- le bien nommé -- et sa femme (Coran, CXI). Dante, ses ennemis politiques. Levinas, Hitler (Quatre Lectures talmudiques, p. 185). Les Chrétiens n'en ont pas le droit, car pour tous les "méchants", on peut trouver des excuses : enfance malheureuse, démence, influences, etc. Sauf pour une seule personne, celle que nous connaissons de l'intérieur, à savoir... nous-mêmes. Chacun de nous doit se demander s'il ne serait pas le candidat idéal à l'enfer, peut-être le premier damné de l'histoire de l'humanité.  
  10. La gravité des fautes est importante pour un juge humain, qui doit les comparer les unes aux autres : un génocide est pire que le port de la cravate d'un autre College. Mais là où il s'agit de comparer les fautes à leurs auteurs, elle perd sa pertinence. Je n'ai jamais tué ! En ai-je eu l'occasion ? Je n'ai jamais volé ! En ai-je eu besoin ? Je n'ai jamais trompé ma femme ! En ai-je le tempérament ? En revanche, ai-je résisté, non pas aux tentations que je n'ai jamais éprouvées, mais à celles qui m'ont vraiment assailli ? L'enfer, c'est tout le monde, sauf les autres.

Ref. Un dogme d'enfer en dix thèses

(*) Démentir est une chose mais la communication du Saint-Siège ne nous informe pas de ce que le pape a exactement dit [ndeB]

JPSC

Commentaires

  • "Sartre a écrit : l'enfer, c'est les autres.
    Je suis intimement convaincu du contraire.
    L'enfer, c'est soi-même coupé des autres."
    (Abbé Pierre)

    A fortiori, soi-même coupé de Dieu.

  • Merci à Remi Brague de ces éclaircissements.
    La note (*) vaut toute son importance.
    La communication vaticane dénonce l’interpretation très personnelle de Scalfari mais se garde bien de dire ce que le pape et l’Eglise enseigne sur le sujet de l’enfer.

    C’est ce qui est beaucoup plus effrayant que le titre de la Repubblica : le pape omet d’affermir les fidèles dans leur foi. Sur le sujet ce n’est pas la première fois. Et cela commence à inquiéter de plus en plus de catholiques.

  • L'estimé et estimable professeur fait peu de cas de la vision de l'enfer accordée par la Sainte Vierge aux enfants de Fatima. Par ailleurs on sait qu'un homme au moins est en enfer : Judas (non pour sa trahison, mais pour son suicide, désespérant ainsi de son salut); voir le livre très éclairant, contre le moderniste Urs von Balthasar, de l'abbé Guy Pages.

  • @godefroid
    La zizanie dans l'Église est ce que cherche Scalfari avec ses mensonges
    Je pense qu'il suffit de s'informer.
    Lire par exemple sur Aleteia, trois exemples où le Pape met en garde contre l'Enfer.
    https://aleteia.org/2018/03/30/3-times-pope-francis-warned-about-hell/

  • A côté des explications bienveillantes qui visent à exonérer le pape de toute responsabilité dans l'interprétation de ses paroles par une presse le plus souvent hostile à l'Eglise, il apparaît de plus en plus plausible, et c'est effrayant, que le pape utilise la presse pour faire passer au public son message réformateur, pour ne pas dire révolutionnaire. Les démentis ultérieurs ne serviraient qu'à donner le change à ceux qui continuent de croire que la vérité d'hier ne peut être qu'immuable, en attendant qu'ils disparaissent.

  • Il donne l'impression, Pape François, qu'il suit une directive bien précise depuis le début de son pontificat et pour cela, il a choisi des collaborateurs qui lisent les mêmes philosophes : des réformateurs. C'est notre ressenti.
    Il a donc un double langage, celui du Siège Papal lorsqu'il parle à des chrétiens pratiquants et fidèles et celui d'un Père Prodigue "progressiste" qui veut attirer les brebis perdues. Et pour cela, il fait des concessions et accepterait de laisser passer des articles de Foi, ceux-là qui agacent,pour ensuite être déformés par le secrétaire en vue de la communication.

    .Le Fils ainé de la Parabole du Père Prodigue avait aussi été vexé en voyant son comportement envers le frère dilapidateur, infidèle, mais "repentant". Il tua le veau gras, invita pour festoyer pour avoir ainsi retrouvé l'enfant perdu.
    L'aîné rouspétait...
    Toi, mon fils ainé, tu as déjà reçu ta récompense. Tu as tout mon amour...
    Les brebis perdues sont-elles "repentantes" ? Le saint Père qui leur dit déjà en commençant :"Qui suis-je pour juger ?" Evidemment, il a des réponses, mais aussi des conditions pour revenir à la maison.

    Nous attendons de lui qu'il soit notre modèle et qu'il nous conduise à bon port.
    A quoi sert à une personne non-voyante, l'aide d'une autre personne non voyante ?
    On nous a parlé des trois blancheurs : l'Eucharistie - la Ste Vierge Marie - le St Père.
    Alors quoi ?

  • @in petto

    Merci pour ces passages du pape. Sur le sujet de l’enfer.

    Ceci n’enlève rien des risques répétés que le pape François maintient en parlant à Scalfari qui a trahi ses propos à plusieurs reprises.

    Les mêmes causes fournissant les mêmes effets à quoi bon poursuivre ?

    Il est également possible de retrouver les situations ou le pape n’a pas réagit. Notamment quand le Superieur des jésuites a nié l’existence de l’enfer en présence du pape.
    On n’a pas eu de réaction.

  • A Alain ,
    Et si Judas s'était repenti 10 sec avant de mourir ? ( voir Saint curé d' Ars....) C'est d'ailleurs la raison pour la quelle on ne peut juger religieusement d'un suicide .
    Urs von Balthazar, un moderniste ???
    in petto a raison de nous conseiller l'info objective d' aleteia.org fr.

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