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Le baiser et la gifle

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De Jean-Pierre Denis sur le site de « La Vie » : 

« L’État se veut laïque, mais la culture reste imprégnée de religion. La société sécularisée n’a rien d’indifférent. On s’en aperçoit par moments, par emballements, par accident. On se rappelle de Dieu, de ses ministres et de ses manifestations, par à-coups et par dégoûts, à gros traits fugaces, excessifs, emportés. On cherche très sincèrement les clés pour comprendre ce qui se joue, mais on fouille souvent dans la mauvaise poche. Un exemple ? Des millions de gens ont vu et partagé la vidéo d’un prêtre âgé giflant un bébé qui pleurait pendant son baptême.

Que nul ne me soupçonne de cautionner quelque violence ou abus que ce soit. Mais le geste incontrôlé d’un homme de toute évidence hors de ses sens n’a littéralement aucun sens, on ne peut en tirer aucune leçon, aucune signification, aucune généralité. Cet acte a beau être odieux, il ne dit rien. Pourtant, l’évêque du lieu s’est pressé de réagir et son diocèse de communiquer, de suspendre le méchant vieillard à grands coups de tambour et de trompette. Sous peine d’être accusé de je ne sais quelle complaisance, il faut y aller de son jet de pierre. Quant aux 125 jeunes hommes ordonnés cette année, et pour la plupart ces jours-ci, qui s’en soucie ? Au royaume de l’image virale, la gifle l’emporte par K.-O. sur l’imposition des mains. Qu’on me permette d’affirmer ici que c’est une pure illusion d’optique. Car oui, en revanche, l’engagement de ces jeunes hommes porte une signification profonde.

Oui, le baiser fait causer. Mais ce qui aura du sens se situe hors cadre, hors champ, et se mesurera demain.

 

Faute de sens, on coupe le son et on regarde les images. On glose sur un geste, on tient le chronomètre. De la visite accomplie par Emmanuel Macron au ­Vatican, on retiendra le mesurable, ce nombre de minutes passées en tête à tête, ces étreintes photogéniques censées indiquer à quel degré de chaleur humaine s’élève le fameux « coefficient personnel ». Comme le jeune Président est tactile, que le vieux pape l’est aussi, on s’embrasse comme du bon pain, et on fait mine d’ignorer que durant la campagne François avait peu diplomatiquement dit qu’il ne connaissait pas cet homme-là. Et on est servi, car le baiser est chaleureux. D’ailleurs, la gestuelle de François parle souvent pour lui, manifestant une distance ou exprimant une sympathie. Chez cet homme, le geste fait discours comme la pensée passe par l’acte.

De là à en déduire déjà du je-ne-sais-quoi et du presque tout sur les relations entre Emmanuel, le Président de prénom divin, et François, le pape au nom de roi de France, n’est-ce pas aller bien vite en besogne et tomber trop docilement dans les pièges de la communication politique ? Oui, le baiser fait causer. Mais ce qui aura du sens se situe hors cadre, hors champ, et se mesurera demain. Quand le Président et le pape feront, si tout va bien, cause commune pour la planète, la paix, le climat, le sort des chrétiens d’Orient. Quand viendra ou, selon toute apparence, ne viendra pas, l’heure d’une politique sociale. Quand surgiront les décisions sociétales que la majorité prépare. Fine mouche, soupçonnant peut-être ce petit jeu d’instrumentalisation que les politiques ne peuvent s’empêcher de jouer, la présidente du Secours catholique, Véronique Fayet, a profité du voyage pour remettre au pape son rapport sur « la finance aux citoyens ». Pas dupe non plus, le pape a offert au ­Président une image du grand saint Martin, ce soldat qui partage son manteau avec un pauvre.

Derrière les ambassades et les embrassades, il y a des choix politiques et spirituels. Ce sont eux qu’il faudra scruter, d’un point de vue chrétien, pour savoir s’ils ont ou non quelque chose d’édifiant. Jusqu’à preuve du contraire, ni la gifle du vieux prêtre ni le baiser du jeune Président ne disent quoi que ce soit de l’Évangile.

Ref. Le baiser et la gifle

Dans les grands salamalecs de jadis où les princes de ce monde agenouillés devant le Vicaire du Christ lui embrassaient dévotement qui la mule, qui l’anneau pontifical, le formalisme pouvait l’emporter sur le respect sincère. Et de nos jours, les baisers hypocrites comme celui de Judas n’ont évidemment pas disparu : ils ne valent pas mieux que des gifles. Naturellement on n’en est pas là dans les embrassades entre Emmanuel et François mais, comme l’écrit justement Jean-Pierre Denis, ce sont elles que, d’un point de vue chrétien, il faudra tout de même scruter pour savoir si elles nous disent quoi que ce soit de l’Evangile…

JPSC

 

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