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La barque de Pierre prend-elle l'eau ?

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De Carlos Esteban sur le site hispanophone Infovaticana (traduction par nos soins) :

Le naufrage

Non praevalebunt. Les forces de l'enfer ne prévaudront pas contre l'Église. C'est la promesse du Christ à laquelle nous, catholiques, pouvons nous accrocher avec confiance. Et c'est le meilleur moment pour s'en souvenir et s'y fier car, humainement, le gouvernement de l'Eglise ressemble plus que jamais au bunker de Berlin dans le film La Chute.

L'image est sombre. Les scandales jumelés du Chili et des États-Unis ne sont pas seulement terribles en raison du nombre d'années pendant lesquelles les pasteurs ont couvert et ainsi toléré les abus continuels et scandaleux sur de jeunes hommes - qualifier cela de « pédophile » équivaut simplement à éluder la question - et aussi parce qu'ils ont révélé que de tels comportements, loin d'être des exceptions inhabituelles, ont persisté dans un environnement de «normalité» relative; non, ce qui est particulièrement inquiétant pour les catholiques dans le monde aujourd'hui, c'est la réaction des «bons» évêques, des cardinaux, du pape.

Dans la délicieuse comédie « 1,2,3 » de Billy Wilder, un dirigeant américain, directeur de Coca-Cola à Berlin dans les années soixante, se trouve confronté à un gars qui claque les talons pour dire bonjour et tend le bras à la moindre provocation, mais prétend ne pas avoir su ce qui s'est passé en Allemagne pendant la guerre parce qu'il travaillait dans le métro. Wilder se moque ici d'un peuple qui prétendait se dissocier collectivement des crimes du nazisme, comme si ils avaient eu lieu dans le secret absolu, ce qui est absurde. Et à présent, ils veulent nous vendre le même âne aveugle.

Je propose un principe très simple: si, lors d'un scandale massif, impliquant des centaines de victimes sur plusieurs décennies au sein d'une organisation, tous les responsables de la même organisation disent qu'ils ne savaient rien et n'ont rien vu, c'est que cette organisation est pourrie à la racine.

Le mal ne réside donc pas dans ces «pommes pourries»; personne n'est à l'abri du péché, ni du pire, et il n'y a pas d'institution sans péché dans ce monde pécheur. Le vrai mal dans ce cas est, si vous voyez ce que je veux dire, réside dans la réaction du «camp du bien».

C'est notamment dans les «mesures» proposées par le cardinal O'Malley que nous avons mentionnées dans un texte précédent. Le chef du dispositif du Vatican fondé précisément pour clarifier ces cas, s'exprime comme si le problème avait une solution bureaucratique : il serait question de renforcer les règles ici et d'affiner les lignes directrices là pour en finir avec cette question embarrassante. Éminence, avec tout le respect que je vous dois : les évêques américains, leurs collègues, savaient; Rome savait; ses collaborateurs et subordonnés savaient.

Il y a un évêque jouissant d'une réputation orthodoxe et conservatrice, Thomas Tobin (de Providence), qui affirme sur Twitter que la plupart de ses collègues sont saints et immaculés (je paraphrase), que ce scandale est exceptionnel. Le tweet en question a suscité, la dernière fois que je l'ai vu, une centaine de réponses, presque toutes respectueuses mais, dans leur écrasante majorité, extrêmement critiques. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence que Monseigneur Tobin ait fermé son compte.

Il y a une Curie, dominée par une « junte » informelle -le C9- parmi les membres de laquelle abondent ceux qu'éclabousse le scandale, comme le cardinal Maradiaga, en plus de ceux dont l'orthodoxie est douteuse, comme le cardinal Marx.

Il y a un pontificat qui semble beaucoup plus obsédé par des questions qui ont peu ou rien à voir avec sa mission comme le changement climatique ou les politiques migratoires et qui se prononce sur ces questions avec une assurance déconcertante tandis qu'il laisse dans un douloureux état de confusion de graves questions doctrinales.

Il y a un monceau de slogans bien sonnants - "Une Eglise pauvre pour les pauvres", "tolérance zéro" - qui restent sans effet et qui se retrouvent constamment en contradiction avec les décisions concrètes qui sont prises. Et cela dans une obsession de l'image et du geste vague au détriment de la clarté.

Il y a la division de l'Eglise qui s'accentue et favorise jour après jour la marginalisation des chrétiens conservateurs qui, pour le plus grand malheur du progressisme dominant, sont ceux qui remplissent les églises et les séminaires.

Il y a Sa Sainteté qui s'est démarquée à gauche dès le début de son pontificat et a donné l'idée que l'idéologie aurait un rôle prédominant, quelque chose qui se confirme dans la combinaison entre une inépuisable miséricorde pour les uns et une dureté inexplicable et inexpliquée à l'égard des institutions traditionnelles comme la Fraternité des Saints Apôtres ou les Franciscains de l'Immaculée, véritables pépinières de vocations.

Il y a une ambiguïté doctrinale délibérément maintenue autour de vérités essentielles sur lesquelles diverses institutions ecclésiales s'interrogent, sur les sacrements ou l'objectivité du bien moral. Il y a le silence obstiné face aux doutes formulés par quatre cardinaux au sujet de l'exhortation Amoris Laetitia, de la part d'un pontife qu'on ne peut précisément accuser de se taire ou d'hésiter, qui reste un mystère douloureux pour beaucoup, tout comme son attitude changeante concernant la communion offerte aux conjoints protestants de fidèles catholiques.

Il y a, enfin, dans une hiérarchie de plus en plus désolidarisée de sa mission, transformée en une association professionnelle qui s'investit davantage dans les luttes de pouvoir et les ambitions personnelles que dans le zèle pour la Maison du Père. Il ne faut peut-être pas s'attendre à ce que chacun des évêques du monde soit une réplique exacte des apôtres, leurs prédécesseurs; mais il semble qu'ils n'essaient même pas. (...)

Rien de tout cela ne peut changer et ne changera pas sans un véritable tsunami dans l'Église. (...) Ce que je sais, c'est qu'une poignée de règles bureaucratiques ne fera rien pour arrêter la marée.

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