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Pourquoi l’Espagne se déchire-t-elle autour de la dépouille de Franco ?

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A Madrid, le gouvernement minoritaire de Pedro Sanchez a présenté vendredi un décret en vue de retirer les restes du général Franco du mausolée où il a été inhumé en 1975 aux côtés des corps de victimes des deux camps de la guerre civile espagnole : la paix des cimetières…

La droite espagnole s'oppose à l'opération idéologique socialiste d’exhumation de la dépouille du Caudillo, en débat depuis de nombreuses années. Retour sur l'importance de cette initiative en six questions. De Blandin Le Cain dans le « Figaro »

Franco XVM2298f1c4-a77a-11e8-8783-1d0c50667def-805x453.jpgLe gouvernement socialiste espagnol a approuvé vendredi 24 août un décret concernant son projet d'exhumer la dépouille de Francisco Franco du mausolée où elle se trouve. Ce texte initie de façon concrète le processus de transfert des restes du dictateur vers un autre lieu, soumis toutefois à un vote favorable des députés dans les semaines à venir. S'il est validé par les parlementaires, ce projet, annoncé par le premier ministre Pedro Sanchez dès son arrivée au pouvoir en juin dernier, viendrait clore des années de débat autour de cette sépulture et du lieu où elle se trouve, sur fond de tiraillements toujours vifs en Espagne entre partisans et opposants du franquisme. En six questions, nous revenons dans cet article sur l'importance de cette initiative.

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  • Que prévoit ce projet?

Le chef du gouvernement entend faire retirer les restes de l'ancien dirigeant espagnol - de 1939 à sa mort en 1975 - du mausolée où il a été inhumé trois jours après son décès. Le lieu, connu sous le nom de Valle de Los Caidos («vallée de ceux qui sont tombés»), est situé à 50 kilomètres au nord de Madrid. Il s'agit d'un ensemble gigantesque commémorant la guerre civile survenue entre 1936 et 1939 entre républicains et les nationalistes menés par Franco, événement qui a permis son arrivée au pouvoir.

L'ancien chef de l'État espagnol avait imaginé lui-même cet ensemble architectural surplombé d'une croix de 150 mètres de haut, 35 ans avant sa mort, en souvenir de sa victoire dans la guerre civile, rappelle El País . Lorsqu'il l'avait inauguré le 1er avril 1959, Franco l'avait présenté comme un lieu de «réconciliation» entre les deux camps opposés lors de la guerre civile.

La dépouille de Franco pourrait être transférée dans le caveau familial du cimetière du Pardo, près de Madrid, précise l'AFP. La famille dispose de deux semaines pour indiquer le lieu qu'elle choisit. En l'absence de décision des proches, le choix reviendra au gouvernement. Le transfert avait initialement été annoncé pour juillet, avant d'être repoussé. Le gouvernement a opté pour un passage par décret, plus rapide, plutôt que par un texte de loi qui n'aurait pu être adopté avant un délai d'un an.

  • Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il ce transfert?

Près de 27.000 combattants franquistes sont enterrés à proximité de Franco, mais aussi 10.000 opposants républicains. Le dirigeant avait en effet fait transférer les dépouilles de milliers d'entre eux, extraites de fosses communes et de cimetière sans autorisation de leurs familles, au nom de cette «réconciliation» prônée. Le mémorial a par ailleurs été construit par 20.000 prisonniers républicains soumis au travail forcé, dont certains ont laissé leur vie sur ce chantier colossal qui s'est étalé de 1941 à 1959. 

Depuis de nombreuses années, des voix dénoncent le symbole de division et de mépris pour les victimes républicaines reposant à côté du responsable de leur mort. Plusieurs associations et groupes politiques demandent donc que la dépouille du dictateur soit retirée du mémorial afin de le transformer en véritable lieu de réconciliation.

Le transfert des restes d'un autre personnage espagnol, José Antonio Primo de Rivera, fait également débat. Le fondateur du parti fascisant de la Phalange repose à proximité de Franco. Le gouvernement pourrait opter pour un déplacement de la dépouille vers un autre lieu moins exposé.

  • Pourquoi ce choix fait-il débat?

La mémoire du franquisme est un sujet sensible en Espagne. De nombreuses questions autour des crimes perpétrés sous Franco et des fractures entre ses soutiens et ses opposants ont été en partie mises de côté à partir de 1975 et du retour à la démocratie, au nom de la réconciliation nationale. Plus de quarante ans après, l'évocation du franquisme et de ses conséquences reste donc l'objet de débats.

Le mausolée est au cœur de ces tiraillements: la tombe de l'ancien dirigeant reste fleurie toute l'année. Une partie des Espagnols n'hésite pas à venir s'y recueillir pour faire vivre la mémoire de Franco et afficher publiquement un soutien à cette figure. Jusqu'en 2007 et leur interdiction, des rassemblements de nostalgiques du franquisme y étaient organisés chaque année. La Fondation Francisco Franco, qui défend la mémoire et la valorisation du personnage, illustre ce tiraillement de la société espagnole. «Qu'ils sortent les leurs, pas les nôtres!», scandait ainsi un des manifestants présents vendredi sur place, cité par El País .

  • Pourquoi maintenant?

Le premier ministre a choisi de faire de cette mesure un symbole fort en l'adoptant rapidement. Elle vient s'ajouter à plusieurs autres annonces portant sur la mémoire franquiste et son encadrement légal. «Au départ, on a dit que les blessures étaient trop fraîches», a argumenté Pedro Sanchez, en juin, au moment d'annoncer cette décision. «Une fois les années passées, on a dit qu'il ne valait pas la peine de raviver une histoire oubliée. Autrement dit, d'abord il était trop tôt et ensuite, il était trop tard», avait ironisé le premier ministre, avant de conclure: «On ne peut construire un futur confortable en ignorant un passé incommode.»

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Avant lui, plusieurs gouvernements ont engagé une initiative similaire. La plus avancée était celle de José Luis Zapatero qui, à la fin de son second mandat en 2011, avait formé un comité de 12 experts. Ce comité avait remis un rapport au nouveau premier ministre de l'époque, Mariano Rajoy. Celui-ci avait finalement mis son veto, avançant notamment le coût de la mesure.

Cette fois, le premier ministre socialiste, bien que minoritaire au parlement, peut espérer avoir la majorité nécessaire au vote du décret. Pedro Sanchez peut notamment s'appuyer sur le soutien de la formation de gauche Podemos, avec qui il a trouvé un accord, ainsi que celui des indépendantistes catalans et des nationalistes basques.

  • Qui s'oppose à la décision?

Les premiers opposants à ce transfert sont les membres de la famille de Franco. Ils ne disposent cependant pas d'un réel droit de veto. Le décret présenté par le gouvernement doit permettre d'éviter tout blocage de leur part. Une partie des sympathisants de droite et d'extrême droite s'oppose également à l'initiative. En juillet, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant le mausolée, à l'appel d'un mouvement d'extrême droite, pour protester contre la décision. Des participants avaient entonné le Cara al Sol, l'hymne du parti de la Phalange, souligne l'AFP. D'autres arboraient des drapeaux de l'Espagne franquiste, qui ont été confisqués par la Garde civile sur place.

L'Église espagnole s'était également élevée contre cette initiative lorsqu'elle avait été lancée par José Luis Zapatero. Son contrôle sur la Basilique qui se trouve sur le site où repose Franco était l'un des arguments avancé en 2016 par Mariano Rajoy pour contester sa possibilité d'agir. Mais l'archevêque de Madrid a annoncé il y a quelques jours qu'elle ne s'opposerait pas à ce transfert, rapporte La Vanguardia.

Sur le plan politique, le gouvernement socialiste doit aussi faire face à certaines réticences. Lors d'un précédent vote sur la question, en 2017, à l'initiative du Parti socialiste, les députés du Congrès avaient validé le projet par 198 voix pour contre 140 abstentions et un vote contre par erreur. Un an plus tard, les positions ont toutefois changé: le parti Ciudadanos, qui avait voté pour, a annoncé qu'il s'abstiendrait cette fois. Et le Parti populaire (PP), la droite espagnole, a déjà annoncé qu'il saisirait le Tribunal constitutionnel contre le texte. Les deux partis jugent le passage en urgence injustifié. El País précise que le PP n'a toujours pas confirmé quel serait son vote.

  • Que se passe-t-il maintenant?

Un vote des députés doit désormais intervenir dans les trente jours. Si le vote est favorable, le retrait de la dépouille sera planifié, dans un délai maximal d'un an, durée de validité du décret. La sépulture de Franco est située à plus d'un mètre au-dessous du sol, sous une dalle d'une tonne et demie. Aucune date précise n'a été communiquée pour le moment et le gouvernement souhaite qu'il en soit ainsi jusqu'à l'intervention sur place, précise El País , afin d'éviter des manifestations et des incidents à cette occasion. Une porte-parole du Parti socialiste indiquait au quotidien peu avant l'adoption du décret que les restes du dictateur pourraient être extraits dans les prochaines semaines. Vendredi, la numéro deux du gouvernement a de son côté évoqué une possible exhumation à la fin de l'année.

Ref. Pourquoi l’Espagne se déchire-t-elle autour de la dépouille de Franco ?

Et si on laissait les morts enterrer les morts au lieu de  jouer les revanchards post mortem en instrumentalisant l'histoire. La guerre civile espagnole est terminée depuis 1939...

JPSC

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