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Dimanche 14 octobre 2018 sur la place Saint-Pierre à Rome : le pape François canonise Paul VI, le pape de Vatican II

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A mi-parcours du Synode « des jeunes », ce dimanche 14 octobre 2018, sur la place Saint-Pierre à Rome, le pape François va élever sur les autels sept nouveaux saints : Mgr Oscar Romero, archevêque de San Salvador (capitale de la république du même nom), icône emblématique des droits de l’homme en Amérique du Sud, assassiné en 1980, Nunzio Sulprizio (un jeune artisan italien exemplaire), Francisco Spinelli et Vincenzo Romano (prêtres italiens ayant dédié leur vie aux pauvres et à l’adoration du Saint-Sacrement), Maria Katharina Kasper  et  Nazaria Ignacia  March Mesa  (deux religieuses, l’une allemande, l’autre espagnole, partageant le même souci de l’aide aux défavorisés) et, last but not least dans la notoriété, le pape Paul VI auquel l’historien Yves Chiron a consacré les lignes qui suivent reproduites sur le site « aleteia » :

« Dans la tempête qui suivit le concile Vatican II, dans une société de plus en plus sécularisée, le saint pape Paul VI gouverna l’Église avec souplesse, en tenant bon la barre sur la doctrine et la protection de la vie.

PopePaulVI.jpgLe pape Paul VI, qui fut pape de 1963 à 1978, sera canonisé ce 14 octobre. Il gouverna l’Église dans la période difficile de l’après-concile Vatican II. La première grande décision de son pontificat fut de poursuivre le concile Vatican II que son prédécesseur, Jean XXIII, avait convoqué et qui avait connu une première session en 1962. Il y eut encore trois sessions sous Paul VI et le concile durera jusqu’en décembre 1965. Le Pape, tout en laissant une grande liberté au concile, est intervenu à plusieurs reprises de manière décisive : en imposant une Note qui précisait et limitait la collégialité (la participation des évêques au gouvernement de l’Église universelle) et en enlevant des débats conciliaires certains sujets sensibles (la contraception, le célibat des prêtres, l’organisation du synode des évêques) qu’il se réservait de traiter.

Des réorientations décisives

C’est aussi en plein concile, mais de sa propre décision, qu’il a donné de façon solennelle un nouveau titre à la Vierge Marie, en proclamant « Marie, Mère de l’Église ». Les seize constitutions, décrets et déclarations votés par le concile Vatican II ont réorienté de manière décisive l’Église et lui ont ouvert de nouvelles perspectives. La forme la plus visible de cette réorientation fut la réforme liturgique qui fut mise en œuvre après le concile et dont Paul VI a suivi l’élaboration de très près.

On doit relever aussi que Paul VI a été le premier pape de l’histoire de l’Église à aller à la rencontre des fidèles sur tous les continents. Ce seront successivement les voyages en Terre Sainte et en Inde en 1964, à New York au siège des Nations-unies en 1965, au Portugal en 1967, en Colombie en 1968, à Genève et en Ouganda en 1969, en Asie en 1970.

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Paul VI a également été confronté à une crise majeure dans l’Église : dans une société de plus en plus sécularisée et où l’indifférence religieuse progressait, les remises en cause doctrinales se sont multipliées de la part de certains théologiens et de certains évêques. On a assisté aussi à une baisse considérable du nombre des vocations dans beaucoup de pays et à des défections impressionnantes dans le clergé. Selon les données statistiques établies par la Congrégation du clergé, plus de 40.000 prêtres (diocésains et religieux) ont quitté le sacerdoce pendant le pontificat de Paul VI.

Ce qu’on a appelé le Catéchisme hollandais, publié en 1966 avec l’approbation des évêques des Pays-Bas, a symbolisé cette remise en cause doctrinale de l’après-concile. Il a été traduit en différentes langues. Il contenait des affirmations contraires à la foi et péchait, en de nombreux points, par silence ou omission. Devant le scandale et les protestations, Paul VI a institué une commission cardinalice qui a dressé une longue liste des corrections et des précisions à apporter.

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De façon plus générale, Paul VI a voulu réaffirmer de façon solennelle la foi catholique dans un Credo du peuple de Dieu qu’il a proclamé en juin 1968. Cette Profession de foi solennelle fut une réaffirmation de la foi de l’Église face aux contestations et aux doutes en même temps qu’un engagement personnel du Pape à être le pasteur qui transmet et garde l’enseignement hérité des origines. Ce Credo de Paul VI marquait aussi les limites qu’il entendait mettre au dialogue avec le monde, avec les cultures profanes et avec les autres confessions chrétiennes. Le début de ce texte magnifique montre bien comment le Pape a voulu donner une forme nouvelle à un texte traditionnel :

« Nous croyons en un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, Créateur des choses visibles comme ce monde où s’écoule notre vie passagère, des choses invisibles comme les purs esprits qu’on nomme aussi les anges, et Créateur en chaque homme de son âme spirituelle et immortelle. »

L’audace d’Humanae vitae

Cette même année 1968, en juillet, Paul VI a osé heurter ce qu’on appellerait aujourd’hui le « politiquement correct » en publiant l’encyclique Humanae vitae. La question de la régulation des naissances et de la contraception — les catholiques peuvent-ils utiliser la pilule, un moyen chimique, pour limiter le nombre des enfants dans leur foyer ? — a été évoquée au concile. Avait commencé à se faire entendre parmi les cardinaux et les évêques une tendance qui allait dans le sens d’une modification de l’enseignement de l’Église sur ce point. Paul VI a préféré retirer cette question des débats conciliaires et s’est réservé de donner lui-même une réponse définitive.

Au témoignage du philosophe Jean Guitton, qui fut son ami, son esprit libéral était tenté d’accepter cette contraception réclamée par certains comme une libération de la femme. En France, la loi Neuwirth légalisant la contraception avait été votée en 1967. Paul VI a longuement hésité, a multiplié les commissions et les consultations pendant plusieurs années, puis finalement il a eu le courage d’aller à l’encontre de l’opinion dominante.

Encouragement pastoral

Le refus de la contraception se fonde sur la loi naturelle et sur la doctrine catholique du mariage. « Cette doctrine, dit l’encyclique, est fondée sur le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l’homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l’acte conjugal : union et procréation ». C’est une même défense de la vie et de la création voulue par Dieu qui fait exclure l’avortement, la stérilisation et la contraception. Cette réaffirmation doctrinale était accompagnée d’une incitation aux prêtres à offrir un accompagnement pastoral et spirituel des fidèles : par une bonne préparation au mariage et par une écoute attentive aux difficultés rencontrées par la suite dans leur vie de couple.

L’encyclique fut contestée, dans les pays occidentaux, par des centaines de théologiens et de professeurs de séminaires, et critiquées ou relativisées par certains épiscopats. En revanche en Amérique du sud et en d’Afrique elle fut très bien accueillie parce que la pilule contraceptive leur semblait une ingérence occidentale dans la vie des pays les plus pauvres.

Le Pape de la protection de la vie

Il est remarquable que le miracle nécessaire à la béatification de Paul VI puis celui pour sa canonisation soient tous les deux en lien avec la défense de la vie. Le premier a eu lieu en 1996. Une jeune américaine était enceinte. Les médecins avaient diagnostiqué une malformation du fœtus qu’elle portait et avaient conseillé un avortement. Elle a refusé et a invoqué l’intercession de Paul VI. L’enfant est né sans malformation.

Le second a eu lieu en 2014. Il s’agit d’une jeune Italienne enceinte de cinq mois qui connut une rupture du placenta. Cela mettait en péril sa vie autant que celle du fœtus. Les médecins conseillèrent un avortement thérapeutique. La future mère refusa et alla à Brescia prier devant une relique de Paul VI, « le pape qui guérit les enfants non encore nés ». L’enfant naquit le 25 décembre suivant, en bonne santé»

Ref. Paul VI, le pape du Credo et de la vie

Esprit à la fois moderne et cultivé, d’une grande probité intellectuelle et morale, Paul VI  passe aussi pour une personnalité introvertie, tourmentée, anxieuse, hésitante et scrupuleuse qui ne réussit pas à maîtriser la mise en œuvre des décisions du concile Vatican II.  Dans deux domaines, il garda cependant une ligne de conduite intransigeante: celui du célibat des prêtres (encyclique sacerdotalis caelibatus, 1967) et celui de la régulation des naissances (avec l’encyclique Humanae vitae, 1968).

JPSC

Commentaires

  • Lors de la béatification de ce pape, un observateur attentif faisait déjà remarquer :
    1. Si cette perspective de béatification se transformait en béatification effective, cela prouverait peut-être que nous sommes bien en présence d’une mise en oeuvre de ce que l’on pourrait appeler “l’herméneutique du renouveau conciliaire, dans la continuité du Concile”, puisque nous avons eu, avant-hier, la béatification de Jean XXIII, hier, celle de Jean-Paul II, que nous aurons peut-être demain, celle de Paul VI, et peut-être encore, mais après-demain, celle de Benoît XVI, la béatification de Pie IX, dans ce contexte, ayant été, pour l’instant, plus compensatoire qu’annonciatrice de celle d’un autre pontife antérieur au Concile.

    2. Paul VI restera, à tout jamais, à la fois le Pape du Concile et celui du premier après-Concile, id est le Pape qui s’est voulu, dans les deux sens du terme, le premier serviteur du Concile, pendant et après celui-ci.

    3. Paul VI n’a pas pu, pas su, ou pas voulu, recadrer les uns, sanctionner les autres, encourager les uns, excommunier les autres, de telle sorte que son attitude pastorale,

    – compréhensive, sinon approbatrice, à l’égard des clercs néo-modernistes ou néo-progressistes,

    – contre-productive et incompréhensible, à l’endroit des fidèles, notamment, mais pas seulement, des fidèles traditionalistes,

    a bien plus desservi le Concile qu’elle ne l’a vraiment servi.

    4. Dans l’ensemble, son enseignement n’est pas à mettre en cause, et on lui doit même des précisions ou des rappels courageux et utiles : entre autres : Mysterium fidei, Sacerdotalis Caelibatus, Humanae Vitae, la Profession de Foi du 30 juin 1968, Evangelii nuntiandi.

    5. Mais quand il a vu que la mise en oeuvre du Concile, notamment en matière liturgique, commençait à produire les effets désastreux que nous connaissons et subissons, peut-être bien plus en France et en Europe occidentale qu’ailleurs dans l’Eglise, au lieu de ralentir la réforme, en vue d’en assagir les acteurs, il a préféré accélérer la réforme, au risque d’en amplifier les conséquences les plus destructrices, ce qui n’a pas manqué de se produire.

    6. Il y a certainement eu en lui un manque de réalisme, certainement influencé par la part d’angélisme, d’irénisme, d’utopisme, que l’on trouve dans le corpus textuel du Concile, mais aussi dans le climat mental qui s’est formé au sein et autour de l’aula conciliaire.

    7. Mais il y a eu aussi en lui une ambivalence tout à fait singulière : pourquoi a-t-il supporté avec une telle passivité le détournement de finalité, d’inspiration horizontaliste et humanitariste, dont le Concile a été l’objet, dès le début de l’année liturgique 1965-1966, tout en en déplorant les abus ou les excès “pastoraux”, mais sans presque jamais contrecarrer ni contredire, d’une manière énergique, les théologiens qui faisaient dire et les évêques qui laissaient faire les errements et manquements qui étaient précisément à l’origine de ces abus ou de ces excès ?

    8. De même, alors qu’il a été possible, dès la fin des années 1960, ou le début des années 1970, et qu’il est toujours possible, aujourd’hui encore, de voir que la réforme de la liturgie n’est pas précisément synonyme de fécondité spirituelle, au point de susciter, dans les assemblées dominicales, un assez grand nombre de vocations religieuses et sacerdotales, pourquoi s’est-il entêté, s’est-il obstiné, à mettre en oeuvre cette réforme, au risque de priver l’Eglise d’une partie non négligeable de ce qu’elle surnaturellement vocation à recevoir, à porter en elle, et à transmettre ?

    9. Je rappellerai ici quelques textes, que certains aimeraient peut-être pouvoir rendre oubliables ou introuvables :

    http://lacriseintegriste.typepad.fr/weblog/1965/12/discours-de-paul-vi-lors-de-la-clôture-du-concile-vatican-ii.html

    http://lacriseintegriste.typepad.fr/weblog/1969/11/audience-générale-de-paul-vi.html

    http://lacriseintegriste.typepad.fr/weblog/1969/11/audience-générale-de-paul-vi-1.html

    10. Et je rappellerai surtout qui est le grand oublié de toute cette dynamique de béatification des souverains pontifes contemporains : Léon XIII, bien sûr, à qui nous ne devons, pour l’essentiel et sur l’essentiel, que des attitudes, que des enseignements, qui ont grandement contribué à la consolidation de la Foi catholique et de l’Eglise catholique.

    11. Je crois que c’est cela que l’on doit pouvoir dire d’un bon pape : on doit pouvoir dire d’un bon pape qu’il a vraiment oeuvré, au cours de son pontificat, en direction et au service de la consolidation de la Foi catholique et de l’Eglise catholique, que la fécondité de son action ait été perceptible dès le cours de son pontificat, ou seulement par la suite.

    12. Cela ne signifie pas qu’à mes yeux Paul VI n’a pas été un bon pape, ni qu’il a été un mauvais pape, mais cela signifie simplement qu’il n’a “possiblement” pas encore été constaté, ni pendant, ni après son pontificat, que celui-ci avait grandement contribué, grâce à l’action de Paul VI lui-même, à la consolidation de la Foi catholique et de l’Eglise catholique.

    13. Je vous renvoie enfin en direction de ces ouvrages :

    Yves Chiron : “Paul VI, le pape écartelé”, aux éditions Perrin

    Paul Lesourd et Jean-Marie Benjamin : “Paul VI, 1897-1978”, aux éditions France-Empire.

    14. Je sais bien que la béatification d’un pontife n’équivaut pas à celle d’un pontificat, et je sais tout aussi bien que la pratique du grand écart peut être, dans certaines conditions et sous certaines précautions, excellente pour la santé, mais je crois simplement que, dans ce domaine comme dans d’autres, il faut “parfois” penser à ne pas aller trop loin.

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