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Les règles du secret professionnel et du secret de la confession; un rappel des évêques de Belgique

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De Pierre Granier sur le site cathobel.be :

Les évêques rappellent les règles du secret professionnel et du secret de la confession

Suite à la condamnation d’un prêtre par le Tribunal de Bruges à un mois de prison avec sursis pour non-assistance à personne en danger, la Conférence épiscopale de Belgique a réagi. Dans un long communiqué, elle rappelle les règles de base en matière de  et celles concernant le secret de la .

L’affaire qui a conduit les évêques de Belgique à réagir concerne la condamnation, le 17 décembre, du père Alexander Stroobandt à une peine d’un mois de prison avec sursis et un euro symbolique de dommages et intérêts pour négligence coupable. Dans cette affaire, le tribunal correctionnel de Bruges a considéré que cet aumônier d’une maison de retraite de Bruges avait eu tort de ne pas avoir prévenu les secours lorsqu’un homme lui avait fait part de son intention de se suicider au téléphone. Pour le tribunal, le secret de la confession peut être assimilé au secret professionnel mais il n’est pas absolu car « il est du devoir de chacun de porter assistance à autrui ».

L’avocat du P. Stroobandt a décidé de faire appel.

Le communiqué des évêques

Les aumôniers sont tenus au secret professionnel. Ils ne peuvent divulguer l’information personnelle qui leur est confiée dans l’exercice de leurs fonctions.  Leur secret professionnel – et celui d’autres groupes de professions – vise à protéger les personnes qui leur confient ces informations ainsi que l’ordre public.  Récemment, le secret professionnel des aumôniers a soulevé des questions qui ont trait notamment à la prévention des abus sexuels sur mineurs et à la prévention du suicide.  En réponse à ces questions, nous aimerions clarifier quelques règles de base sur le secret professionnel dans un contexte pastoral.

 

Tout d’abord, nous considérerons le secret professionnel auquel sont tenus tous les aumôniers. Nous entendons par ‘aumôniers’, tous ceux qui travaillent dans la pastorale ou qui sont choisis comme conseillers spirituels et qui ont reçu une nomination canonique ou une confirmation de l’évêque.  Il peut s’agir de prêtres, de diacres, de religieux ou de laïcs croyants. Ensuite, nous aborderons le secret de la confession auquel les prêtres sont liés dans le cadre du sacrement de pénitence.

Le secret professionnel

Lorsqu’on souhaite parler à un aumônier, il s’agit généralement d’expériences de vie personnelle ou de questions existentielles. Il peut s’agir d’une maladie ou d’un handicap, public ou non. Les gens parlent de leurs succès ou de leurs échecs en amour, de leurs relations passées et actuelles, de leur famille proche et de leur famille au sens large.  Très souvent, on parle du mal : le mal subi ou causé. C’est souvent en lien avec de la violence ou de la tromperie. Ou les gens parlent de choix importants qu’ils ont dû effectuer dans leur vie : les choix qui sont à faire ou les choix qu’ils veulent modifier ; les choix effectués par d’autres et leur ressenti personnel par rapport à cela. La conversation peut aussi porter sur des préoccupations, parfois très attirantes ou des pensées très sombres. Tous ces sujets concernent des personnes concrètes ; ils portent des noms et des visages concrets.

Il est clair que tous ces entretiens sont couverts par le secret professionnel de l’aumônier. Ce qu’un aumônier apprend dans le cadre du service de sa fonction, il ne le divulgue pas. Celui qui viole le secret professionnel commet une faute professionnelle. Il sape la crédibilité de la fonction pastorale, fait du tort à la personne qui s’est confiée et porte atteinte à l’ordre public. La violation de l’obligation de respecter le secret professionnel est assortie de sanctions civiles et canoniques.[1]   Les aumôniers ont donc toutes les raisons de respecter leur secret professionnel avec le plus grand soin.

Les informations qui parviennent aux aumôniers par d’autres voies que les entretiens dans le cadre de leur fonction pastorale, via leur réseau familial ou social par exemple, ne sont pas couvertes par le secret professionnel. Bien que cette information puisse être très utile pour le service pastoral, les aumôniers la traiteront avec discrétion. Il est dans l’intérêt de tous de distinguer nettement la vie personnelle de la vie professionnelle.

Les aumôniers doivent respecter les limites de leurs capacités et de leur compétence. En d’autres termes, ils ne peuvent et ne doivent pas se charger des tâches des autres : ni du médecin, ni du psychiatre, ni du travailleur social ou du conseiller, ni de la police ou de la justice, ni du partenaire ou de la famille. La première tâche d’un aumônier est d’encourager son interlocuteur à prendre lui-même les bonnes décisions et les bonnes mesures. Une caractéristique spécifique de l’entretien pastoral est de placer l’interlocuteur devant sa liberté et sa responsabilité. Même quand l’aumônier veut protéger quelqu’un contre lui-même ou les autres, il ne peut agir publiquement en son nom, mais il peut le mettre sur la voie et éventuellement le guider vers l’assistance adéquate.

Existe-t-il des exceptions à la règle générale du secret professionnel ? Existe-t-il des situations dans lesquelles un aumônier peut ou doit communiquer ? Ce n’est pas une question facile. On fait habituellement une distinction entre l’obligation de communiquer et le droit de communiquer.  En Belgique, en raison de leur secret professionnel, les aumôniers ne sont pas tenus de communiquer. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, ils peuvent exercer un droit de communiquer, tel que prévu par le Code Pénal.[2]  Ces circonstances exceptionnelles doivent concerner les situations d’urgence dans lesquelles une personne – un mineur ou une autre personne vulnérable – court un réel danger par rapport à son intégrité mentale ou physique, et ne peut la protéger lui-même ou avec l’aide d’autrui.  Si un aumônier établit qu’il ne peut prévenir ce danger grave et réel qu’en transgressant son secret professionnel, il peut exercer son droit de communiquer. Dans ce cas, l’aumônier ne viole pas le secret professionnel.

Dans leur texte de guidance sur la lutte contre les abus sexuels dans l’Église, Du tabou à la prévention, les évêques belges écrivent : L’autorité ecclésiale souligne néanmoins l’importance d’une bonne collaboration avec les instances et les services civils compétents, certainement lors d’abus sexuels de mineurs. Les acteurs pastoraux comme les assistants sociaux peuvent faire usage dans ce cas d’un droit de communication. Ils peuvent notifier les délits concernant des mineurs (comme l’abus sexuel, le viol, les coups et blessures volontaires) à la Justice ou aux organismes d’assistance, sans violer le secret professionnel. On peut aussi s’autoriser du droit de communication pour informer un supérieur de la même catégorie professionnelle, en vue d’une intervention adéquate. Les acteurs pastoraux doivent transmettre les raisons et la forme de cette communication aux personnes concernées et les encourager à entreprendre les démarches nécessaires. Quand une victime, un abuseur ou un tiers sollicite la confidentialité au sujet de l’abus sexuel, il faut se garder de lui promettre une confidentialité absolue. Un acteur pastoral se doit de protéger une personne en danger, surtout les enfants ou les jeunes. Ce devoir peut rendre impossible le respect de la confidentialité demandée. Dans ce cas, l’acteur pastoral ne laissera pas la personne dans l’incertitude, mais il lui expliquera en toute transparence ce qui adviendra de l’information et pourquoi. (n°9)

En cas de doute, un aumônier peut – sans violer le secret professionnel – demander conseil à d’autres personnes. Par analogie avec le ‘secret professionnel partagé’ entre médecins et infirmières, ou entre avocats, un aumônier peut se tourner vers un collègue ou un accompagnateur pour demander conseil, éventuellement sans mentionner les noms concrets de personnes ou de lieux. Il est souhaitable qu’un aumônier cherche aussi à obtenir des conseils d’un responsable ecclésial ou de l’évêque, qui sont tenus par le même secret professionnel. Dans les situations d’urgence, il vaut mieux demander conseil dans le cadre du ‘secret professionnel partagé’ que de ne pas prendre de décisions ou d’en prendre de mauvaises.

Le secret de la confession

Le secret de la confession est une forme particulière de secret professionnel. Comme le dit le terme, le secret de la confession est lié au sacrement de pénitence. Ce lien doit être strictement interprété. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout d’abord, seuls les ministres qui confèrent le sacrement de pénitence sont liés par le secret de la confession, en particulier les prêtres et les évêques. Ensuite, que le secret de la confession ne concerne que les informations qu’un prêtre ou un évêque a entendues dans le cadre formel du sacrement de pénitence. Ce cadre formel comprend une confession crédible, une demande sincère de pardon, l’acceptation d’une pénitence et -quand le prêtre peut l’accorder- l’absolution. Les entretiens qui n’ont pas lieu dans le cadre formel du sacrement de pénitence ne sont pas couverts par le secret de la confession. Enfin, le secret de la confession ne porte que sur les péchés effectivement commis et que l’on confesse. Le pardon sacramentel ne peut précéder le péché. Qu’est-ce que cela signifie pour les prêtres ?  Que la grande majorité de leurs entretiens pastoraux ne tombent pas sous le secret de la confession mais sous le secret professionnel ordinaire, dont il est question plus haut.  Les prêtres qui fonctionnent comme personne de confiance ou conseillers spirituels doivent donc bien faire la différence ou faire la transition entre un entretien en tant que conseiller (qui est couvert par le secret professionnel ordinaire et où existe le droit de communiquer) et la confession elle-même (couverte par le secret de la confession).

Selon le Code de Droit canonique, le secret de la confession est inviolable, ‘ c’est pourquoi il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d’une autre manière, et pour quelque cause que ce soit’ (CIC, can. 982 – §1).   Le Code de Droit canonique ne prévoit pas d’exceptions à l’inviolabilité du secret de la confession. Cela signifie qu’un prêtre ne peut en aucun cas divulguer des informations sur un pénitent et sa confession. Une confession qui n’est pas du tout ou pas immédiatement suivie d’une absolution est également soumise au secret de la confession. L’inviolabilité du secret de la confession s’applique également par rapport aux autorités civiles ou par rapport à la Justice. Comme nous l’avons dit plus haut, cette inviolabilité appartient à la confession sacramentelle et ne peut être étendue à d’autres entretiens pastoraux.

A chaque confession et absolution, le pénitent et le prêtre savent qu’un péché peut encore se reproduire. Par conséquent, le prêtre utilisera toutes les possibilités de l’entretien de la confession pour persuader le pénitent de changer son comportement et d’assumer ses responsabilités. Toutefois, en cas d’urgence imminente, le secret de la confession ne peut servir de prétexte pour ne pas prendre de mesures de prévention. C’est particulièrement vrai dans le cas d’abus sexuels sur des mineurs ou des personnes vulnérables, comme décrit ci-dessus. Un prêtre peut exhorter un auteur d’abus sexuels sur mineurs à se présenter devant les tribunaux ou à sa propre autorité. Il peut même faire de cette exhortation une étape intermédiaire, une condition au prononcé du pardon sacramentel. Il peut interrompre le cadre formel de la confession et reporter l’absolution jusqu’à ce que ces conditions soient remplies. En effet, la confession n’est pas seulement une question de pardon, mais aussi de repentance, de pénitence et de redressement. En cas d’abus sexuel en particulier, le prêtre doit tenir compte de tous ces aspects du sacrement de réconciliation. Si le pénitent est victime d’abus sexuel, le prêtre doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour amener la victime à bénéficier d’une assistance professionnelle et – si nécessaire – faire les premiers pas avec celle-ci.

Conclusion

Les aumôniers sont une sorte de havre où les gens peuvent confier toutes leurs expériences et questions existentielles. La société a plus que besoin de ce type de havre. Il est dans l’intérêt de tous que les aumôniers puissent faire usage de cette confidentialité, qu’ils puissent faire preuve de prudence et le cas échéant, demander conseil dans les conditions appropriées. Le secret professionnel et le secret de la confession offrent les garanties nécessaires à cette fin.

Les évêques de Belgique

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[1] Les aumôniers tombent eux-aussi sous l’article 458 du code pénal: ‘Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d’enquête parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de cent euros à cinq cents euros.’

[2] L’article 458bis du Code pénal traite du droit de communiquer: ‘Toute personne qui, par état ou par profession, est dépositaire de secrets et a de ce fait connaissance d’une infraction prévue aux articles 372 à 377, 392 à 394, 396 à 405ter, 409, 423, 425 et 426, qui a été commise sur un mineur ou sur une personne qui est vulnérable en raison de son âge, d’un état de grossesse, de la violence entre partenaires, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale peut, sans préjudice des obligations que lui impose l’article 422bis, en informer le procureur du Roi, soit lorsqu’il existe un danger grave et imminent pour l’intégrité physique ou mentale du mineur ou de la personne vulnérable visée, et qu’elle n’est pas en mesure, seule ou avec l’aide de tiers, de protéger cette intégrité, soit lorsqu’il y a des indices d’un danger sérieux et réel que d’autres mineurs ou personnes vulnérables visées soient victimes des infractions prévues aux articles précités et qu’elle n’est pas en mesure, seule ou avec l’aide de tiers, de protéger cette intégrité’

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