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L'urgence de prier pour l'Eglise comme on ne l'a jamais fait pour elle

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De Samuel Pruvot et Marie-Catherine d'Hausen sur le site de l'excellent hebdomadaire Famille Chrétienne :

Michael D. O'Brien : « Nous devons prier comme nous n'avons jamais prié pour l'Église »

Michael D. O'Brien, peintre et écrivain canadien, est l'auteur de nombreux romans, dont beaucoup sont publiés en français aux éditions Salvator

MAGAZINE – Dans son dernier ouvrage, « Le Journal de la peste », l’écrivain Michael D. O’Brien dénonce la montée d’un nouveau totalitarisme en Occident. Une parole percutante.

Canadien anglophone, né en 1948, il est marié, père de six enfants et grand-père. Élevé dans le catholicisme, il a perdu la foi à l’adolescence. Mais à 21 ans, il a reçu la grâce d’une conversion totale. Autodidacte, il est artiste peintre et romancier « pour le Christ ».

En France, on aimerait bien pouvoir profiter de la trêve de Noël, où la justice et la paix seraient à l’honneur. Mais cela semble en contradiction avec notre monde occidental – la vieille Europe et l’Amérique du Nord – qui semble arrivé à la fin d’un cycle...

C’est très vrai pour l’Europe et l’Amérique du Nord et du Sud. Les signes de décadence sont légion. On peut en voir les symptômes dans tous les arts, et particulièrement dans la glorification de l’art dégénéré, l’industrie du divertissement, et le pouvoir des nouveaux médias de contrôler et reformater la conscience. Nous vivons une révolution culturelle et, en fait, une révolution qui affecte toutes les sphères.

Quel est le rôle des catholiques en Occident dans ce contexte difficile ?

On assiste à une révolution sociale et politique imposée à toutes les nations. D’abord, la redéfinition de la morale sexuelle, dont la révolution des genres est un exemple évident. De même que la montée de la culture de mort, le fait d’appeler le bien mal, et le mal bien, d’appeler le meurtre de l’enfant dans le sein de sa mère un geste de compassion. On est dans un univers totalement inversé. C’est pourquoi il est si vital, pour les catholiques, de défendre la vérité. Nous devons accepter, comme Jésus, d’être des signes de contradiction. Mais une contradiction d’amour et de vérité en même temps.

Votre roman qui vient de paraître en France,  Le Journal de la peste, porte un titre terrible ! Qu’est-ce que la peste, pour vous ?

Pas simplement des conditions intellectuelles, mais principalement un état spirituel. Pas simplement une question d’analyse politique ou sociologique, mais une partie de la guerre dans les cieux qui atteint notre terre et dans laquelle nous sommes tous plongés.

C’est l’Apocalypse ? !

Je ne fais pas de prédictions. Mais, dans mes romans apocalyptiques, je fais émerger des questions. Si ce sont les temps prophétisés par Jésus, les Apôtres et les prophètes, alors il faut se poser la question : « Suis-je éveillé ? » Car Jésus nous dit : « Restez éveillés ! »

On a quand même l’impression que les politiques de nos dirigeants occidentaux – Emmanuel Macron, ou encore Justin Trudeau au Canada – sont parfois des signes des derniers temps à voir certaines décisions, comme la probable libéralisation de la PMA.

Je crois qu’à chaque fois qu’une idée va contre la vie et les Évangiles, elle relève d’un esprit d’Antéchrist. Mais il faut être prudent. On ne peut pas rejeter tel ou tel dirigeant en disant : « C’est l’Antéchrist. » Nous vivons au milieu de cet esprit qui envahit tout le monde occidental. Dans sa première épître, l’apôtre Jean dit, qu’un jour, l’homme du péché, le vrai Antéchrist, viendra. Et que de nombreux petits antéchrists le préfigurent.

 

Le héros de votre roman, le journaliste Nathaniel, assoiffé de vérité, la fait passer dans ses articles, ce qui met sa vie en danger...

Nathaniel est confronté à un totalitarisme de plus en plus dur, au fur et à mesure que le masque tombe. Il représente un personnage de bonne volonté, qui résiste à la croissance de ce totalitarisme. Cependant, c’est avec ses propres forces qu’il tente de résister aux forces du mal. Mais à travers les différentes crises qu’il traverse, il arrive à un moment d’humilité. À la fin du roman, il dit à son ami, le Dr Woolley, qui l’a trahi : « Tu ne peux pas la vaincre par toi-même, Woolley. Tu ne peux pas l’exciser chirurgicalement. C’est la peste, mon vieux. Tu as besoin de médicaments forts pour ça. » Et, alors même qu’il est prisonnier dans l’endroit le plus sombre, Nathaniel devient un homme d’espérance, un homme plus libre dans son cœur et son âme.

Vous entendez par  hope  le mot « espérance », qui est une vertu théologale, et non l’optimisme ?

Les tentations d’optimisme ou de désespoir, de rage, de peur, d’alarmisme, ou encore de déni, n’ont rien de chrétien. Il est naturel de ressentir de la peur, du dégoût ou du découragement. Mais nous devons alors nous tourner plus profondément vers le Christ et Lui demander sa grâce. La vertu de courage est une vertu naturelle, l’espérance est un don surnaturel de Dieu. Et donc, quand nous sommes confrontés aux ténèbres dans le monde, nous devons demander un surcroît du don surnaturel d’espérance.

Vous parlez beaucoup de l’espérance. Mais que doivent faire les catholiques dans le monde actuel ?

Il faut, certes, avec prudence, protéger et former nos enfants. Mais, en même temps, nos cœurs doivent être ouverts pour aimer chaque personne, même nos ennemis. Sans compromis, mais aussi sans peur.

▶︎ À LIRE AUSSI : Michael D. O'Brien : pour restaurer la culture catholique

Un pays peut-il également vivre de l’espérance ?

Nous qui sommes baptisés dans le Christ, nous sommes dans un corps vivant, le Corps du Christ. Et donc, dans le Corps du Christ, pour les familles comme pour les communautés, la dynamique est la même. La Providence divine est toujours à l’œuvre. Mais Jésus ne nous a jamais promis la sécurité. Il nous promet une belle vie, une vraie vie, mais avec la Croix. Le Christ n’est ni un pessimiste, ni un optimiste, c’est un très profond réaliste. Le chrétien qui vit dans le Christ regarde avec des yeux clairs les ténèbres de notre époque. Il voit le véritable horizon, la victoire qui vient de Jésus-Christ, et qui est déjà en train de se dérouler continuellement autour de nous.

Dans  Le Journal de la peste, vous évoquez, de manière prémonitoire, beaucoup des problèmes actuels, comme l’esprit anti-vie, l’avortement, l’euthanasie des vieillards, l’éducation sexuelle retirée aux parents et même l’homophobie...

Au Canada, on assiste en effet à l’attaque contre la famille, avec l’État qui s’approprie les droits qui n’appartiennent qu’à elle. Et maintenant, l’euthanasie est totalement légale. N’importe qui peut être euthanasié, les déprimés, les malades mentaux... Je suis convaincu que l’un des symptômes du totalitarisme, c’est que certains êtres humains sont jetés.

Comment résister à cette forme de totalitarisme qui domine beaucoup de nos institutions en Occident ?

La révolution sociale qui domine mon pays empoisonne tout. Un professeur à l’université de Toronto a refusé d’appliquer les nouvelles règles, obligatoires, sur l’utilisation des pronoms masculins et féminins, le genre neutre. Alors les bureaucrates de l’université sont devenus fous : « Que va-t-on faire avec ce monstre ? » Les médias se sont emparés de l’affaire. Heureusement, ce professeur est très calme, très drôle et brillant. Il n’est pas chrétien, mais c’est un homme de vérité. Il résiste vraiment à la réduction de la liberté de parole et de la liberté religieuse. Il parle ouvertement et devient de plus en plus célèbre partout. Internet est plein de ses vidéos. Il a même énormément de suiveurs parmi les jeunes.

Est-il toujours possible de résister quand on enseigne à l’université ?

Dans de nombreuses universités catholiques sécularisées, si vous parlez de l’homosexualité selon l’enseignement traditionnel de l’Église comme d’un désordre, au mieux vous serez censuré et vous aurez des problèmes, au pire vous pourrez être renvoyé. Ces universités ont-elles perdu l’âme du catholicisme ? Si un professeur dit que l’homosexualité est un désordre du développement mais que nous devons aimer les personnes qui ont une attraction pour le même sexe, c’est la vérité. Elles ont la même dignité que toute personne et doivent être traitées avec respect. Mais nous avons le devoir de parler de la nature désordonnée de l’acte homosexuel. C’est la vérité, dans l’amour.

Dans cette ambiance « apocalyptique », certains sociologues nous disent que deux France se font face : celle des villes et celle des campagnes... Pourquoi avez-vous choisi de vivre loin des métropoles ?

Nous avons élevé notre famille loin des villes, dans un petit village, d’abord parce que nous étions pauvres et que, à la campagne, le logement est moins cher. Mais surtout, ce qui nous a fait choisir la campagne, c’est l’environnement psychologique de la ville : pression, bruit, vitesse... Et aussi l’appauvrissement physique incarné par le fait de vivre dans des boîtes en ciment, déconnectés de la nature qui est un grand maître et révèle constamment ses beautés et ses mystères. Certes, dans les villes, il y a des parcs... dans lesquels la nature est encapsulée, emprisonnée, mise en ghetto. Bien sûr, on est très heureux de les avoir. Mais quelque chose se perd.

Cela dit, je connais d’excellents catholiques qui vivent dans des villes et se sentent très mal à l’aise à la campagne !

Êtes-vous sensible aux avertissements réitérés du pape François concernant l’écologie qui n’est pas juste une question matérielle, mais aussi un enjeu spirituel ?

C’est très vrai. Les papes Benoît XVI et Jean-Paul II ont dit presque la même chose : être plus sensible à la façon dont nous approchons la nature. Sans tomber dans le piège de l’idolâtrer en la mettant au-dessus de l’homme, il faut en être responsable.

Tout au long du  Journal de la peste, Tolkien, avec  Le Seigneur des Anneaux, est très présent. Pourquoi ?

Je suis totalement amoureux du Seigneur des Anneaux, un ingrédient essentiel de notre culture familiale. Nous n’avons jamais eu de télévision quand nous élevions nos enfants et nous n’en avons toujours pas. Nous étions une famille où l’on racontait des histoires. Pendant vingt à vingt-cinq ans, j’ai lu à mes enfants – aux aînés comme aux petits – tous les soirs (et donc trois fois de suite) Le Seigneur des Anneaux. C’est certes une fantasy mais qui raconte la véritable histoire de l’homme, le vrai drame du combat humain.

Qu’est-ce, pour vous, le drame du combat humain ?

Au Canada, par exemple, parler de l’homosexualité dans le sens de l’Église est devenu un crime de haine et on peut être convoqué au tribunal. Il y a quelques années, deux évêques ont été traduits devant les « tribunaux des droits humains », accusés de crimes de haine, simplement parce que l’un a affirmé, dans le magazine du diocèse, et l’autre, dans l’une de ses homélies, qu’il faut dire la vérité dans l’amour aux homosexuels. Fort heureusement, cela a provoqué une énorme affaire médiatique... Et le tribunal a déclaré les évêques « non coupables ». Mais d’autres tribunaux auraient pu les dire « coupables », et les évêques auraient pu prendre vingt ans de prison.

Qu’attendez-vous de nos évêques ?

L’évêque est un berger. Sa responsabilité première, c’est la santé de son troupeau. De terribles scandales aux États-Unis sont extrêmement douloureux pour les évêques. Mais peut-être le Seigneur permet-Il que ces scandales deviennent visibles pour que la pourriture secrète émerge et soit purifiée. Et pour que l’Église, épouse du Christ, soit préparée à rencontrer l’Époux.

Comment purifier l’Église après la révélation des abus sexuels contre des mineurs et de jeunes adultes ?

Je crois que la purification du monde est en cours. Mais il faut prier pour le troupeau et pour que cette purification se fasse à la fois dans la vérité et dans la charité. Et qu’aucune brebis, aucun enfant, aucun jeune ne soit sacrifié. Un bon berger ne sacrifie pas ses agneaux, il donne sa vie pour eux. La tâche qui est devant nous est de prier comme nous n’avons jamais prié pour la purification et la force de l’Église. Mais nous ne pouvons pas réparer l’Église par nos propres moyens, seule l’Église peut le faire.

Quelle paix l’Église peut-elle offrir aux hommes ?

À l’image de notre Maître, la responsabilité des évêques – et de tous les chrétiens – est d’être signe de contradiction. Nous entrons dans une période de l’Histoire où le témoignage des bergers en chef est absolument vital pour pouvoir garder la confiance et l’espérance du troupeau. Nous devons tous nous garder de la tentation de faire une fausse paix avec l’esprit du monde.

Un roman apocalyptique

Le Journal de la peste appartient à une trilogie (1) qui décrit la montée d’un totalitarisme au Canada, comme la trilogie du « Père Elijah » (2) qui analyse l’immense danger spirituel menaçant l’Église et le monde. Ces romans appartiennent à la série apocalyptique « Enfants des derniers jours ». C’est « une ombrelle générale pour évaluer l’esprit de notre époque , explique Michael D. O’Brien. Avec cette question sous-jacente : “La crise décrite fait-elle partie, plus généralement, de l’Histoire du Salut ?” »

Nathaniel, le héros du roman, est le petit-fils d’Anna, héroïne d’Étrangers et de passage (1). Il a hérité d’elle The Echo, le journal du village de Swiftcreek. Converti à l’âge adulte, mais peu pratiquant, c’est un journaliste de talent, assoiffé de vérité, qu’il fait passer dans ses éditoriaux. Une machination se met alors en place pour l’éliminer. Séparé de sa femme qui a emmené leur bébé, il a la charge de ses deux aînés, Tyler et Zoé, 13 et 11 ans. Pour se prémunir du danger, il doit fuir avec eux, dans le bush, en plein hiver, avec le strict nécessaire pour survivre, tandis que le totalitarisme ambiant laisse peu à peu tomber le masque.

(1)Étrangers et de passage (t. I), 584 p., 23 € ;Le Journal de la peste (t. II), 288 p., 21 € les deux chez Salvator. Le tome III, Eclipse of the sun, n’est pas encore traduit en français.

(2) La Librairie Sophia (t. I), 510 p., 24,50 € ;Père Elijah. Une apocalypse (t. II), 600 p., 24,50 € (en poche : 576 p., 12 €) ; Père Elijah à Jérusalem (t. III), 272 p., 22,90 € les trois chez Salvator.

Commentaires

  • Il ne faut jamais parler de crise ou de malaise dans l Église vu qu elle est l epouse du Christ et de ce fait elle est sainte., mais bien d etres humains qui se sont introduits dans l Église en vue de la détruire, l esprit du mal est omniprésent.

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