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Poto-poto électoral au Congo

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Le scénario se confirme, point par point. Lu sur le site de la Libre Afrique :

« C’est le temps de la « drôle de guerre » en République démocratique du Congo. Une période de conflit faite de mots, de manoeuvres, d’intimidations.

Vendredi soir Barnabé Kikaya Bin Karubi, le conseiller de Kabila, confie à un média américain que les évêques congolais de la Conférence épiscopale nationale congolaise (Cenco) ont révélé le nom du vrai vainqueur des élections et, dans la foulée, il cite le nom de Martin Fayulu, le candidat de la plateforme Lamuka, présenté comme le grand favori de ce scrutin… Un diplomate occidentale aurait confirmé.

La sortie de Kikaya est parfaitement étudiée, elle vise à incriminer les instances de la Cenco qui ont mis le régime Kabila et ses projets de conserver le pouvoir coûte que coûte dans les cordes en annonçant le 3 janvier qu’elles disposaient de suffisamment d’éléments chiffrés pour pouvoir connaître le nom du vainqueur.

En réalité, les évêques n’ont jamais franchi cette ligne rouge. Ils répondront point par point aux accusations du pouvoir dans un texte de trois pages d’une précision chirurgicale.

C’est le président de la Cenco qui avait été interpellé et c’est donc lui, Mgr Marcel Utembi, qui répond.

Lui et ses collègues se disent « surpris » par les allégations « de violer systématiquement les lois » alors qu’ils n’ont jamais donné de tendances ou de résultats. Jamais ils n’ont donné un nom, jamais ils n’ont même précisé si le vainqueur était de la majorité ou  de l’opposition.

L’Église catholique congolaise a repris la main

Dans la foulée, Mgr Utembi rappelle que l’objectif du travail que son institution a mené autour du scrutin, est de « crédibiliser le processus électoral et de contribuer à la légitimation des institutions élues ». Et il poursuit en espérant que cet objectif est… partagé par la Ceni.

Les évêques et le soulèvement populaire ?

Le ton de la missive se fait sans concessions quand il s’agit de répondre aux accusations de la Ceni et du pouvoir en place qui affirment que les évêques par leurs déclarations et leur comportement préparent ni plus ni moins qu’un soulèvement. Les évêques réfutent en bloc et  écrivent : « ce sont les irrégularités qui irriteraient la population et la plus grave qui pourrait porter le peuple au soulèvement serait de publier les résultats, quoique provisoires, qui ne soient pas conformes à la vérité des urnes. »

Le bras de fer est engagé et rappelle ce qu’avait déclaré un évêque à LaLibreafrique.be avant la réunion du 3 janvier : « l’heure est grave. La Cenco ne reculera pas devant les menaces et les intimidations. La vérité des urnes doit éclater. »

Il démontre surtout que malgré les appels de la communauté internationale le régime Kabila ne semble pas disposer à accepter ce verdict des urnes.

 

Les raisons de craindre le pire 

La sortie de Kikaya Bin Karubi est de celles qui démontrent que le pouvoir cherche sciemment des boucs émissaires  pour rejeter l’éventuelle explosion de violence qui pourrait découler de l’annonce de la victoire du favori de la Kabilie. Ce même Kikaya était sorti de l’ombre le 13 décembre dernier au petit matin. C’est lui qui le premier avait tweeté sur l’incendie du dépôt de la Ceni à Kinshasa qui allait finalement justifier le report du scrutin d’une semaine. C’est dans ce tweet matinal qu’il avait démontré toute sa sagacité, étant capable de dénombrer avec une précision quasi helvétique le nombre de machines à voter qui avaient été détruites (et dont on attend toujours de voir la première carcasse) alors que le feu était à peine maîtrisé.

Le diplomate, qui a ses entrées en Afrique du Sud et aux Etats-Unis, apparaît comme le nouveau communicateur de crise du pouvoir, remplaçant pour les sujets très sensibles et à portée internationale, le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication, Lambert Mende, complètement décrédibilisé par une multitude de sorties aussi nauséeuses que surréalistes

Déploiement de force

Depuis le milieu de la journée, dans la capitale, les forces de l’ordre sont de plus en plus visibles. Les hommes de la garde républicaine, le plus souvent en tenue policière, ont pris position autour des endroits les plus stratégiques.

Des témoignages venant de Dilolo, à l’ouest de Lubumbashi, dans la province du Lualaba, aux abords de la frontière avec l’Angola, font état d’agressions contre des militants de l’opposition par des membres du FCC, la plateforme de la majorité kabiliste. Là-bas, peu après 20 heures, le quartier Mont-fleuri était bouclé par la police. Personne ne pouvait entrer ou sortir. « Plusieurs cadres de l’opposition vivent ici, l’un d’eux aurait déjà été tabassé », explique notre témoin. Un autre contact prévient : « Un avion vient de se poser à Dilolo avec des hommes de la garde républicaine déguisés en policiers. On les connaît bien, ce sont toujours les mêmes qui sont envoyés ici. Ils ont déjà frappé plusieurs personnes, ils sont à la recherche des candidats députés de Lamuka. Leur mission c’est de les enlever et de les éliminer. Ils sont venus pour semer la terreur. On est coupés du monde. On craint pour notre sécurité, transmettez ce message. Il y a vraiment urgence. »

Tous ces comportements démontrent que le régime entend se maintenir. Quel qu’en soit le prix.

Des machines à voter fonctionnent encore

Et si le pouvoir devait, comme il  l’a annoncé samedi en début de soirée, retarder encore l’annonce des résultats partiels, c’est qu’ « il doit encore tripatouiller les résultats« , explique un membre d’un mouvement citoyen qui dénonce la découverte ces derniers jours de plusieurs machines à voter qui imprimaient encore des bulletins de vote, notamment dans la province du Kwilu, bastion de Fayulu, en faveur du candidat de la présidence. Des faits similaires ont été rapportés à plusieurs endroits du pays.

« C’est incompréhensible », explique un informaticien qui a travaillé plus d’un an pour la Ceni avant de « quitter le navire » parce qu’il n’était plus payé. « Il y a tellement de PV des bureaux de vote qui sont arrivés dans les QG des partis politiques que je ne comprends pas comment la Ceni espère encore tricher ».

D’autant que l’écart entre Martin Fayulu et Emmanuel Shadary serait de l’ordre de plus de 7 millions de voix nous affirment plusieurs sources. « C’est pourquoi on explique depuis la fin des opérations de vote qu’il faut être très attentif au taux de participation. Avec un taux bas, ce qui est clairement le cas vu les problèmes techniques rencontrés, les ouvertures tardives des bureaux de vote, la méconnaissance technique des électeurs, les soucis d’énergie, etc, il n’y a pas de marge de manoeuvre pour bourrer les urnes. C’est pour cette raison que le pouvoir a essayé d’expliquer que le taux de participation à Kinshasa était très faible et particulièrement élevé à l’intérieur du pays. Une vaste blague. Mais tout le monde dispose des PV des bureaux de vote à Kinshasa. Tout le monde sait que Fayulu est très largement en tête et que le taux de vote atteint rarement les 50%, le pouvoir doit donc préparer le terrain pour atténuer l’impact de la capitale et tenter de gonfler ailleurs ». 

Mais partout dans le pays, les Congolais attendent impatiemment l’annonce de la victoire de l’opposition. Martin Fayulu est le grandissime favori. Tshisekedi fait encore illusion dans le Kasaï mais le territoire familial ne pourra jamais suffire à le faire élire.

« On dort peu, on attend l’annonce. Les téléviseurs, les radios fonctionnent presque 24 heures sur 24. Internet est toujours coupé. On sait  que le pouvoir est capable d’annoncer la victoire de son candidat en pleine nuit, après avoir déployé les militaires et les policiers. Personne ne veut se laisser surprendre »,nous explique-t-on à Lubumbashi.

« Comment voulez-vous diriger le Congo avec 85 à 90 % de Kinshasa qui vous est hostile. Shadary ou Tshisekedi, à Kinshasa, ça ne passera pas. Il n’y a que Fayulu qui puisse être accepté », nous confirme ce Kinois. Une vraie question qui ne semble pas perturber le pouvoir. »

Ref. RDC : le pouvoir vraiment décidé à passer en force ? 

De cette  bouillabaisse à l’huile de palme peut-il résulter autre chose que l’annulation du scrutin, mais comment ?

Un coup d’Etat de Joseph  Kabila, détenteur  actuel du pouvoir sur l’appareil judiciaire comme sur l’armée du Congo pour asseoir ouvertement sa dictature est possible, mais risque de sombrer dans la confusion générale qui prévalut déjà au cours des années postcoloniales de 1960.  

L’ingérence tutélaire du Conseil de sécurité des Nations-Unies peut-elle être alors un recours ?  L’ONU dispose sur place d’une force militaire déjà  présente lors des  désordres qui ont suivi l’octroi de l’indépendance à sa colonie par la Belgique en juillet 1960. Le mandat onusien est  révisable selon les circonstances : et pourquoi pas lui confier la charge de contrôler l’organisation d’élections sérieuses ouvrant la porte à la désignation d’un chef de l’Etat et d’un gouvernement crédibles ? Cette tâche serait plus naturellement de son ressort que de celui de la conférence des évêques congolais…

JPS   

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