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Les doutes sur la condamnation du cardinal Pell

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D'Aceprensa en traduction française sur Didoc.be :

Les doutes sur la condamnation du cardinal Pell

Le cardinal George Pell a été archevêque de Melbourne et de Sydney. Il a aussi été membre du conseil des cardinaux créé par le pape François pour la réforme de la curie romaine. Sa condamnation récente pour abus sexuels de mineurs a été accueillie par beaucoup en Australie comme une confirmation que personne, aussi haut placé soit-il, n’est au-dessus de la loi. Mais d’autres doutent qu’il ait été jugé de façon impartiale.

Il y avait deux procès pour abus contre le cardinal Pell. Le premier s’est terminé en décembre par un verdict de culpabilité, verdict qui devait être tenu secret jusqu’au procès suivant, prévu pour le mois de mars. Mais ce second procès n’aura pas lieu, car, il y a quelques jours, le tribunal a établi que les preuves étaient ténues et le 26 février le ministère public a abandonné l’accusation. C’est pourquoi l’embargo a été levé. Des commentaires et des données concernant le premier procès ont donc été publiés, même si beaucoup de choses étaient déjà connues en dépit de l’ordre du tribunal.

Le juge a fixé une date pour prononcer la peine, qui sera de plusieurs années de prison. Entretemps, il a suspendu la liberté sous caution du cardinal, qui a été emprisonné. Par ailleurs, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a annoncé qu’elle ouvrira une enquête sur l’affaire.

Un seul témoignage

Certains commentaires publiés ces jours-ci se concentrent sur les preuves de culpabilité, basées sur la déclaration d’un seul témoin présent lors des faits, le plaignant lui-même.

Ce dernier, dont l’identité ne peut être révélée, avait 13 ans en 1996 et était membre de la chorale de la cathédrale de Melbourne. Selon sa version, peu avant la fête de Noël de cette année, à la fin de la messe solennelle du dimanche célébrée par le cardinal Pell, il s’est glissé avec un ami dans la sacristie pour y boire furtivement du vin de messe. Le cardinal est entré, seul et encore revêtu des ornements liturgiques, il les a réprimandés, a fait de l’exhibitionnisme devant eux et une fellation avec le plaignant. Les portes de la sacristie étaient ouvertes et des gens passaient dans le couloir contigu.

Environ un mois plus tard, ajoute l’accusateur, Pell, sortant en procession à l’issue de la messe, vit le garçon dans un couloir proche de la sacristie, le poussa contre le mur et toucha ses organes génitaux.

En 2016, on a su par une fuite que la police de l’état de Victoria enquêtait sur des dénonciations contre Pell pour abus sexuels sur mineurs. L’une d’entre elles est celle qui a conduit à sa condamnation. Elle a été présentée par une seule des deux prétendues victimes de la sacristie de la cathédrale ; l’autre, décédée en 2014, avait dit qu’elle n’avait pas fait l’objet d’abus sexuels. Les autres dénonciations n’ont pas été admises par les juges, à l’exception de celle qui devait être initialement jugée en mars.

Le jugement contre Pell a commencé en mars 2018. Le jury l’a considéré innocent par 10 voix contre 2, mais il fallait un verdict unanime ou avec un seul vote contre. C’est pourquoi le jugement a été annulé et il a fallu le refaire. En décembre, un nouveau jury déclara Pell coupable.

 

Incohérences

Frank Brennan, prêtre jésuite et avocat spécialisé en droits de l’homme, a assisté au second procès. Il signale que ni lui ni personne dans le public ne peut évaluer pleinement le témoignage du plaignant, car il a été rendu à huis clos, en raison d’une loi visant à protéger les victimes d’abus. On ne connaît les faits relatés qu’à travers les citations et les références faites par le procureur ou la défense, mentions qui ont cependant suffi pour faire émerger des contradictions et des incohérences.

Un doute porte sur la possibilité d’une fellation en un espace de temps si court sur une personne revêtue d’ornements liturgiques. Le plaignant a d’abord déclaré que le cardinal avait ouvert son aube, mais le fait est que l’aube ne comporte pas d’ouverture. Ensuite il a dit qu’il l’avait retroussée sur le côté, mais l’accusation n’a pas montré comment on pouvait faire cela.

La défense a aussi mis en doute la vraisemblance d’un viol en un lieu et des circonstances où le cardinal pouvait être facilement surpris, puisqu’il y avait d’autres personnes à proximité et que les portes étaient ouvertes. Par ailleurs, comme c’est l’usage pour les évêques, Pell était accompagné à son retour à la sacristie et enlevait les ornements liturgiques avec l’aide d’un assistant. Il semble improbable que ce jour-là, il se soit écarté de la procession et que personne ne l’eut remarqué ni ne s’en souvienne. On n’a pas trouvé non plus de témoins pour confirmer le prétendu second abus, alors qu’il y avait encore plus de gens présents.

Pour toutes ces raisons et parce que les motivations du jury ne sont pas rendues publiques, Brennan a été surpris par le verdict. « Ma conclusion, dit-il, est que, d’une part, le jury doit avoir ignoré un bon nombre des critiques si percutantes de [Robert] Richter [l’avocat de la défense] à l’encontre de la déclaration du plaignant et que, d’autre part, malgré la confusion sur différents points du récit de la prétendue victime, il a considéré que les mineurs d’âge victimes d’abus sexuels ne se rappellent pas toujours les détails de temps, de lieu, de vêtements ou de posture, conformément à ce qui a été dit dans la récente commission royale [sur les abus sexuels]. (…) Le jury doit avoir jugé le plaignant sincère et fiable malgré le fait que de multiples détails qu’il a fournis sont improbables, voire impossibles. »

La preuve de la crédibilité

Pour Brennan et d’autres observateurs, cette manière d’arriver à un verdict de culpabilité sans que d’autres victimes appuient l’accusation par leurs témoignages pose question. Si l’inconsistance des dires de celui qui prétend avoir été objet d’abus sexuels n’est pas prise en compte comme motif pour remettre sa version en question mais plutôt comme symptôme du traumatisme subi, le poids de la preuve passe de l’existence d’une confirmation indépendante des faits à la crédibilité de l’accusateur.

C’est ce que signale le journaliste John Ferguson : « Le problème de Pell n’est pas que les arguments de l’accusation soient nécessairement solides sur papier ; son problème c’est que l’accusateur a été considéré crédible par le jury. » D’où le fait, fait-il remarquer, que le procureur ait centré son réquisitoire final sur ce témoignage, qu’il juge crédible, « suppliant le jury d’accepter la parole de l’accusateur. »

Ferguson se réfère à un autre point obscur de l’affaire : l’action de la police. « L’équipe de Pell et beaucoup d’autres sont convaincus que le cardinal est victime d’une grave injustice, à partir du moment où la police, en 2013, a lancé l’opération Tethering pour enquêter sur lui, alors qu’il n’y avait aucune accusation contre lui. C’est très inquiétant. La police a pris Pell dans son collimateur et a fini par trouver quelqu’un pour le dénoncer. »

Michael Cook, directeur de Mercatornet, trouve également que le zèle dont la police a fait preuve dans cette affaire semble suspect. Il rappelle qu’en 2016, elle a envoyé des agents interroger Pell à Rome, quand il vivait encore là-bas, pour ensuite tout faire fuiter.

Presse et police

Greg Craven, avocat et vice-chancelier de l’Université Catholique d’Australie, signale aussi la responsabilité des médias. La justice, dit-il, ne dépend pas seulement des juges, des procureurs, des avocats et des jurés responsables d’arriver à un verdict juste. Tout ce système fonctionne bien en Australie. Mais il y a en outre, un « deuxième cercle, responsable non pas de l’obtention d’un verdict, mais garant des conditions nécessaires pour y arriver. » C’est à ce niveau que jouent les règles sur l’investigation impartiale des cas, l’interdiction de publier le nom d’un suspect avant qu’il soit formellement accusé, le secret de l’instruction, etc.

Selon Cravan, le respect de ces règles incombe principalement aux médias et à la police. « Les médias doivent informer avec impartialité, s’en tenir à la lettre et à l’esprit de la loi, et n’appuyer aucune des deux parties. La police présente les indices de façon impartiale, en cherchant la justice, pas la condamnation. » C’est sur ces points qu’à son avis il y a eu des manquements terribles dans l’affaire Pell.

« Certains médias — surtout ABC et les journalistes qui travaillaient pour le groupe Fairfax — ont passé des années à tenter de démontrer que Pell était le personnage le plus honni d’Australie. (…) Pire encore, des agents de la police de Victoria, y compris le commissaire en chef Graham Ashton, ont collaboré à tout cela. Plus encore que les annonces répétées d’accusations imminentes de la part d’Ashton, et ses références à des « victimes » au lieu de « victimes présumées », il y eut les coïncidences dans le temps entre les communiqués de police et les reportages exclusifs des médias favorisés. » Il y a eu un « effort conjoint de nombreux médias, y compris la radio-télévision publique, et d’agents de la police de Victoria pour dénigrer une personne avant son jugement. »

Cook conclut : « Il faut respecter le système légal. Si Son Eminence le cardinal George Pell a commis des délits, spécialement s’il s’agit d’abus sexuels, il ne mérite pas moins de sanctions que tout autre criminel. Mais il y a plus qu’assez de raisons pour croire qu’il n’a pas reçu un jugement équitable. » Ou, comme le dit amèrement Ferguson, « le public ne pourra jamais être totalement certain que le jugement du siècle s’est terminé par un verdict correct. »

Source : http://www.aceprensa.com/articles/dudas-sobre-la-condena-al-cardenal-pell/. Cet article a été traduit de l’espagnol par Stéphane Seminckx. En plus des liens dans le texte vers les articles de Frank Brennan, John Ferguson, Michael Cook et Greg Craven, les lecteurs intéressés par la question pourront lire aussi les textes suivants :

- George Weigel, dans « First Things » : The Pell Affair: Australia Is Now on Trial
- Raymond J. de Souza, dans le « National Catholic Register » : Calling Cardinal Pell’s Prosecution What It Is: Religious Persecution
- Marco Tosatti, dans « La nuova bussola quotidiana » : Lo strano caso della condanna del cardinale Pell

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