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"Les apports dogmatiques de Vatican II" : un lecteur réagit

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Un lecteur, titulaire d'un master en théologie, réagit à la publication d'une note d'Arnaud Dumouch publiée sur notre blog :

Analyse critique du texte : « Comprendre les apports dogmatiques de Vatican II en 9 canons »

(publié sur Belgicatho)

Nous trouverons dans les paragraphes en italique et en vert le texte de l’article critiqué, et en-dessous des différentes parties de ce texte, nos observations.

Les Conciles de jadis se terminaient par une série de "canons" qui en résumaient la portée. Les Pères du Conciles Vatican II refusèrent d'agir ainsi, livrant au peuple de Dieu un texte long et difficile à comprendre.

On se demande d’ailleurs quel était l’intérêt de ne pas adopter la clarté de formulation des conciles antérieurs…

55 ans après la clôture du Concile, il peut être utile de donner un outil pédagogique simple qui distingue deux parties :  D'abord les apports admirables (et marqués d'infaillibilité) de ce Concile pour la doctrine de la foi. Mais aussi les décisions pastorales fragiles et sujettes à caution.

Pour qu’il y ait infaillibilité dans un acte du Magistère universel (cas par exemple du concile œcuménique), il y a deux conditions (cf. Abbé Lucien, L’autorité magistérielle de Vatican II, dans la revue Sedes Sapientiae n°119 (mars 2012), p. 34) : 1° une affirmation directe, posée pour elle-même ; 2° que la doctrine affirmée soit présentée comme révélée, ou liée nécessairement à la révélation, ou absolument obligatoire pour les fidèles.

La plupart des propositions présentées dans l’article comme infaillibles ne remplissent pas l’un des critères (souvent le 2ème), voire les deux.

Si nous trouvons le temps, nous ferons également un commentaire des propositions décrites comme « décisions pastorales fragiles et sujettes à caution ». Il nous suffit pour l’instant que l’auteur de l’article en reconnaisse de lui-même déjà la faiblesse. 

Ce travail a été commencé par un théologien laïc et thomiste, Arnaud Dumouch. Il serait intéressant que des laïcs l'améliorent et suggèrent à la hiérarchie d'en faire un document pour l'usage de l'Eglise universelle.

Nous ne nous prononcerons pas ici sur le thomisme de M. Dumouch. Par contre nous pensons, et nous le verrons plus bas, que parmi les 9 propositions, certaines manifestent une ignorance de la pensée de Saint Thomas. 

La liste des neuf principales vérités dogmatiques (infaillibles) développées dans Vatican II :

Encore une fois, il ne suffit pas d’affirmer qu’il y en a : une affirmation infaillible se discerne avec des critères précis, ainsi que nous l’avons rappelé. 

L'homme est par nature un être libre et la liberté religieuse est une condition de sa nature. C'est un nouveau "préambule de la foi".

1° Sur ce point, nous nous rattachons à l’avis de l’Abbé Lucien (cf. articles dans la revue Sedes sapientiae, p. 53-57), et nous pensons qu’effectivement l’infaillibilité serait engagée dans le §1 de Dignitatis humanae n°2. Les deux critères sont remplis : 1° une affirmation doctrinale directe et par soi, et 2° un lien à la révélation. Attention : nous précisons que l’infaillibilité porte sur la déclaration dans ce passage, et non sur l’ensemble du texte.

 

 

2° Le texte du n°2 de Dignitatis humanae donne une définition claire de cette « liberté religieuse ». Il ne s’agit pas de n’importe quelle liberté : il s’agit d’une liberté d’exercice, libre par rapport à toute contrainte extérieure dans l’exercice de la religion ou dans l’adhésion à la religion, mais il ne s’agit pas d’une liberté de spécification, d’une liberté d’adhérer à n’importe quelle religion. Le n°1 de la déclaration Dignitatis humanae rappelle le devoir de l’homme de chercher et d’adhérer à l’ « unique vraie religion [qui] subsiste dans l’Église catholique et apostolique (…) » ; et le n°2 §2 : « [les hommes] sont pressés par leur nature même, et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, celle tout d’abord qui concerne la religion. Ils sont tenus d’adhérer à la vérité dès qu’ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité ».

3° Le texte du concile n’affirme pas que c’est un « préambule de la foi ». Rappelons que ce terme désigne habituellement les vérités naturelles accessibles à la raison (l’existence de Dieu, la spiritualité, la liberté et l’immortalité de l’âme humaine ; on pourrait éventuellement ajouter également les premiers principes de l’intelligence et de la loi morale), et qui permettent ensuite d’établir la réalité du fait et la crédibilité de la Révélation chrétienne. On pourrait d’une certaine façon rattacher la liberté religieuse à la liberté de l’âme, et en faire ainsi indirectement un « préambule de la foi ». 

L'Ordre des évêques est un ordre indépendant, radicalement non réductible à l'Ordre des prêtres, quoiqu'en dise saint Thomas d'Aquin. S’il ne donne rien de plus que le sacerdoce quant à l’eucharistie, il porte la plénitude de la grâce pour perfectionner le peuple de Dieu.

Sur quelle référence s’appuie cette affirmation ? Lumen gentium n°21 ? Il reste à déterminer si l’enseignement est proposé comme infaillible, ce qui ne semble pas évident.

1° Que l’épiscopat soit non réductible au presbytérat, je le concède. Qu’il soit un ordre différent, je le nie. L’épiscopat serait plutôt l’actualisation d’une virtualité du sacerdoce, qui possède déjà le pouvoir le plus haut, celui de consacrer le Corps et le Sang du Christ.

2° Selon Saint Thomas, il semble que la question niant que l’épiscopat soit un ordre est la négation de l’impression d’un nouveau caractère (cf. Supplément Q. 40, a. 5, ad 2). Dans la Somme contre les Gentils (CG), il dit que « le pouvoir de l'ordre, lui, a pour fin principale de consacrer le corps du Christ, de le distribuer aux fidèles, de purifier ceux­ci du péché. Il doit donc y avoir un ordre principal dont le pouvoir s'étende en tout premier lieu à cette fin: c'est l'ordre sacerdotal » (IV, 75) ; et quant à l’épiscopat, il dit qu’ « il n'excède pas le pouvoir du prêtre en ce qui a trait à la consécration du corps du Christ, il le dépasse cependant en ce qui intéresse les fidèles ». (IV, 76).

3° On remarquera la manière peu respectueuse de parler du Docteur Commun : « quoi qu’en dise … » sapit despectionem, sent un certain mépris.

Le mariage est ordonné de manière indissociable à l'amour réciproque des époux et au don de la vie (et non à la procréation et à l'assouvissement du désir, comme l'enseignait saint Thomas d'Aquin).

Que le mariage soit ordonné indissociablement à l’amour réciproque et le don de la vie, je le concède ; qu’il n’y ait pas de hiérarchie entre les fins du mariage, je le nie. Comme il est manifeste à la lecture du texte conciliaire même (Gaudium et spes n°48), qui, soit dit en passant, ne remplit pas les critères d’une définition infaillible :

1° « Dieu lui-même est l’auteur du mariage qui possède en propre des valeurs et des fins diverses », avec en note le renvoi à des textes qui enseignent clairement que la procréation est la fin première du mariage, l’échange de services entre époux est une fin secondaire : St Augustin, St Thomas d'Aquin (Supp. q. 49, a. 3, ad 1 ; le Décret pour les Arméniens (Denzinger [DS] 1327 : « On assigne un triple bien au mariage. Le premier est d'avoir des enfants et de les élever en vue du culte de Dieu. Le deuxième est la fidélité que chacun des époux doit garder envers l'autre. Le troisième est l'indivisibilité du mariage, pour la raison qu'il signifie l'union indivisible du Christ et de l'Église (…) »), l’encyclique Casti connubii de Pie XI (« Parmi les biens du mariage, les enfants tiennent donc la première place »).

2°Le texte de Vatican II affirme un peu plus loin : « Et c’est par sa nature même que l’institution du mariage et l’amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l’éducation (ad procreationem et educationem prolis ordinantur) qui, tel un sommet, en constituent le couronnement ». Noter également au n°50 §1 : « Le mariage et l’amour conjugal sont d’eux-mêmes ordonnés à la procréation et à l’éducation. ». Que penser alors du §3 de ce n°50 qui dit : « Le mariage cependant n’est pas institué en vue de la seule procréation. » ? Rien de différent de ce qui est dans le n°50 et dans l’enseignement traditionnel de l’Église, à savoir que le mariage ne se réduit pas à la seule procréation (elle n’en est pas l’unique fin), mais qu’elle est la fin primaire du mariage, à laquelle sont ordonnées les fins secondaires.

Saint Thomas dans l’ensemble de sa doctrine du mariage n’ordonne pas le mariage seulement à la procréation et à l’assouvissement du désir, comme semble l’affirmer la proposition de l’article ; l’amour mutuel, qu’il désigne comme « échange de services entre époux », est bien présent comme fin secondaire du mariage. Il fait même de l’amour des époux, l’union des esprits, l’essence du mariage (cf. Somme Théologique 3, q. 29, a. 2 ; voir aussi Supp. q. 49, a. 2, ad 1 ; CG III, 122 et IV, 78 : « comme sacrement de l'Église, le mariage comporte trois biens: les enfants à mettre au monde et à élever pour le culte de Dieu ; la fidélité qui engage un homme à l'endroit d'une seule femme ; le sacrement, en tant que l'union matrimoniale comporte l'indissolubilité, comme symbole de l'union du Christ et de l'Église »). On peut se demander si l’auteur de la proposition a réellement lu et compris Saint Thomas. 

Les religions autres que le christianisme ne donnent pas le salut (il est donné par la charité vivante fondée sur la foi et sources d’œuvres -Concile de Trente, session VI-) mais elles possèdent en elles des "semences mises par l'Esprit Saint" qui disposent les âmes des non-chrétiens au salut.

S’agit-il d’une référence à Nostra aetate n°2 ? Rien dans la formulation de ce texte n’indique une proclamation engageant l’infaillibilité : « L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent [et non contiennent] souvent un rayon [c’est bien peu !] de la vérité qui illumine tous les hommes ».

1° En général, ces « rayons de vérités » sont les vérités naturellement accessibles à la raison sur Dieu et ses attributs (cf. Vatican I, DS 3004, 3026 : « Si quelqu'un dit que le Dieu unique et véritable, notre Créateur et Seigneur, ne peut être connu avec certitude par ses oeuvres grâce à la lumière naturelle de la raison humaine, qu'il soit anathème »).

2° Par contre cette formule suivante (toujours au n°2) semble plus contraignante : « Toutefois, [l’Eglise] annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses ». Et Dignitatis humanae n°1 rappelle « C’est pourquoi, tout d’abord, le saint Concile déclare que Dieu a lui-même fait connaître au genre humain la voie par laquelle, en le servant, les hommes peuvent obtenir le salut et le bonheur dans le Christ. Cette unique vraie religion, nous croyons qu’elle subsiste dans l’Église catholique et apostolique (…) » (« Hanc unicam veram Religionem subsistere credimus in catholica et apostolica Ecclesia (…) »).

3° Saint Thomas dans la Somme contre les Gentils (III, 118) démontre également que les hommes sont tenus d’embrasser la vraie foi, et qu’une erreur sur Dieu entraîne qu’on ne croit pas en lui : « De même que par l'amour l'homme est soumis à Dieu en sa volonté, ainsi par la foi lui est­il soumis en son intelligence, ­ non certes par une foi en quelque erreur : rien d'erroné ne peut être en effet proposé à l'homme par Dieu qui est la vérité ; aussi celui qui croit à quelque chose de faux, ne croit pas en Dieu » et un peu plus loin : « un être est aimé et désiré comme il est connu. Qui donc fait erreur sur Dieu ne peut ni l'aimer, ni le désirer comme fin. Puisque la loi divine tend à ce que les hommes aiment et désirent Dieu, elle les oblige donc à posséder de lui une vraie foi ».

Les christianismes séparés, bien qu’ils souffrent de déficiences sur tel ou tel point, peuvent certainement produire la vie de la grâce et on doit reconnaître qu'ils donnent accès à la communion du salut (Unitatis Redintegratio, 3).

Même remarque. Le texte n’emploie pas une formulation engageant l’infaillibilité : « et l’on doit reconnaître qu’elles donnent accès à la communion du salut. » C’est un peu faible pour prétendre à l’infaillibilité !

1° D’ailleurs le même n°3 dit plus bas : « L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles [il s’en sert, mais il n’habite pas, il n’en est pas l’âme] comme de moyens de salut, dont la vertu dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique [la vertu de salut découle non des communautés séparées en tant que telles, par elles-mêmes, mais de l’Église catholique] » « Cependant nos frères séparés, soit eux-mêmes individuellement, soit leurs communautés ou leurs Églises, ne jouissent pas de cette unité que Jésus Christ a voulu dispenser à tous ceux qu’il a régénérés et vivifiés pour former un seul Corps en vue d’une vie nouvelle, et qui est attestée par l’Écriture Sainte et la vénérable Tradition de l’Église. C’est, en effet, par la seule Église catholique du Christ, laquelle est le « moyen général de salut », que peut s’obtenir toute la plénitude des moyens de salut »

2° «  ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion [et non une communion simpliciter, purement et simplement], bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique » ; cet enseignement s’accommode bien avec l’enseignement de Saint Thomas sur le Corps mystique du Christ et les degrés d’appartenance à ce corps (ST 3, q. 8, a. 3). Ces « chrétiens séparés » pourraient être qualifiés de membres « en acte imparfait » (plus de précisions seraient à apporter, qui nécessiteraient des développements théologiques que nous ne pouvons pas faire ici).

Nous devons tenir que Dieu proposera à tous, sans exception, la possibilité d'être sauvé (c’est le seul dogme à forme solennelle du saint Concile Vatican II, voir Gaudium et Spes 22, 5, repris de Pie XII Mystici Corporis 186).

1° On peut difficilement parler d’ « apport dogmatique » de Vatican II. La doctrine en soi n’a rien de neuf : cf. concile de Trente (DS 1523) : « bien que [le Christ] soit "mort pour tous" (2Co 5,15), tous cependant ne reçoivent pas le bienfait de sa mort, mais ceux-là seulement auxquels le mérite de sa Passion est communiqué. » Voir également, par exemple, les propositions jansénistes condamnées par le Saint-Office le 7 décembre 1690, propositions niant la volonté salvifique universelle de Dieu (DS 2304-2305).

2° Encore faut-il bien comprendre cette doctrine de la possibilité de salut offerte à tous. Il faut exclure toute « option finale dans la mort », et toute idée de salut universel de fait, c'est-à-dire effectivement réalisé ou à réaliser (cf. par exemple le concile de Constantinople de 543, anathématismes contre Origène DS 411). Sur le fait qu’il y aura des damnés, voir par exemple le Jugement dernier (Mt 25, 31-46), ou l’Apocalypse (20, 15 et 21, 8). En d’autres termes, il s’agit bien d’une possibilité offerte, non une garantie. Il faut se référer à la distinction traditionnelle entre volonté salvifique universelle antécédente et conséquente, et grâce suffisante et efficace (que nous ne faisons que mentionner ici, le but de ce travail n’étant pas de rentrer dans tous ces développements).

3° C’est ce que Saint Thomas fait, entre autres dans la Prima Pars de la Somme théologique, q. 19, a. 6, à l’ad 1, où il parle de la volonté de Dieu quant au salut des hommes.

Le sacrement de l'eucharistie a pour but l'union par la charité de Dieu et de l'homme (et non seulement la glorification de Dieu).

1° La proposition semble présenter comme un « apport nouveau » que l’Eucharistie ait pour but d’unir par la charité Dieu et l’homme. Il n’est pas difficile de qualifier son enthousiasme d’engouement pour la redécouverte de l’Amérique. L’enseignement traditionnel a toujours enseigné que l’Eucharistie, le Sacrifice de la Messe, procure la gloire de Dieu et unit l’homme à Dieu par la charité, par le pardon des péchés (aspect propitiatoire de la messe) et par la communion (voir par exemple chez Saint Thomas : ST3, q. 22, a. 2 et 3 ; ou encore les enseignements très clairs, certains engageant l’infaillibilité, en particulier dans les canons, du concile de Trente sur l’Eucharistie, DS 1738-1760).

2° Il faut cependant tenir que la glorification de Dieu reste première, puisque Dieu a tout fait (Création, Incarnation et Rédemption) pour sa gloire, « non pas pour augmenter sa béatitude ni pour acquérir sa pleine perfection », et secondairement pour le bien de sa créature (cf. Vatican I, DS 3002, 3025 : « (…) si quelqu'un dit que Dieu n'a pas créé par une volonté libre de toute nécessité, mais aussi nécessairement qu'il s'aime lui-même, ou s'il nie que le monde ait été créé pour la gloire de Dieu, qu'il soit anathème »).

L’infaillibilité pontificale s’exerce de manière extraordinaire, solennelle ou ordinaire (reprise par Lumen Gentium et confirmation des définitions du Concile Vatican I, 1870).

1° Le texte de Lumen Gentium n°25 reprend effectivement la définition dogmatique solennelle (en bonne et due forme, celle-ci !) et donc infaillible de Vatican I (DS 3073-3074). Par le fait même, cet enseignement de Lumen Gentium est infaillible …

2° On fera cependant remarquer que le terme « confirmation » pourrait laisser entendre que sans cette confirmation, l’enseignement de Vatican I n’était pas contraignant …

L'Ecriture sainte n'est pas dictée par Dieu mais inspirée par Dieu à de vrais auteurs humains qui ont écrit avec leurs mots et leur faillibilité. L'Ecriture est infaillible sur la doctrine du salut et sa révélation progressive, pas sur le reste. (Constitution dogmatique Dei Verbum).

1° Pour la première partie : la formulation de Dei Verbum n°11 ne semble pas satisfaire aux conditions pour qu’il y ait infaillibilité. Pour la deuxième partie : même remarque.

2° Quant au contenu du texte de Dei Verbum – le fait de l’inspiration de l’Écriture Sainte – c’est effectivement une doctrine de foi, enseignée infailliblement (et formellement !) déjà au concile de Trente (DS 1504) et rappelée au concile Vatican I (DS 3006, 3024 : « Si quelqu'un ne reçoit pas les livres de la sainte Ecriture comme sacrés et canoniques, dans leur intégrité et avec toutes les parties, tels qu'ils sont énumérés par le saint concile de Trente, ou s'il nie qu'ils soient divinement inspirés, qu'il soit anathème »).

3° Quant au fait que Dieu, auteur principal de l’Écriture, s’est servi d’auteurs humains comme auteurs instrumentaux, avec leur style et leurs faiblesses, il est difficile de parler d’ « apport nouveau » ; en effet le texte de Dei Verbum dans la note 5 renvoie à plusieurs textes sur cette question : Saint Thomas (De veritate q. 12, a. 2), Léon XIII (Providentissimus), et Pie XII (Divino afflante).

Conclusion : à part la définition sur la liberté religieuse, il semble bien qu’il n’y ait ni apport dogmatique infaillible, ni même d’apport nouveau à strictement parler dans Vatican II, si l’on s’en tient aux 9 propositions de l’article. Nihil sub sole novum, rien de nouveau sous le soleil (Qo 1, 10). On pourra parler de formulation nouvelle, je le concède. On peut s’interroger sur la valeur et l’intérêt d’une formulation ouvrant la porte à des ambiguïtés. 

Léon de Saint-Thomas

Commentaires

  • Merci à l'auteur de cette réponse.

    A la lecture du 1er article, on se disait qu'une proposition de rédaction de "canons" d'un concile, rédigée par un (des) particulier (s), et ce, plus de 5 décennies après la clôture des travaux du dit concile...

    Cela ne pouvait pas être un exercice tout à fait candide.

  • La question de l'infaillibilité du magistère du concile Vatican II et des papes qui ont suivi est très complexe et chaque fois que Rome parle, on peut toujours ergoter. Et certains théologiens ne s'en privent pas. On l'a vu par exemple avec ordinatio sacerdotalis ou avec humanae vitae. A ce sujet, en ce qui concerne la théologie du mariage, quand Pie XI a publié Casti Connubii, cette encyclique (donc magistère ordinaire du pontife romain) reçut l'adhésion enthousiaste de l'ensemble de l'épiscopat catholique, ce qui à mon sens confère au document une infaillibilité du magistère universel. Cela explique entre autres pourquoi Paul VI ne pouvait innover sur cette question. Mais il serait préférable que de nouveau l'Église engage plus souvent son infaillibilité lorsqu'elle prend une position en matière de foi ou de morale. Pourquoi tant de scrupules?

  • Cher Léon de saint Thomas,

    Si on suit les deux critères de l'Abbé Lucien pour qu’il y ait infaillibilité dans un acte du Magistère universel, alors la décision fondamentale du premier Concile œcuménique, celui de Jérusalem (voir Actes 15, 28 qui établit que les préceptes de la loi Mosaïque n'ont plus à être accomplis car le Christ les a accomplis, n'est pas une décision infaillible et engageant l'Eglise universelle...

    En effet : le premier critère n'est pas accompli : la formulation est floue et non posée pour elle-même de manière précise. Lisez : "Actes 15, 28 L'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d'autres charges"

    Ah oui ? Lesquelles ne sont plus imposées ? La circoncision ? Les dix commandements ? Le Sabbat ? Les images ? Bref, on peut ergoter.

    Je crois que les critères de l'Abbé Lucien ne sont pas valables pour lire les décisions doctrinales du Concile De Jérusalem et du Concile Vatican II. Ce dernier concile fait autre chose en matière de formulation.

    Il faut simplement regarder ceci : "Où voit-t-on, dans ce Concile œcuménique, une doctrine universelle du salut ? "

    D'autre part, notez qu'un dogme n'est pas une "nouveauté". C'est juste l'affirmation par le Magistère d'une chose ancienne, présente dans la Tradition et/ou dans l'Ecriture. Du coup, dire que Gaudium et Spes 22, 5 n'est pas nouveau est évident. C'est la base du Nouveau Testament : "Le salut sera proposé à tout homme". Cependant, cette affirmation solennelle était indispensable car elle a permis de sortir de la théorie scolastique des centaines de millions d'enfants morts sans baptême et séparés de Dieu pour l'éternité (voir les décisions de Benoît XVI en 2007 sur l'éternité des limbes).

  • ...
    1. Entre le proto-concile de Jérusalem et le concile pastoral de Vatican II, vous imaginez bien que les codes et procédures ont pu légitimement évoluer.
    2. Pourquoi et à quel titre souhaitez-vous rédiger des canons doctrinaux pour un concile qui se voulait pastoral et n'a pas pris la peine d'en rédiger ?
    3. Pourquoi et à quel titre vous substitueriez-vous aux pères conciliaires ?

  • Cher Léon de saint Thomas,

    1° Le Concile de Jérusalem n'est pas un "proto-concile" mais le plus fondamental des conciles œcuméniques puisqu'il explique que vous n'êtes pas circoncis. Donc les "procédures" que vous évoquez comme "indispensables" ne sont manifestement pas indispensables pour que la doctrine du salut soit définie par l'Eglise.

    2° Le Concile Vatican II fut certes un Concile pastoral dans sa première intention (saint Jean XXIII). Mais il fut un concile dogmatique dans sa seconde intention (saint Paul VI). Il ne contient pas moins de deux constitutions dogmatiques (Lumen Gentium et Dei Verbum).

    3° En vertu de l'apostolat des laïcs qu'encourage Vatican II. Il est en effet important que, par exemple, les théologiens de la FSSPX cessent de botter en touche en refusant d'adhérer aux repères de la foi donnés par ce concile, au prétexte que ce Concile ne serait "que" pastoral.

    D'autre part, au plan pédagogique, ce concile au texte trop long mérite d'être mis à la portée de tous par quelques propositions simples.

    Encore une chose cher Léon de saint Thomas : Je cherche depuis des années un théologien de grande qualité comme vous pour établir un débat respectueux et précis en vidéos entre "conciliaires" et "traditionalistes". Seriez-vous intéressé ? a.dumouch@hotmail.com

  • "Cher Léon de saint Thomas,"

    Le commentaire auquel vous répondez a été écrit par Etienne. Ma réponse à votre premier commentaire a été publiée sous forme d'article sur ce blog hier.

    Quant à votre proposition n°1 :
    Le concile de Jérusalem n’est pas compté parmi les conciles œcuméniques (comme le montre l’usage traditionnel de compter le concile de Nicée (325) comme le premier concile œcuménique, ainsi que l’atteste par exemple le Dictionnaire critique de théologie, éd. 2007, p. 294). De plus le texte des Actes sur le concile de Jérusalem que vous citez ne concerne pas des décisions doctrinales mais disciplinaires.

    Quant à votre proposition n°2 :
    1° Si par « dogmatique » on entend « exercer un magistère doctrinal authentique » (qui n’engage pas l’infaillibilité, alors dans ce sens nous pouvons dire que le concile Vatican II, en exposant à plusieurs reprises la foi traditionnelle de l’Église (comme nous l’avons montré dans notre premier article), est un concile « dogmatique ». Si par « dogmatique », on entend « exercer un magistère infaillible », alors le concile Vatican II n’est pas un concile « dogmatique », dans le sens que nous venons de préciser.
    2° Les paroles de Paul VI (audience générale du 12 janvier 1966) nous éclaireront sur ce sujet : « Etant donné le caractère pastoral du Concile, il a évité de prononcer d’une manière extraordinaire des dogmes comportant l’infaillibilité, mais il a muni ses enseignements de l’autorité du magistère ordinaire suprême : ce magistère ordinaire et manifestement authentique doit être accueilli docilement et sincèrement par tous les fidèles, selon l’esprit du Concile concernant la nature et les buts de chaque document ». Autrement dit, il faut discerner, selon les critères traditionnels que nous avons rappelés dans notre premier article, quel texte engage ou non l'infaillibilité.
    3° La remarque d’Etienne portait sur l’absence de canons doctrinaux, non rédigés par Vatican II. Il ne s’agit pas de la même chose qu’une constitution dogmatique.

    Quant à votre proposition n°3 :
    1° L’intention de départ peut être bonne mais, comme je pense l’avoir montré dans mon premier article, si l’on s’en tient aux 9 propositions de votre liste, le concile Vatican II n’a rien enseigné de nouveau au plan de la foi, mais on peut reconnaître qu’il a employé une nouvelle façon de s’exprimer (et dans ce sens on peut reconnaître qu’il y a des « repères de la foi » dans le concile.
    2° Mais cette nouvelle façon de s’exprimer est l’un des problèmes (comme vous l’avez admis vous-même dans votre article - je cite : « Les Pères du Conciles Vatican II refusèrent d'agir ainsi, livrant au peuple de Dieu un texte long et difficile à comprendre »), en raison de l’ambiguïté de certaines formules, manifestée par l’usage qui en a été fait par les « prophètes » de « l’esprit du Concile », avec tous les mauvais fruits – ou l’absence de fruits – que l’on sait.
    3° Si on veut encourager l’apostolat des laïcs, il faut plutôt leur donner une saine formation, basée sur la doctrine traditionnelle de l’Église, avec une formulation claire et précise. Pourquoi se sentir obligé de constamment vouloir se réclamer du concile Vatican II, comme s’il était l’alpha et l’omega de l’Église ? Entre des formulations ambigües et des formulations claires, il faut aller au plus sûr.

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