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Quand la pratique de l'euthanasie transforme la gestion de la douleur en ordonnance de mort

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De Lillian Quinones sur le site anglophone "The Federalist" :

Cette infirmière belge a observé l'euthanasie transformer la gestion de la douleur en ordonnance de mort

Sophie Druenne a été témoin du fléau du cadre légal de l'euthanasie légalisé en Belgique et de la dévalorisation de la vie humaine par des médecins chargés de la protéger.

Après avoir administré une dose mortelle, le médecin a quitté la pièce. Mais le patient ne mourait pas. Pour Sophie Druenne, une infirmière en soins palliatifs exerçant sous l'autorité du médecin belge qui avait approuvé la demande d’euthanasie, ça a été un point de rupture.

«La situation était tellement absurde que nous riions», m'a confié Sophie au début de notre entretien. «Nous avons dû rappeler le praticien pour lui dire que le patient était toujours en vie et qu'il fallait lui faire une injection supplémentaire. Et je me suis surprise à rire tout en me protégeant de ce qui se passait.

Racontant l’histoire à ses amis et à sa famille à l’extérieur de l’hôpital, Sophie a pris conscience de l’horreur de cette situation et a commencé à remettre en question la soi-disant expérience sociale de la Belgique en matière d’euthanasie. Légalisée en 2002, l'euthanasie a été décriminalisée sous certaines conditions. Son champ d'action continue de s'élargir, avec l'inclusion des mineurs en 2016, et les législateurs envisagent maintenant d'élargir ce champ pour inclure les patients psychiatriques. Cependant, ce ne sont pas ces lois qui ont changé l’opinion de Sophie sur la politique de son pays en matière d’euthanasie, mais le système de soins palliatifs intégrés tel qu'il fonctionne en Belgique.

Les soins palliatifs sont une aide médicale qui traite les symptômes d'une maladie généralement grave plutôt que la maladie elle-même, qui parfois ne peut pas être traitée ou pas facilement. Les soins palliatifs intégrés (IPC) englobent les soins palliatifs traditionnels dans le cadre de la pratique de l’euthanasie au XXIe siècle en Belgique. Dans ce nouveau modèle de soins pour les mourants, médecins et infirmières sont formés pour discuter de l'euthanasie en tant que dernière option médicale avec leurs patients. Les partisans des IPC le décrivent comme un «rapprochement».

Historiquement, les soins palliatifs étaient définis par les convictions anti-euthanasie de sa fondatrice, Cicely Saunders, une infirmière britannique qui avait mis au point une méthode holistique de prise en charge des mourants dans les années 1940. Témoin de l’apparition de stratégies et de médicaments efficaces pour la gestion de la douleur au cours de sa vie, elle estimait que la demande d’euthanasie d’un patient traduisait un manque de prise en charge adéquate de ses besoins spirituels, émotionnels et sociaux.

Cette défaillance du système médical l’a incitée à concevoir une méthode de prise en charge des mourants répondant à ces besoins parallèlement à la maladie physique, car la demande d’euthanasie du patient représente souvent un appel pour être apaisé et accompagné face à sa maladie. Saunders s'est également opposée aux arguments d'autonomie pro-euthanasie qui caractérisaient sa propre époque, en déclarant: «Si vous faites de l'euthanasie active un droit, cela deviendra vite un devoir. Le patient, sachant qu'il peut mourir par choix, se sentira bientôt obligé de décharger les parents du "fardeau" de leur prise en charge. Lorsque ce stade sera atteint, vous aurez supprimé le choix du patient. "

Néanmoins, la Belgique tente de réconcilier le standard de Saunders avec ses lois sur l’euthanasie, ce qui a caractérisé l'histoire récente lorsque la mort a été accordée à trois mineurs l'année dernière.

Ne pas faire de mal et ne pas laisser de souffrance

Sophie comprend les motivations de ses collègues belges pour cette intégration, car les patients qui demandent le plus souvent l’euthanasie sont en phase terminale et reçoivent un traitement des médecins en soins palliatifs. Elle a toutefois observé que, dans l’IPC, l’intention altruiste du médecin de soulager la souffrance s’est transformée dans le cadre juridique de l’euthanasie. Les médecins ont remplacé le «d'abord, ne pas nuire» par le «d'abord, soulager la souffrance», ce qui a justifié le fait qu'un œil aveugle se tourne vers le consentement du patient, malgré l'engagement déclaré en faveur de l'autonomie du patient.

Sophie se souvient d’avoir tout d’abord remarqué ce changement d’éthique lorsqu’elle s’occupait d’un patient souffrant de fortes difficultés respiratoires. À l'époque, elle travaillait avec une autre infirmière et celle-ci a appelé le médecin traitant pour obtenir de l'aide. «La première réaction du médecin a été de prescrire une triple dose de morphine, avec pour conséquence évidente la mort», confie Sophie. "Notre réaction a été de demander au praticien s'il pensait vraiment que c'était une bonne solution car elle ne semblait pas vraiment rejoindre la volonté du patient, puisqu'il s'agissait d'une personne forte qui luttait pour la vie." En entendant leurs suggestions, le médecin a diminué sa prescription initiale de morphine. La patiente est décédée quelques heures plus tard, probablement à cause de sa maladie. Le fait que le praticien ait changé d’avis si facilement montrait à Sophie que sa prescription initiale n’était pas justifiée du point de vue médical. Cette expérience l'a encouragée à remettre en question les décisions des praticiens et à faire appel à la conscience de ses collègues dans des affaires difficiles sur le plan éthique.

«Ce n'était pas le cas de tous les médecins, mais chez lui surtout, il y avait un sentiment de désespoir concernant les capacités de la médecine. Lorsqu'il a été confronté à la douleur du patient, il a eu le sentiment de ne pas pouvoir soulager la douleur de certains patients, raison pour laquelle il considérait l'euthanasie comme la seule solution », nous dit Sophie.

Alors qu'elle continuait à travailler dans cette unité d'oncologie, Sophie remarqua que les zones d'ombre éthiques dérangeaient l'équipe médicale alors qu'elle réagissait aux décisions unilatérales du médecin de prescrire l'euthanasie. Ils exprimaient leur désapprobation en prononçant sur un mode sarcastique cette phrase : «Nous aidons les gens», raconte Sophie.

L’euthanasie : une solution «facile» mais pas la bonne

Ce n’est cependant pas les cas d’euthanasie en eux-mêmes qui ont poussé Sophie à s’éloigner de la Belgique et à laisser derrière elle famille et amis. Elle est partie à la recherche d'un établissement où les praticiens et les équipes médicales étaient mieux équipés pour traiter les souffrances. Un traitement efficace de la souffrance exclut l'euthanasie - la «solution facile» - et réfute la vision des soins palliatifs intégrés.

Sophie pense que cette vision échoue à cause des prémisses contradictoires des soins palliatifs et de l'euthanasie. Le remplacement du «d'abord, ne pas nuire» par le «d'abord, soulager la souffrance» révèle que l'IPC est un cadre contraignant au lieu d'une intégration authentique.

Lorsque les médecins ont le pouvoir unilatéral d'annuler le «d'abord, ne pas faire de mal» dans certaines conditions, l'altruisme peut entraîner la mise à mort involontaire. De même, le principe directeur «premièrement, soulager la souffrance» n’interdit pas la mort elle-même en tant que solution. L'avènement de l'IPC est le dernier enseignement belge: la normalisation de l'euthanasie instaure un nouveau principe directeur pour les médecins et annule en réalité l'argument de «l'autonomie à tout prix» des promoteurs, par le grand nombre de cas d'euthanasie involontaire.

«J'avais des sentiments mitigés en partant, car je savais que l'euthanasie se pratiquait et que des personnels de santé étaient nécessaires pour offrir d'autres options aux patients. En partant, je ne voulais pas fuir cette mission ou cette tâche », déclare Sophie, exprimant le conflit personnel auquel font face de nombreux professionnels de la santé.

Sophie travaille maintenant à Paris dans un hôpital où les patients en phase terminale sont traités avec des soins palliatifs traditionnels. Selon elle, son expérience du traitement du cancer en Belgique lui a révélé les limites du pouvoir de la médecine sur la souffrance, en particulier mentale et existentielle.

Parfois, il n’ya pas de solution médicale, mais les soins palliatifs offrent des réponses globales pour évaluer les besoins du patient par delà les besoins physiques. S'exprimant en tant qu'initiée dans la fièvre européenne de l'euthanasie, Sophie exhorte les professionnels de la santé à défendre leur maxime du «d'abord, ne pas nuire», de peur que les soins médicaux ne se confondent avec le meurtre.

Lillian Quinones est une étudiante en première année de médecine au Medical College of Wisconsin, à Green Bay. Elle est diplômée en biochimie et en journalisme du Hillsdale College.

Commentaires

  • Merci pour cet éclairage, auquel nous ne pensons pas souvent.

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