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Reviendra-t-on à la "splendeur catholique" ?

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Les réponses de Michel Houellebecq et de Geoffroy Lejeune (source); le fait que nous reprenions leurs propos ne signifie pas que nous y adhérions totalement :

Splendeur catholique

Michel Houellebecq. — L’Église catholique peut-elle retrouver son ancienne splendeur ? Oui, peut-être, je ne sais pas. Il serait bien qu’elle s’éloigne définitivement du protestantisme, et qu’elle se rapproche de l’orthodoxie. S’y intégrer complètement serait la meilleure solution, mais ne sera pas facile. La question du Filioque peut être aisément résolue par les théologiens compétents. Le problème de l’installation des barons francs au Proche-Orient ne se pose plus, même Donald Trump a laissé tomber. Mais, pour l’évêque de Rome, renoncer à son ambition universelle, n’avoir qu’une prééminence honorifique sur les patriarches de Constantinople ou d’Antioche, sera peut-être difficile à avaler.

Au minimum, il faudrait que l’Église catholique, imitant la modestie orthodoxe, limite ses interventions dans les domaines qui ne sont pas directement de son ressort (j’ai cité la recherche scientifique, le gouvernement des États, l’amour humain). Qu’elle renonce à cette manie d’organiser des conciles, qui sont surtout l’occa­sion de déclencher des schismes. Qu’elle renonce également aux encycliques, et mette un frein à son inventivité doctrinale (l’Immaculée Conception, et surtout l’infaillibilité pontificale heurtent trop directement la raison ; la raison est un gros animal paisible, qui s’endort sans difficulté à l’heure du culte ; mais il faut éviter, à son égard, les provoca­tions inutiles).

Elle peut s’inspirer du pentecôtisme, de la même manière que la pop music s’est inspirée du gospel et du blues ; d’autre part il ne faut pas oublier une dose nécessaire de folie, en version russe c’est Dostoïevski : « S’il faut choisir entre le Christ et la vérité, je choisis le Christ », en version française nous avons Blaise Pascal.

Tout se résume au fond à ce que l’Église catholique a, au cours de son histoire, accordé beaucoup trop d’importance à la raison (et cela s’est aggravé au long des siècles, sans doute, peut-être est-ce que j’insiste trop, mais enfin je ne crois pas, sous l’influence du protestantisme). L’homme est un être de raison — si on veut, cela arrive, de temps en temps. Mais il est avant tout un être de chair, et d’émotion : il serait bien de ne pas l’oublier.

Geoffroy Lejeune. — L’Église catholique peut-elle retrouver son ancienne splendeur ? Oui, sans doute, mais la route est longue. Si on devait résumer les dernières décennies, on pourrait dire que l’Église, après avoir perdu le pouvoir temporel, a tenté de survivre en se faisant tolérer ; elle s’est pour cela essentiellement adaptée aux dérives d’un monde qu’elle est censée sauver. Cette inversion de rôle la conduit en effet au suicide, mais même aux yeux de Dieu, il existe, après ce geste tragique, une possibilité de salut : le saint curé d’Ars a dit un jour à une mère désespérée par le suicide de son fils qu’entre le pont d’où il s’était jeté et l’eau où il s’était noyé, il avait eu largement le temps de regretter, et de se retourner vers la miséricorde divine.

Pour sauver ce qui peut l’être, il faudrait peut-être rompre avec le relativisme en vogue depuis les années soixante. Peut-être l’Église retrouverait-elle un peu de sa splendeur si elle cessait de vouloir être cool, et qu’elle enseignait à nouveau la crainte de Dieu, sans laquelle il n’y a pas d’amour ; c’est exactement comme pour l’éducation des enfants, on a laissé se saper l’autorité parentale, avec les mêmes conséquences.

L’Église devrait peut-être modérer sa fascination pour les autres religions. Au sujet du protestantisme, comment tolérer des chevaux de Troie tels le secrétaire général de la conférence des évêques d’Italie, monseigneur Nunzio Galantino, qui a dit il y a peu de temps que « la Réforme lancée par Martin Luther il y a 500 ans a été un événement du Saint-Esprit » ? Je précise qu’il est proche du pape et appelle à une nouvelle Réforme. Le pape François lui-même multiplie les signes à l’égard des musulmans, comme en témoigne son récent voyage aux Émirats arabes unis, et avait pris soin de se définir comme simple « évêque de Rome » le jour de son élection, un gage de bonne foi donné cette fois aux orthodoxes.

Il faudrait en finir avec la quête permanente d’émotion, de ce point de vue, l’Église ne peut pas lutter avec les concerts ou le cinéma ; mais si elle se cantonne à sa mission, annoncer Dieu, et conduire les hommes à la vie éternelle, elle reste absolument indispensable.

Peut-être l’Église retrouverait-elle un peu de crédibilité si elle cessait de se concevoir comme une ONG vaguement caritative, mais qui n’assume pas la source de sa générosité, le Christ. En politique, elle gagnerait peut-être à cesser de jeter le discrédit moral sur certains gouvernements (les critiques du pape sur la gestion des migrants par le ministre de l’intérieur italien Matteo Salvini sont un bon exemple). De manière générale, depuis qu’elle est devenue minoritaire, l’Église en Europe s’est recroquevillée sur des noyaux durs, sociologiquement très homogènes, elle s’est presque constituée en classe sociale, et s’est coupée de la majorité des âmes. Son embourgeoisement est peut-être, finalement, le plus grand fléau qui frappe l’Église en ce début de XXIe siècle.

Michel Houellebecq. — La restauration du catholicisme dans son ancienne splendeur peut-elle réparer notre civilisation endommagée ? Là nous sommes d’accord, c’est beaucoup plus simple, évident presque : la réponse est oui.

Commentaires

  • Excellent commentaire qui met enfin l'accent sur un élément capital: la CRAINTE DE DIEU. On ne dira jamais assez qu'un Dieu que l'on ne craint pas (dans le noble sens du terme) est inutile. On voit actuellement où conduit une "foi catholique" qui accorde si peu d'importance à Dieu qu'elle ne le craint plus, qu'elle ne l'honore plus et qu'elle n'en a plus besoin.

  • "Peut-être l'Eglise retrouverait-elle un peu de crédibilité si elle cessait de se voir comme une ONG". Autrement dit: peut-être ferait-elle bien de retrouver sa mission essentielle qui est d'évangéliser en vue du salut éternel des âmes qui lui a été confiée par le Christ. Hélas, le successeur de Pierre actuel est à des années lumière de cette perspective qui fut la prédication centrale des apôtres.

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