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  • Rome : La dénaturation de l’Institut Jean-Paul II

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    De Thibaud Collin sur le site web du bimensuel « L’Homme Nouveau » (18 septembre 2019) :

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    « Entre licenciements injustifiés, nominations surprenantes et réforme des statuts, le tournant pris par l'Institut Jean-Paul II pour le mariage et la famille (Rome) suscite une vive polémique. Un nouvel institut se substitue au premier, dans lequel l'héritage du pape Jean-Paul II semble mis à mal.

    L’Institut Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille, voulu par le saint Pape polonais en 1981 dans la continuité de l’exhortation apostolique Familiaris consortio et fondé par Mgr Carlo Caffarra, est l’objet depuis trois ans d’une telle transformation que l’on peut légitimement se demander s’il n’a pas changé d’identité. Ce qui arrive à cette institution universitaire de haut niveau ne pourrait-il pas être perçu comme le symbole du « changement de paradigme », en matière morale, proposé par le cardinal Kasper et insufflé par le pape François au moment du lancement du processus synodal sur la famille en 2014 ? 

    Genèse d'une transformation

    Revenons sur les étapes clefs de cette transformation. Rappelons tout d’abord qu’étrangement, aucun membre de l’institut n’avait été choisi par le Pape comme expert aux synodes sur la famille de 2014 et 2015, signe révélateur que leur manière d’aborder ces questions lui apparaissait inappropriée. Il y a eu également la nomination en août 2016 de Mgr Paglia comme grand chancelier (auparavant c’était le cardinal-vicaire du pape pour le diocèse de Rome) et le remplacement du président Mgr Melina par Mgr Sequeri, théologien spécialiste… d’esthétique. Puis, l’année suivante, deux jours après la mort du cardinal Caffarra, un motu proprio du Pape changeant le nom (on passe des « études » aux « sciences ») de l’institut mais surtout appelant à la création de nouveaux statuts. Enfin, après deux ans de statu quo extérieur, l’imposition cet été des nouveaux statuts sans concertation réelle avec le corps professoral et, étape décisive, le licenciement pur et simple d’une partie de l’équipe des professeurs, procédé inédit dans le monde universitaire. Une dizaine de professeurs sont concernés dont les deux professeurs de théologie morale, Mgr Melina (morale fondamentale) et le professeur Noriega (morale spéciale), ainsi que Stanislaw Grygiel, professeur d’anthropologie philosophique, ancien étudiant et ami de saint Jean-Paul II. 

    Création d'un nouvel institut

    Ce qui était resté feutré apparaît donc en pleine lumière : la démolition de l’institut existant pour en créer un nouveau. Non plus un lieu où l’approche morale et anthropologique de saint Jean-Paul II, enracinée dans saint Thomas d’Aquin, soit étudiée et diffusée mais un lieu de recherche et de dialogue avec le monde contemporain tel qu’il est décrit par les sciences humaines et sociales, le tout en vue d’accompagner par le discernement le chemin de croissance des personnes. Ce choix présuppose que l’ancien institut a été perçu comme un obstacle à cette nouvelle stratégie, une sorte de forteresse qu’il faut détruire. 

    C’est bien sûr la réception de l’exhortation Amoris laetitia qui a cristallisé cette divergence quant à la manière d’annoncer la bonne nouvelle du mariage et de la famille. L’équipe des professeurs de l’institut a été en pointe pour donner une interprétation « continuiste » du chapitre VIII de l’exhortation sur les personnes en situation irrégulière, notamment du point délicat de l’accès aux sacrements de certains fidèles divorcés et remariés civilement. D’aucuns ont considéré que cette approche niait le changement apporté par le pape François au magistère de saint Jean-Paul II. Toute la difficulté est de savoir comment lire cette nouveauté comme un développement homogène et non pas comme une rupture. Le Pape ayant choisi l’interprétation des évêques de la région de Buenos Aires comme l’unique possible, il devenait inéluctable que ceux qui critiquent celle-ci soient sanctionnés. La question demeure entière : comment lire ce chapitre VIII dans la continuité du magistère, c’est-à-dire comme apportant une nouveauté mais une nouveauté qui explicite et ne nie pas ce qui était déjà enseigné ? Il ne suffit pas de l’affirmer pour que cette lecture soit faite. Il ne suffit pas de limoger les théologiens critiques pour répondre à cette question. La raison et l’intelligence de la foi sont imperméables à l’arbitraire, fût-il ecclésiastique. 

    La crise de la théologie morale perdure

    Pour saisir les enjeux de cette affaire, il est nécessaire de la resituer dans le temps long de la crise de la théologie morale initiée par la révolution technique moderne. Il faut au moins remonter aux années 1950 pour saisir le sens profond de ces événements. En pleine euphorie progressiste, certains théologiens et évêques ont considéré que l’heure était venue d’adapter la morale catholique aux critères du monde. Cela passait par la valorisation de l’autonomie de la conscience d’un baptisé considéré enfin comme un « adulte ». Cette question s’est cristallisée sur la légitimation de la contraception comme moyen de régulation des naissances au service de l’épanouissement « personnaliste » du mariage. L’encyclique Humanæ vitæ de saint Paul VI (1968) déclarant la contraception comme toujours illégitime fut l’objet d’une critique très virulente. On peut dire que Veritatis splendor (1993) est la réponse fondamentale de saint Jean-Paul II à tous les systèmes moraux refusant l’encyclique de saint Paul VI. 

    Il est manifeste que la plupart des arguments développés en amont et en aval des deux synodes sur la famille soient les mêmes que ceux des critiques d’Humanæ vitæ. Le changement de paradigme réclamé par le cardinal Kasper, opposant majeur à saint Jean-Paul II sur ce sujet, permet de court-circuiter la notion d’acte intrinsèquement mauvais, c’est-à-dire qui ne peut jamais être perçu comme objet d’un discernement légitime et donc conseillé par un pasteur digne de ce nom. Les critères de l’accompagnement et de la gradualité permettent de changer de regard sur des personnes en situation objective de péché. Ainsi nombre de théologiens vont chercher à valoriser ce qu’il y a de positif dans la stabilité et la fidélité d’un couple homosexuel ; ou chercher à faire admettre que certains divorcés remariés vivant more uxorio ne peuvent être dits en état d’adultère et qu’ils peuvent ainsi recevoir l’absolution et la communion. 

    Le choix de tourner le dos à l’enseignement authentique de saint Jean-Paul II signifie le refus du personnalisme réaliste qu’il promouvait pour lui substituer une version subjectiviste et ultimement relativiste. C’est le lien entre acte et personne, le lien entre subjectivité et vérité sur le bien à faire qui sont falsifiés dans cette nouvelle approche. Bref, les simples fidèles espèrent toujours que la Congrégation pour la doctrine de la foi leur explique en quoi Amoris laetitia peut être lue comme développement homogène de Veritatis splendor. »

    Ref. L’Institut Jean-Paul II dans la tourmente

    JPSC

  • Le cardinal Marx n'est pas près d'obtempérer aux injonctions romaines...

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    "Je ne vois pas pourquoi les sujets sur lesquels LE MAGISTÈRE S'EST DÉJÀ PRONONCÉ ne devraient plus être l'objet de débats ainsi que le suggère votre courrier [...] De nombreux croyants en Allemagne considèrent [que ces sujets] doivent être discutés." (source)
    (Courrier du 12 septembre du cardinal Marx au cardinal Ouellet)

    Du National Catholic Register :

    Cardinal Marx Says German ‘Synod’ Will Proceed Despite Vatican Objections
    The letter followed a week of coverage concerning plans by the German bishops.

    MUNICH — The head of the German bishops’ conference told Vatican officials last week that addressing controversial theological topics during the German bishops’ proposed “binding synodal path” will be a service to the universal Church.

    “We hope that the results of forming an opinion [on these matters] in our country will also be helpful for the guidance of the universal Church and for other episcopal conferences on a case-by-case basis. In any case, I cannot see why questions about which the magisterium has made determinations should be withdrawn from any debate, as your writings suggest,” Cardinal Reinhard Marx wrote in a Sept. 12 letter to Cardinal Marc Ouellet, who is head of the Vatican’s Congregation for Bishops.

    “Countless believers in Germany consider [these issues] to be in need of discussion,” Cardinal Marx added.

    Cardinal Marx’s letter informed the Vatican that the German synodal process will continue as planned, despite recent instructions from the Vatican Curia and Pope, and will treat matters of universal teaching and discipline. 

    The letter followed a week of coverage concerning plans by the German bishops to create a Synodal Assembly with “deliberative power” to address issues including the separation of power in the Church, priestly life, women’s access to ministry and office in the Church and sexual morality.

    The letter was a response to the Vatican’s most recent intervention in German preparations for a synodal process, in which Cardinal Ouellet sent Cardinal Marx a four-page legal assessment of the German plans, which concluded that the Synodal Assembly is contrary to instructions from Pope Francis and “not ecclesiologically valid.”

    The legal analysis especially criticized German plans to discuss matters of discipline and doctrine that have already been decided by the Church’s universal teaching or universal law.

    “It is easy to see that these themes do not only affect the Church in Germany but the universal Church and — with few exceptions — cannot be the object of the deliberations or decisions of a particular Church without contravening what is expressed by the Holy Father in his letter,” concluded the legal review, signed by Archbishop Filippo Iannone, head of the Pontifical Council for Legislative Texts.

    CNA reported Sept. 5 that the executive committee of the German bishops’ conference in August had approved draft statutes for the creation of a Synodal Assembly, in partnership with the Central Committee of German Catholics, a lay group that has called for the ordination of women, an end to clerical celibacy, and the blessing of same-sex unions in churches.

    At the same meeting, the German bishops’ executive committee rejected an alternative synodal plan that was drafted to reflect the instructions of Pope Francis, issued to the bishops in a June letter to all the faithful of Germany. Those instructions warned the bishops against falling into a “new Pelagianism” and insisted that synodality could not be used as an excuse for reducing Church governance and teaching to a democratic process.

    In his Sept. 12 letter to Cardinal Ouellet, Cardinal Marx registered his apparent disapproval at the Vatican’s decision to present its legal advice without consulting him first.

    “Perhaps a conversation before sending these documents would have been helpful,” Cardinal Marx wrote.

    In an apparent rejection of the Vatican’s legal assessment, Cardinal Marx added that the Church in Germany will “conduct a consultation of our own kind that is not covered by canon law.”

    The legal opinion of the Pontifical Commission for Legislative Texts, sent to the Germans by Cardinal Ouellet, concluded that the bishops seem intent on convening a particular council “without using the word” as a means of passing binding resolutions without Roman approval.

     A council differs from a synod in that, with Vatican approval, it is able to make new policies for the Church for a particular reason.

    But Cardinal Marx said Germany’s plans are not for a council, or even a synod in the traditional sense, but something unique and not anticipated by canon law.

    “The Synodal Way is a sui generis process,” Cardinal Marx wrote. “The draft statutes should therefore by no means be read and interpreted through the lens of canonical instruments such as a plenary council. It is not a Particular Council!”

    The cardinal’s letter also insisted that the Vatican legal assessment is based on a draft of the German plans that “has long been outdated” and had since been “further developed in July and August.”

    The version of the statutes passed by the German bishops’ executive committee on Aug. 19 was obtained and published by CNA

    While Cardinal Marx noted that the statutes include a recognition of the authority of both the diocesan bishop and the episcopal conference, Article 2 of the current statues say that the Synodal Assembly “has deliberative power.”

    Despite Cardinal Marx’s insistence to Cardinal Ouellet that the statutes underwent further changes in August, CNA has obtained internal documents from the German bishops’ conference that show that the statutes most recently voted on by the executive committee were drafted Aug. 1 and remained unchanged through the end of that month.

    CNA has confirmed with officials at both the Congregation for Bishops and the Pontifical Council for Legislative Texts that the Vatican was already in possession of the most recent draft of the German synodal statutes by the time Cardinal Ouellet’s letter was sent to Cardinal Marx on Sept. 4.

    The current version was also considered by Cardinal Marx to be sufficiently finalized that he instructed conference officials to prepare authorized translations of the statues in various languages following the Aug. 19 meeting. Senior conference officials told CNA that it is the intention of the German bishops to create an example that can be “exported” to other parts of the world. 

    The results will be “helpful for the guidance of the universal Church and for other episcopal conferences,” Cardinal Marx wrote.

    The text of Cardinal Marx’s letter was released to German media over the weekend, appearing in Frankfurter Allgemeine on Saturday.

  • De nombreux évêques s'arracheraient les cheveux...

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    Lu sur le forum catholique :

    Voici une traduction d'un article du National Catholic Register:

    Messori sur les troubles dans l’Église: beaucoup sont inquiets mais le Christ ne quittera pas son Église

    par Edward Pentin, le 17/09/2019

    ''Selon l'écrivain italien, co-auteur de Entrez dans l’Espérance avec le Pape Saint Jean-Paul II, de nombreux prélats sont en train de "s’arracher les cheveux" à cause de la situation actuelle, et "ceux qui commandent sont intolérants face à toute voix critique.''

    Le célèbre écrivain italien catholique Vittorio Messori a déclaré que «de nombreux catholiques sont inquiets, certains sont même désespérés» au sujet de l'état actuel de l'Église, mais que ce n'est pas sans espoir car le Christ ne laisse jamais son Église seule.

    Messori, qui a écrit ‘’Entretien sur la foi’’ (The Ratzinger Report) avec le Cardinal Joseph Ratzinger et ‘’Entrez dans l’Espérance’’ avec le Pape Saint Jean-Paul II, a déclaré au quotidien catholique italien La Fede Quotidiana que la confusion est "présente et qu'elle est affligeante, déconcertante."

    Il a dit qu'il existe une sorte de «conformisme», à propos du Pape François, qui est «palpable» dans l'Église.

    «Il est déconcertant que seuls deux ou trois cardinaux âgés de presque 90 ans parlent et protestent», a-t-il déclaré, ajoutant qu'il connaissait «de nombreux évêques et aussi des cardinaux avec lesquels j'ai dialogué en privé et qui s’arrachent les cheveux en désaccord. ”

    «Mais ils ont peur, restent silencieux et se taisent», a-t-il déclaré.

    Messori a noté que pendant deux millénaires la critique du pape avait été découragée mais qu'aujourd'hui cette tendance est "accentuée".

    «On dit que c’est l’Église de la miséricorde, mais c’est un non-sens», a-t-il déclaré. "Ceux qui commandent sont intolérants face à toute voix critique."

    L’écrivain italien se souvenait d’avoir écrit un «article poli» dans le quotidien italien Corriere della Sera dans lequel il «posait des questions» et faisait des «réflexions», mais avait ensuit été «submergé de réactions abusives, notamment de la part de certains médias catholiques». Il a ajouté qu'une sorte de comité avait été créé pour demander au Corriere della Sera de le démettre de ses fonctions de contributeur.

    «Alors, avec quelle cohérence peut-on affirmer qu’il s’agit de l’Église de la miséricorde, du dialogue ouvert et juste, de la parrhésie? a-t-il demandé, évoquant l'appel fréquent du Pape François à la fois à la miséricorde et à une discussion franche et ouverte.

    Mais il a noté que l'Église n'est pas une entreprise, une multinationale ou simplement un gouvernement. «En bref, cela ne peut pas échouer», a observé Messori.

    «Bien sûr, il y a des raisons de s’alarmer. Je pense, par exemple, au prochain Synode sur l’Amazonie et à des malentendus connexes. Je ne sais pas ce qu'ils veulent réaliser - probablement des prêtres mariés.

    «Par conséquent, je suis inquiet, mais pas désespéré», a-t-il déclaré, car «le Christ ne laisse pas l'Église seule» et que l'Église «n'est pas de Bergoglio ou des évêques, mais seulement du Christ».

    «Il la gouverne avec sagesse», a-t-il déclaré. "Les forces du mal ne gagneront pas."

    En 2017, Messori a reproché au pape de refléter la société moderne en transformant l'Église en un lieu où «tout est instable et changeant».

    «Dans un« monde liquide» où tout devient incertain, précaire, provisoire, c’est précisément la stabilité et la fermeté de l’Église catholique dont toute l’humanité a besoin, pas seulement les croyants», a-t-il déclaré.''

    Source

  • L'évêque de Gand sur KTO

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    De KTO :

    Mgr Luc Van Looy, ancien missionnaire en Corée du Sud, est évêque de Gand depuis 2003. Sa démission a été acceptée par le pape en 2018 : Mgr Van Looy continue d'administrer le diocèse en attandant la nomination de son successeur. Présent sur le plateau de La Vie des Diocèses pour la deuxième fois, il aborde les différents projets portés par son diocèse pour permettre aux catholiques d'être témoins de l´Evangile au milieu d´une société fortement sécularisée. Nous avons suivi une retraite de familles gantoises avec leurs jeunes enfants à l´abbaye d´Orval : des temps de formations et de réflexions étaient proposés aux adultes ; des activités et des jeux aux plus petits. Pour Mgr Van Looy la formation des laïcs est le véritable enjeu de l'Eglise d'aujourd'hui. Nous écoutons ensuite le père Collin, recteur de la cathédrale de Gand. Il parle du grand projet de construction du centre d´accueil de la cathédrale autour de l´oeuvre de l´Agneau Mystique de Van Eyck. Mgr Van Looy rappelle le message spirituel de cette oeuvre : c'est l'occasion pour l'Eglise d'interpeller les visiteurs de passage dans la cathédrale.

    Diffusé le 16/09/2019 / Durée : 26 minutes

  • Flandre : menaces sur le cours de religion

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    De Jacques Hermans sur le site de la Libre :

    En Flandre, le cours de religion divise laïcs et catholiques

    La N-VA veut remplacer une heure de religion par une heure de néerlandais. L’émoi est vif.

    Le temps où les "petits vicaires" de campagne militaient pour la cause flamande auprès de leurs paroissiens est révolu. La N-VA ne peut plus compter aujourd’hui sur ces bons petits soldats prêchant l’émancipation de la Flandre. Le parti nationaliste n’apprécie pas trop le "virage à gauche" de l’Église flamande devenue minoritaire aujourd’hui, ni celui de sa puissante coupole fédérant l’enseignement catholique sise rue Guimard.

    La N-VA continue vaille que vaille de manier la croix et la bannière pour mettre en exergue sa propre culture, fondée sur des valeurs chrétiennes. Mais un fossé se creuse aujourd’hui parmi les nationalistes entre ceux qui défendent les valeurs chrétiennes et "les indifférents". Divisée, la N-VA commence à se rendre compte qu’à travers tous ces débats idéologiques elle se met à dos une partie - non négligeable - de son électorat.

    Une pétition en cours

    Ce qui oppose catholiques et laïcs jusqu’au sein même du parti, c’est le cours de religion qui pourrait passer de deux heures à une heure par semaine dans le secondaire. La N-VA propose en effet concrètement de remplacer dans les écoles une heure de religion par une heure de… néerlandais. Ce changement de cap symbolique fait des vagues en Flandre. Dans les écoles catholiques, les professeurs de religion ont lancé une pétition sur le site Thomas. (www.godsdienstonderwijs.be).

    Dans le même esprit, Mgr Johan Bonny, l’évêque référendaire en charge de l’Enseignement catholique en Flandre, a mis l’accent sur l’importance du maintien des deux heures de religion ou de philosophie, qui ont toute leur importance "dans un monde où le vivre-ensemble et la recherche du sens sont essentiels aussi bien pour l’élève que pour la société".

    Certains voient dans cette proposition une revanche de la N-VA sur les tjeven, "les cathos" de la rue Guimard. Il y a un an, la fédération Katholiek Onderwijs Vlaanderen avait proposé de remplacer une heure de néerlandais par une heure de "citoyenneté". La N-VA s’était étranglée. Elle n’avait pas davantage digéré le projet "Dialoogschool", initiative de la fédération.

    Cette "école du dialogue" a pour but de promouvoir l’interculturalité et le vivre-ensemble dans un esprit de tolérance. En particulier, le cours de religion, affirment certains, tire sa légitimité de ce qu’il forme les élèves à mieux comprendre les défis de notre société multiculturelle. Les nationalistes ont hurlé car ils veulent au contraire que l’école mette l’accent sur l’apprentissage des fondamentaux du christianisme, ce qui correspond à leur volonté "de mieux connaître les racines de la civilisation occidentale, qui est à la base de l’identité flamande". Alimentent-ils dès lors le débat antireligieux pour recentrer le discours sur l’identité flamande ?

    Le front des laïcs

    La N-VA semble pour l’heure vouloir maintenir son cap. Jusqu’à nouvel ordre ? Surfant sur la même vague laïque et individualiste que celle de l’Open VLD, les nationalistes recherchent toujours cette denrée rare, "ce puissant antidote contre l’islam".

    Un front commun avec les libéraux flamands est-il en train de se former ? En tout cas, l’Open VLD rêve de laïciser l’enseignement et préconise de remplacer l’une des deux heures de religion par une heure d’éducation à la citoyenneté, comme dans l’enseignement officiel francophone. Un choix défendu par l’enseignement officiel (Gemeenschapsonderwijs, GO).

    Les libéraux flamands ne sont pas mécontents d’avoir trouvé un allié de circonstance en la personne de… Bart De Wever, qui, à plusieurs reprises, s’est pourtant montré soucieux de "combattre l’inculture religieuse en Flandre". Au journaliste Luc Alloo, il avait affirmé, le 17 mars dernier, (donc avant les élections), que "les valeurs chrétiennes font partie de notre culture occidentale" et qu’il n’avait "personnellement pas l’intention de renier la religion dans laquelle il avait été élevé". Pourtant, dans son livre Over identiteit (paru en avril dernier), le président de la N-VA écrit que "la religion catholique a perdu son sens dans notre société d’aujourd’hui". Il ajoute que "les vieilles traditions catholiques ne sont plus que… folklore", des propos qui lui ont valu de vives critiques dans les milieux catholiques traditionnels.

    Dans ce débat symbolique, le CD&V, en pleine crise existentielle, se mure dans un silence assourdissant. Il peine à prendre position tant les problèmes à l’intérieur du parti sont nombreux à gérer. Et cela commence à se voir. "Ce qui est sûr, c’est que le CD&V n’a obtenu que 15 % des suffrages et, maintenant, en faisant profil bas sur cette question essentielle, on peut dire qu’ils sont en train de perdre leur âme et leur identité chrétienne", affirme Didier Pollefeyt, professeur de théologie à la KULeuven.

  • Les droits de l'homme : sans limites ?

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    De Chantal Delsol sur le Figaro Vox via Magistro

    Les droits de l’homme sont-ils sans limite ?
     
    FIGAROVOX/TRIBUNE - Les droits de l’homme ne sont plus universels et immuables mais catégoriels et sans cesse croissants. Aussi est-il légitime de leur poser des bornes, argumente le professeur de philosophie politique*.
     
    Aux États-Unis, une "commission des droits inaliénables" a été récemment mise en place par le secrétaire d’État, Mike Pompeo. Son objet est de réfléchir sur ce que sont devenus les droits de l’homme depuis leur affirmation solennelle en 1948 dans la déclaration universelle des droits de l’homme. La présidente de la commission, Mary Ann Glendon, professeur de droit à Harvard, a affirmé que la commission travaillerait "au plan des principes, pas de la politique". Les membres de la commission sont inquiets de voir les droits, catégorie sacrée au sens culturel du terme, se développer anarchiquement. Les opposants à la création de cette commission, eux, sont inquiets en pensant, non sans raison, qu’on pourrait conclure à la relativisation de certains droits.

    Alors que la modernité nourrissait des idéologies censées susciter des sociétés parfaites, la post-modernité ne se voue qu’au développement de la liberté individuelle sur tous les plans. Les droits sont inflationnistes, parce que l’envie individuelle a tendance à susciter chaque fois un nouveau droit. Sauf l’impossibilité technique, il n’y a pas de limitation à mes désirs. Même la fameuse liberté qui "s’arrête là où commence celle de l’autre" est entamée : face à l’être faible qu’est l’enfant, c’est ma volonté d’adulte qui seule compte - j’ai le "droit" de produire un enfant sans père parce que j’en ai envie, j’ai "droit" à un enfant si je veux. Et tous ces nouveaux droits réclament aussitôt leur inaliénabilité. On met en avant la souffrance des demandeurs pour justifier la légitimité de leurs souhaits.
    Les choses vont si loin que Muriel Fabre-Magnan, s’appuyant sur des textes européens, se demande si le sadomasochisme doit être considéré comme un droit de l’homme, après avoir vu la Cour européenne des droits de l’homme établir lors d’un procès pour sadomasochisme, le droit de l’autonomie personnelle à "s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou moralement dommageables ou dangereuses pour sa personne". La "commission des droits inaliénables" veut pointer du doigt cet engrenage déraisonnable.

    L’inflation des droits a été patente depuis la Seconde Guerre. On pourrait parler des droits dits de seconde et de troisième génération, dont la signification a changé par rapport aux affirmations premières. Mais surtout, et depuis peu, l’universalité a été mise à mal pour laisser place aux droits des groupes, parfois des groupuscules. Pour la Déclaration originelle de 1948, il n’y a ni des Iroquois ni des Français, il n’y a que des humains, et c’est cela qui fait la grandeur de la Déclaration. C’est cela d’ailleurs qui suscitait la moquerie des contempteurs des droits de l’homme : je ne connais pas l’Homme, je ne connais que des Français et des Anglais, disait Joseph de Maistre. Or, aujourd’hui, les droits universels des humains quels qu’ils soient, c’est-à-dire hors leurs appartenances sociales et autres, s’éclipsent pour laisser place aux droits des groupes comportementaux ou identitaires. Il y a les droits des femmes. Les droits des homosexuels. Les droits des "LGBTQI", etc. Ils renvoient à des possibilités légales d’adopter certains comportements, qui revendiquent à grand bruit d’être aussitôt traduits en droits inaliénables, suscitant un nuage de droits concernant tous les domaines de la vie, et figeant (c’est bien le but) ces comportements dans le marbre comme s’il s’agissait de dogmes théologiques.

    Les droits de l’homme originels, ceux énoncés au départ par les Déclarations, équivalent pour nous à des dogmes théologiques, et ils sont gravés dans le marbre ("tout homme a droit à la liberté de penser"), même s’ils ne sont pas toujours respectés. C’est leur généralité, leur universalité, leur côté lapidaire et parfois laconique, qui garantit leur insigne valeur. Mais tous ces droits dérivés et particuliers qui fleurissent chaque jour doivent être discutés, et non pas imposés par quelques groupuscules : c’est ce que signifie cette commission.
    Lorsqu’on a le sentiment d’avoir laissé des principes enfler indûment, de s’être peut-être fourvoyé avec le temps qui passe, on revient alors aux fondements : aux pères fondateurs dont on a pu s’éloigner sans penser aux conséquences. On refonde ce qui a été altéré en revenant aux sources, comme l’avait bien montré Machiavel à propos des républiques. C’est pourquoi la commission parle d’en venir à distinguer des droits humains inaliénables et des "droits ad hoc". Il est clair qu’il est question d’enlever à certains droits leur inaliénabilité. Et l’on comprend l’inquiétude des opposants.

    Car il s’agit, essentiellement, de répondre à la pression du courant progressiste qui veut imposer le caractère inaliénable de bien des nouvelles revendications, revendiquées sous peine de manquement à la modernité toute-puissante. Certains pays (la France, l’Allemagne) considèrent que le mariage entre deux personnes de même sexe est un droit de l’homme. Mais d’autres pays, comme la Hongrie ou la Pologne, contestent rigoureusement ce droit. Et ils sont injuriés et traités d’analphabètes. Or ces différences devraient entraîner non des insultes, mais la reconnaissance de spécificités légitimes, et c’est pourquoi la commission parle de "droits ad hoc". Autrement dit, on pourrait considérer que ces divergences ne sont pas une question de retard provincial ou d’idiotie congénitale, mais de point de vue et de conviction. On peut avoir des raisons de penser que l’IVG n’est pas un droit, mais une tolérance devant des cas graves, un respect de la décision individuelle en situation tragique. C’était d’ailleurs la pensée et le propos de Simone Veil, qui a été rapidement détournée par l’effet de cette enflure, justement.

    La dénomination de droits ad hoc permettrait aux différents pays ou régions, comme les États américains, de définir leurs visions des droits au-delà des droits fondamentaux définis par les Déclarations. Ce serait un gage de la pluralité des opinions. Le problème étant que le courant dominant n’accepte pas du tout des challengers et ostracise tout ce qui diffère de lui.

    La pensée conservatrice se saisit ici des droits de l’homme en posant une question qu’elle juge essentielle : les droits de l’homme n’ont-ils pas des limites ? Ils en ont bien au regard de notre responsabilité face à l’environnement. Et, certainement, ils sont limités par notre responsabilité à l’égard des humains, qui ont aussi leurs exigences. La position de ces limites est chaque fois discutable, et exige par conséquent des débats entre les différentes visions du monde. Significativement, les opposants de la commission s’indignent qu’on veuille poser des limites, qui vont "discriminer" - c’est-à-dire récuser des souhaits. Ils légitiment l’inflation des droits. Les conservateurs, au contraire, pensent que les droits humains ne dépendent pas de nos désirs, qui sont en effet exponentiels, mais d’exigences humaines plus profondes et plus complexes. Refuser d’en débattre, c’est donner la prime aux émotions, qui dans ce genre d’affaires ne sont jamais bonnes conseillères.

    * De l’Institut. "La Démocratie dans l’adversité et les démocraties illibérales", enquête internationale codirigée par Chantal Delsol et Giulio De Ligio, vient de paraître aux Éditions du Cerf.
    Avec l'autorisation de l'auteur - Paru dans Le Figaro, 13 septembre 2019

  • Synode amazonien : ce à quoi il faut s'attendre (selon le cardinal Hummes)

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    Du site du Vatican consacré au Synode sur l'Amazonie :

    Vers le Synode sur l'Amazonie. Entretien avec le cardinal Cláudio Hummes

    Cardeal Hummes relator geral do Sínodo

    Vers le Synode sur l'Amazonie. Entretien avec le cardinal Cláudio Hummes. Antonio Spadaro, sj

    Le 15 octobre 2017, le pape François a convoqué un Synode spécial à Rome pour la région pan-amazonienne, indiquant comme objectif principal « de trouver de nouvelles voies pour l’évangélisation de cette portion du Peuple de Dieu, en particulier les indigènes, souvent oubliés et privés de la perspective d’un avenir serein, notamment à cause de la crise touchant la forêt amazonienne, poumon d’une importance capitale pour notre planète ». Le8 juin 2018 le document préparatoire a été publié[1].

    Le Synode sur l’Amazonie est un grand projet ecclésial quivise à dépasser les limites et redéfinir les lignes pastorales, en les adaptant aux temps présents. La région de la Panamazonie est composée de 9 pays : Brésil, Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou, Venezuela, Surinam, Guyana et Guyane française. Cette région, où se concentrent plus d’un tiers des ressources forestières primaires du monde, est une source importante d’oxygène pour toute la terre. C’est une des plus grandes réserves de biodiversité de la planète.

    Des évêques choisis de différentes régions, y compris tous les évêques de la région amazonienne, interviendront au synode. Le Saint-Père a nommé le cardinal brésilien Cláudio Hummes, franciscain, archevêque émérite de Saint-Paul, rapporteur général du Synode. Le cardinal jésuite péruvien Pedro Barreto, archevêque de Huancayo, est une autre figure de grande importance. Ils sont respectivement président et vice-président du « Réseau ecclésial pan-amazonien » (REPAM).

    Ce réseau transnational entend créer une collaboration harmonieuse entre les différentes composantes de l’Église : circonscriptions ecclésiastiques, congrégations religieuses, Caritas, diverses associations ou fondations de bienfaisance, et des groupes laïcs catholiques. L’un de ses principaux objectifs est la défense de la vie des communautés amazoniennes menacées par la pollution, le changement radical et rapide de l’écosystème dont ils dépendent, et l’incapacité à protéger ces droits fondamentaux.

    Le 31 Octobre 2006, le Card. Hummes fut nommé Préfet de la Congrégation pour le Clergé par le pape Benoît XVI. En mai 2007, il participa à la 5eConférence épiscopale latino-américaine à Aparecida en tant que membre nommé par le pape. Aujourd’hui, il est président de la Commission pour l’Amazonie de la Conférence des évêques du Brésil.

    Compte tenu de son expérience et de son travail, nous avons décidé d’avoir avec lui un entretien qui puisse servir d’introduction aux travaux du Synode et montrer son importance[2].

    Antonio Spadaro sj

    Éminence, nous nous approchons du Synode sur l’Amazonie, un grand événement ecclésial qui met au centre de la réflexion une région spécifique et particulière du monde, d’une immense et incroyable richesse et complexité. Pour cette raison, certains craignent que le prochain Synode puisse avoir des répercussions sur l’unité dans l’Église. Qu’en pensez-vous ?

    Aujourd’hui, on parle beaucoup de l’unité de l’Église. Elle est essentielle, très importante. Cependant, il faut la comprendre dans le sens d’une unité qui accueille la diversité, selon le modèle de la Trinité. C’est-à-dire, il est tout aussi nécessaire de souligner que l’unité ne peut jamais détruire la diversité. Le Synode met concrètement l’accent sur la diversité au sein de cette grande unité. La diversité est la richesse de l’unité, elle l’empêche de se transformer en uniformité, de fournir des justifications au contrôle.

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