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Le père Marie-Dominique Philippe ne sera plus l’autorité de référence de la Communauté Saint-Jean

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De Samuel Pruvot et Hugues Lefèvre sur le site de Famille Chrétienne :

Communauté Saint-Jean : « Le père fondateur ne sera plus l’autorité de référence »

06/11/2019

Réunis en Chapitre général, les Frères de la communauté Saint-Jean ont décidé d’opérer un véritable « décentrement » vis-à-vis de leur fondateur, le père Marie-Dominique Philippe, accusé d’avoir abusé sexuellement d’une quinzaine de personnes. Le frère François-Xavier Cazali, prieur général, nous explique le processus de révision entamé par la communauté.

Pouvez-vous rappeler les faits qui sont reprochés aujourd’hui au père Marie-Dominique Philippe, fondateur de la communauté Saint-Jean ?

Le père Marie-Dominique Philippe s’est rendu responsable d’abus vis-à-vis de plusieurs personnes. Il s’agissait d’abus sexuels sur des femmes adultes, extérieures et membres de la Famille Saint-Jean. Dans la très grande majorité des cas, ils ont été précédés d’abus de pouvoir et de conscience, faussant ainsi la signification des gestes posés. Mon prédécesseur, le frère Thomas Joachim, faisait part d’une quinzaine de personnes victimes d’abus bien identifiées. Mais elles sont certainement plus nombreuses.

Que pouvez-vous dire à ceux qui continuent de penser que votre travail de vérité sur le passé de la communauté est sans fondements dans la réalité ?

Je comprends toute leur difficulté à y croire. La révélation de ces faits a été extrêmement douloureuse pour tout le monde. C’est une très grosse épreuve. Mais n’oublions pas que les vraies victimes ce sont d’abord les personnes qui ont été profondément blessées dans leur chair, dans leur âme, par ces actes. Pour les personnes qui doutent encore, le fait de ne pas pouvoir accéder aux témoignages directs des victimes est une épreuve supplémentaire. Mais il nous est impossible de les publier par égard aux victimes qui souhaitent garder l’anonymat. Une victime s’est cependant exprimée publiquement, et les personnes qui ont lu le dossier peuvent attester que ses paroles consonnent avec les autres témoignages, y compris pour les gestes les plus graves dans certains cas.

Il faut savoir en outre que des autorités compétentes de l’Église se sont exprimées sur le sujet, en 2016 notamment par le biais du Préfet et du Secrétaire de la Congrégation pour les religieux. Il y a eu également deux procès en diffamation contre le père Thomas Joachim qui a été  innocenté, ses déclarations étant reconnues fondées.

Aux personnes qui doutent de notre souci de vérité, je leur demande quel serait notre intérêt à dire que notre fondateur était un abuseur. Il serait beaucoup plus facile de vivre avec un fondateur ayant une image glorieuse.

Le père Marie-Dominique Philippe avait été condamné par Rome en 1957.

Lors de votre chapitre, vous êtes longuement revenu sur l’image de votre fondateur…

Oui, et un autre élément grave nous a été révélé.  Sur la base d’archives, nous avons pu savoir que le père Marie-Dominique Philippe avait été condamné par Rome en 1957. Il avait été jugé gravement complice des abus de son frère, le père Thomas Philippe. Durant deux ans, il lui a été interdit de confesser, de diriger spirituellement des religieuses, de séjourner et de prêcher dans des monastères et d’enseigner la spiritualité. Il n’est pas attesté qu’il aurait lui-même commis des abus à l’époque. Une enquête approfondie va débuter. Le chapitre a en effet demandé qu’une commission interdisciplinaire soit mis en place pour faire la lumière sur le plan historique, psychologique et théologique. 

Comment l’Église a-t-elle pu ensuite le laisser fonder une communauté ? 

Sur cette question, il est trop tôt pour avoir une réponse. Qui, des personnes qui ont autorisé la fondation de la communauté, était au courant du passé et de la sanction du père Marie-Dominique Philippe ? Nous n’en savons rien pour l’instant. Aussi, lors de notre chapitre, les frères ont pu écouter des témoignages et mesurer l’ampleur et la profondeur du mal généré par un abus. Cette prise de conscience a fortifié notre volonté de faire toute la vérité sur ce passé.

L’enseignement du père Marie-Dominique Philippe avait une place prépondérante dans la formation des frères de Saint-Jean. Quelle place aura-t-il demain ?

Mgr Carballo nous a invités à revisiter nos fondations mais non pas à faire table rase. C’est la raison pour laquelle il nous a dit hésiter à utiliser le mot de « refondation » qui peut être mal compris – il ne l’a d’ailleurs pas repris dans sa lettre. La psychiatre systémicienne qui est intervenue a pour sa part mis en garde contre le danger de la diabolisation après l’idéalisation, phénomène courant qu’elle disait tout aussi pathogène que l’idéalisation, puisqu’il consiste à rester dans le registre de l’imaginaire. Cela peut aussi être une stratégie d’évitement par rapport au travail de conversion que l’on a à faire à l’intérieur de soi. Le mot clé est, avec la lucidité, celui sur lequel a insisté le plus Mgr Carballo : le discernement.

Pour ce qui est de l’enseignement du père Marie-Dominique Philippe, l’intelligence ne progresse pas en faisant des mises à l’index ou des autodafés. Un travail est ouvert, depuis plusieurs années, avec des experts extérieurs pour repérer ce qui est bon et ce qui est moins bon ou mauvais dans cet enseignement. Parallèlement, le chapitre a décidé que le père Philippe ne serait plus l’autorité de référence qu’il a pu être dans notre formation. La communauté n’exprimera plus son charisme en se référant au père Philippe comme à une norme. Nous avons insisté sur l’importance d’une lecture critique et libre de son enseignement et souhaitons poursuivre ce décentrement.

Enseignera-t-on encore son concept d’ « amour d’amitié » qui, pour certains, a servi de justification à beaucoup d’abus ?

Je crois qu’il ne faut pas faire une fixation sur cette expression. Elle n’est pas à la racine des maux, mais c’est un exemple de l’esprit de confusion et d’ambiguïté qui semble être le dénominateur commun de ces abus. L’expression « amour d'amitié » a pu être utilisée pour servir un discours ambigu et confus qui, sous couvert d’une amitié spirituelle, introduisait ce qui appartient en fait à l’amitié amoureuse ou conjugale. Tout ramener à l’ « amour d’amitié » ne me semble pas juste pour comprendre ce mal. La véritable question est celle de savoir comment un homme qui, manifestement aimait Jésus et était capable de l’annoncer de manière admirable, pouvait commettre de tels actes. Pour répondre à cette question, une contribution très précieuse est celle de certains autres frères qui se sont rendus coupables d’abus sexuels et qui font actuellement un chemin de repentance. Ils se rendent compte aujourd’hui combien leur conscience du bien et du mal était obscurcie au point qu’ils ne se confessaient jamais de ces actes.  Pour eux, il ne s’agissait pas d’un péché.

► À LIRE AUSSI : François-Xavier Cazali, nouveau prieur général des Frères de Saint-Jean : « Nous devons aller jusqu’au bout de notre travail de vérité »

Quand on regarde les fruits de la communauté Saint-Jean, comment imaginer que l’arbre portait un poison dès le départ ? 

Il me semble ne pas avoir assez de recul aujourd’hui pour pouvoir répondre à votre question. Le travail interdisciplinaire sur l’histoire et les causes devrait contribuer à l’élaboration de cette réponse. Ce que je peux dire en tout cas, c’est qu’il serait injuste et faux de dire que tout l’arbre est pourri dans la communauté. Alors que nous essayons de faire toute la lumière, il nous importe d’aller jusqu’au bout et de dégager aussi le bien que la communauté a fait. Se concentrer exclusivement sur le mal contribuerait à éteindre la vie. Ce qui est vivant doit continuer à porter du fruit. D’ailleurs, c’est en faisant l’expérience de la vie à l’œuvre dans la communauté que nous trouvons du courage pour aller jusqu’au bout de notre travail de vérité et de guérison.

Il serait injuste et faux de dire que tout l’arbre est pourri dans la communauté.

Pourquoi Mgr Carballo, Secrétaire de la Congrégation pour la Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique, stipule dans une lettre adressée à la communauté, que la formation ne peut se fonder seulement, ni même prioritairement sur la philosophie ? 

La vie religieuse n’est pas fondée sur la philosophie car la philosophie ne sauve pas. C’est la rencontre avec le Christ qui sauve. Ce qu’il nous faut, c’est en tirer les conséquences jusque dans la structure de notre formation. Actuellement, un travail se fait dans la communauté, pour établir un texte programmatique sur la formation, de l’entrée en communauté jusqu’à la mort, comme cela est demandé à tout institut religieux. C’est donc l’occasion de revisiter notre formation dans cette lumière. L’intuition du père Philippe qui était de renouveler la lecture de Saint Thomas d’Aquin par une philosophie vivante me semble toujours bonne. D’ailleurs, dans ce cadre, ce n’est pas la philosophie qui est première mais la pensée de St Thomas, en vue de l’intelligence de la foi. Cette importance de la philosophie demeure dans notre patrimoine, le Chapitre général l’a fait figurer dans sa déclaration. Mais les frères doivent, dans leurs sources, bénéficier d’une ouverture d’esprit.

Que pourriez-vous dire aux familles qui hésitent à s’inscrire aux sessions de la communauté Saint-Jean ou bien à confier leurs enfants dans un camp de la communauté ?

La confiance qu’on accorde à une communauté religieuse n’est pas basée sur la confiance dans une personne seulement. Nous sommes une communauté d’Église. La communauté Saint-Jean reçoit les remarques de l’Eglise et poursuit son chemin de conversion. En continuant avec ardeur d’enquêter sur notre passé, en travaillant à une meilleure formation des frères et à la mise en place d’un système de sanctions nettes et lisibles, nous mettons tout en œuvre pour que ce qui a pu se passer ne puisse plus jamais se reproduire.

► À VOIR AUSSI : Vidéo - Connaissez-vous vraiment les Frères de Saint-Jean ?

Malgré la gravité du péché, la communauté peut-elle rayonner de nouveau ?

Ce qui nous arrive nous fait expérimenter d’une manière nouvelle la miséricorde de Dieu. C’est un trésor que nous avons à transmettre. Ce que nous vivons ne sera évidemment jamais un motif de gloire. Je me réjouirai toutefois si nous pouvons transmettre quelque chose de cette confiance en Dieu que nous redécouvrons. Dieu doit occuper plus de place dans la communauté qu’hier. Quand le Seigneur envoie ses messagers, eux-mêmes sont capables de dire qu’ils ont été sauvés. Nous n’annonçons pas un Salut lointain mais le nôtre !

Devant ces révélations et ce travail douloureux, n’êtes-vous quand même pas découragé ?

En vérité, je n’éprouve pas ce sentiment - ce qui est peut-être une preuve de la présence de l’Esprit-Saint ! Au contraire, faire la vérité nous libère et nous procure même de la joie. Si du bien a pu se faire hier par la communauté – avec de telles zones d’ombres –, qu’est-ce que cela pourra donner demain, après cette épreuve !? Cette pensée me donne de l’espérance.

 

La communauté Saint-Jean entre dans un processus de révision

« Nous ne pouvons plus considérer [le père Marie-Dominique Philippe] comme un maître de vie spirituelle ». Lors du Chapitre général des Frères de Saint-Jean, du 22 octobre au 1er novembre, la communauté est revenue longuement sur la figure de son fondateur. Il en ressort que les Frères condamnent « sans ambiguïté ses agissements abusifs (abus de conscience, de pouvoir et sexuels), ainsi que les dysfonctionnement engendrés ». Ils souhaitent opérer à son égard « un décentrement ».

Ainsi, parmi les principales annonces communiquées le 5 novembre, la « Règle de vie » et « le droit propre » de la communauté seront révisés et « tous les frères » sont invités à entrer dans ce processus de révision. Mgr Carballo, Secrétaire de la Congrégation pour la Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique, présent lors du chapitre, encourage ce travail de « clarification » à l’égard du fondateur. « Il vous a transmis un charisme qui a été reconnu par l’Eglise, leur a-t-il écrit dans une lettre. Néanmoins le père Philippe ne peut constituer une référence charismatique, en ce sens qu’une référence charismatique transmet un enseignement et un modèle de vie. Or vous savez que le père Philippe ne peut constituer un modèle de vie ». Les Frères de Saint-Jean déclarent ainsi ne plus se référer à lui « comme à une norme pour actualiser leur charisme aujourd’hui ».

Ils reconnaissent néanmoins que des éléments du patrimoine spirituel de la communauté leur sont parvenus à travers le père Philippe, comme « la référence à saint Jean, la vie religieuse à la fois contemplative et apostolique, l’importance de la philosophie, et la théologie de saint Thomas d’Aquin ».

Concernant la formation, le Père Philippe ne sera donc plus le référent. « L’étude de ses écrits sera faite avec liberté, sens critique et ouverture d’esprit. Plus largement, notre patrimoine doit être discerné à la lumière de la Tradition de l’Eglise et du Magistère, pour retenir nos traditions saines et les intuitions authentiques, et écarter tout ce qui serait contraire à l’Evangile ».

Des mesures concrètes ont par ailleurs été décidées : « A l’intérieur de nos prieurés, les photographies du père Marie-Dominique Philippe seront retirées des endroits publics, ainsi que des lieux communs en clôture. De même, pour le moment, ses livres ne seront plus mis en vente dans nos couvents, et ses enseignements audios ne seront plus diffusés à l’extérieur, en attendant qu’un discernement soit fait. » « Discernement, revisitation, reconversion », tels étaient les derniers mots de l’intervention de Mgr Carballo à l’adresse des Frères de Saint-Jean réunis en chapitre.

Commentaires

  • VOICI LE PARACHÈVEMENT TRIOMPHAL DE LA CALOMNIE DÉMONIAQUE ! impossible d'aller plus loin dans l'abject !

    Les frères de st jean CALOMNIATEURS sont des sans culottes,sans scrupules et libre penseurs.
    Ce n'est plus une communauté religieuse.
    Oui je crois aussi que le démon traîne et ricane.
    A la fin le Coeur Immaculé vaincra !

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