De Paul Sugy sur le site du Figaro Vox :
Diplomatie: à quoi joue le Pape François?
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans un essai captivant, l’historien Jean-Baptiste Noé expose les grandes lignes de la diplomatie du Vatican, et certains des défis que doit relever l’Église: quel regard porter sur la mondialisation? Et comment défendre une vision chrétienne au sein d’institutions internationales qui ne le sont plus?
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire, rédacteur en chef de Conflits. Il vient de publier François le diplomate (Salvator, 2019).
FIGAROVOX.- Le pape François a récemment tenu des propos très controversés contre la dissuasion nucléaire. À la lecture de votre livre, on est assez surpris de découvrir l’influence du Vatican et l’importance de sa diplomatie. Celle-ci est-elle méconnue?
Le Saint-Siège a joué un rôle crucial au cours du dernier siècle. Durant la Seconde Guerre mondiale, Pie XII a été le pivot de la résistance à Hitler, structurant des réseaux d’espionnage et de fuite des prisonniers, organisant, chose sans précédent, plusieurs attentats pour tuer le dictateur ; dont le plus connu est l’opération Walkyrie. Jean XXIII est intervenu auprès de Kennedy et de Khrouchtchev pour éviter le drame du feu nucléaire lors de la crise de Cuba. Quant à Jean-Paul II, son action pour détruire le totalitarisme communiste a été décisive, comme l’a reconnu Gorbatchev lui-même.
L’action diplomatique du pape François, contre toute attente là encore tant ce pape est connu pour sa volonté de rupture, semble au contraire largement en continuité avec la diplomatie de ses prédécesseurs?
En effet, il y a une remarquable continuité diplomatique entre François et Benoît XVI. Dans les affaires du monde, le pape François a repris et achevé les dossiers ouverts par le pape Ratzinger: rapprochement avec la Russie, relations avec les mondes musulmans, dossier chinois, etc.
Bergoglio est devenu pape en n’ayant aucune expérience diplomatique.
Bergoglio est devenu pape en n’ayant aucune expérience diplomatique, contrairement à ses prédécesseurs qui soit étaient diplomates (Paul VI et Pie XII par exemple), soit avaient eu une intense expérience du monde (comme Wojtyla et Ratzinger). François s’est appuyé sur l’État profond du Vatican et une administration bien rodée. Les hommes de la Secrétairerie d’État (qui s’occupe des questions diplomatiques) sont remarquables à cet égard: ils sont peu nombreux, mais ils parviennent à abattre un travail intense.
Vous parlez d’une «géopolitique du polyèdre», qu’est-ce que cela veut dire?
Cette expression est du pape François. Il désigne par celle-ci la mondialisation. Il explique que la mondialisation n’est pas un cercle, où tout se rejoindrait et où tout serait équivalent, mais un polyèdre, donc un monde avec plusieurs faces, plusieurs cultures, plusieurs intérêts, où chacun aperçoit les relations internationales avec son paradigme.