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Quand "les deux papes" débarquent sur nos écrans

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D'Odile Tremblay sur le site du Devoir :

«The Two Popes»: deux papes pour un Netflix

Dans des performances de haut calibre, Anthony Hopkins (à gauche) incarne Benoît XVI et Jonathan Pryce (à droite) se glisse dans la peau de François.

Photo: TIFF Dans des performances de haut calibre, Anthony Hopkins (à gauche) incarne Benoît XVI et Jonathan Pryce (à droite) se glisse dans la peau de François.

Netflix toujours. Omniprésent. Non seulement à travers ses films projetés au TIFF, mais dans ceux qu’il achète au marché, en les retirant ainsi pour la plupart du circuit des salles.

Tellement puissant Netflix, qu’il prend même ses aises au Vatican. Ainsi, était présenté ici The Two Popes du Brésilien Fernando Meirelles (City of God), produit par la grosse plateforme en question. Tout indique que le film connaîtra également une sortie dans les cinémas, tant Netflix voudra le positionner en vue des Oscar.

Approuvé de toute évidence par le Vatican (qui a fourni quelques documents d’archives), The Two Popes aborde la saga improbable mais vraie du pontificat abrégé de Benoît XVI et de la prise de pouvoir de François. (...)

Plutôt que de creuser les divers scandales qui grenouillaient dans les coulisses vaticanes, Meirelles et ses scénaristes ont plutôt imaginé des rencontres entre les deux porteurs de blanche calotte, avant la démission de Benoît XVI et après. Il a humanisé ainsi les deux papes, surtout le premier, au plus faible capital de sympathie que l’actuel locataire du siège de Saint-Pierre.

Le film est porté par la double prestation exceptionnelle d’Anthony Hopkins (Benoît) et de Jonathan Pryce (François). Maquillage aidant, ce dernier ressemble au pape actuel physiquement, dans ses manières et son énergie, à un point criant. Hopkins apporte une touche plus inusitée à son personnage cérébral, ici plus sensible que nature. Pryce hérite de la partition sympathique du duo. L’humour de Bergoglio, son empathie et sa simplicité crèvent l’écran à travers ce jeu d’acteur inspiré.

Par-delà tout ce que le film passe sous silence, évacuant vite les scandales pédophiles et les complots de palais, on peut parler d’une réussite Netflix. La finesse des dialogues entre les deux hommes, vraies passes d’armes souvent tissées d’humour, exposent les positions respectives des papes sur les réformes à apporter à l’Église et sur leurs visions du monde : l’une conservatrice, l’autre plus progressiste, rendant ce film passionnant.

Les répliques échangées ont beau relever du domaine de la fiction, elles collent aux deux personnages et ne sonnent jamais faux. Les doutes de ces hommes face à leurs capacités de jouer un rôle clé dans un contexte de mutations sociales et de remises en question des positions de l’Église s’éclairent sous un jour neuf.

Meirelles est un grand cinéaste. Ses magnifiques gros plans sur ces visages expressifs, ses déambulations à travers les splendeurs du Vatican au glorieux passé (dont la Chapelle Sixtine recréée), les rituels millénaires du concile servis par d’amusants montages, la caméra subtile et vivante de Cesar Charlone servent la proposition du film, qui plonge dans les grands questionnements contemporains sans appuyer la note.

The Two Popes, qui en fin de parcours met beaucoup l’accent sur l’humanisme de François face aux migrants dont nul ne sait que faire, est aussi une entreprise de réhabilitation d’un Vatican mal en point. On imagine les tractations en haut lieu de l’équipe pour faire approuver ceci en laissant tomber cela afin d’obtenir l’imprimatur du Vatican. Mais en plongeant en des eaux plus intimes et moins controversées que la réalité des coulisses, le film a pu se permettre de s’en affranchir…

Ajoutons cet extrait de la critique parue dans La Libre de ce jour (11 décembre) Arts Libre, p. 6:

Le solitaire et le solaire 

Dès leur premier échange à Castel Gandolfo, le palais d’été du pape, tout les oppose. Pour l’un, l’Église s’inscrit hors du temps afin de servir de repère à toutes les générations. Pour l’autre, c’est l’inverse, elle doit être en phase avec les préoccupations des fidèles. Pour l’un, elle est rigueur; pour l’autre, elle est compassion. Leurs positions sont antagoniques, voire inconciliables, mais leur discussion se déroule sans éclat, à propos feutrés. Insensiblement, le fossé apparaît moins profond – pas un mot, par exemple, sur la place des femmes. Il semble même se combler à la faveur du partage d’une préoccupation intime : comment entendre la voix de Dieu ? … Et c’est là qu’on voit tout le talent de Fernando Meirelles, dans cette utilisation subtile de l’humour. D’abord pour marquer sa neutralité, son “objectivité” avec une pointe d’irrévérence, lorsque, réunis pour le conclave, les cardinaux pénètrent dans la chapelle Sixtine en tenue d’apparat au son de Dancing Queen d’ABBA. Ensuite, une petite blague, un trait d’esprit viennent régulièrement oxygéner les échanges théologiques et idéologiques entre les deux leaders. Enfin, et surtout, c’est notamment par le rire que se tisse une complicité entre les deux hommes, confessant l’un à l’autre leurs angoisses et leurs remords.

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