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Quand les enfants s'éloignent de la foi malgré tous les efforts de leurs parents...

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| Hanna-Cheriyan Varghese

Force est de constater que malgré tous les efforts consentis par les parents chrétiens pour transmettre la foi à leurs enfants, beaucoup parmi ceux-ci s'en éloignent ou l'abandonnent. Les réflexions qui suivent apportent un éclairage intéressant sur cette question qui taraude pas mal de parents chrétiens. Elles émanent d'un pasteur protestant mais rejoignent en de nombreux points notre expérience quotidienne et peuvent nous aider dans notre réflexion :

Louis Schweitzer lors d'une conférence donnée au Centre évangélique d’information et d’action à Lognes le 25 novembre 2003 (source).

La famille, lieu de transmission de la foi ?

Le sujet qui m’a été proposé est extrêmement intéressant mais plus complexe, me semble-t-il, qu’il n’y paraît. Aussi, il me semble judicieux d’en modifier quelque peu le titre en ajoutant un simple point d’interrogation. « La famille lieu de transmission de la foi ? » me semble en effet une question que l’on peut poser à la fois en considérant la situation actuelle et la société qui nous entoure, en considérant la situation psychologique de la famille et sans doute également dans le domaine plus spécifiquement théologique. Je proposerai pour commencer quelques éléments d’une approche biblique qui indiquent bien l’ambivalence de la situation familiale en ce qui concerne la transmission. Nous essaierons ensuite d’approfondir cette question de la transmission, puis nous nous pencherons sur le problème plus particulier de la transmission de la foi. Enfin, pour conclure, nous proposerons quelques pistes pratiques en vue de cette transmission en milieu familial.

1. L’ambivalence du témoignage biblique

Devant une telle question, certains textes bibliques surgissent naturellement à l’esprit. On pense tout de suite à la place que la famille peut tenir dans la transmission en Israël telle que nous la présente le témoignage de l’Ancien Testament. La libération d’Égypte devra être racontée « à ton fils et au fils de ton fils » (Ex 10.2) et on sait la place de la fête de la Pâque dans la transmission familiale : « Lorsque vos fils vous demanderont : que signifie pour vous ce rite ?, vous répondrez… » (Ex 12.25ss, etc.). Il est clair que la transmission familiale est essentielle à la transmission de la foi du peuple juif.

Mais, en même temps, d’autres textes nous reviennent, tirés eux du Nouveau Testament et qui empêchent une réponse trop rapide. Quand il s’agit de la foi chrétienne, donc de la manière spécifiquement chrétienne de considérer la foi et sa transmission, les choses sont-elles aussi simples ? Dans la famille même de Jésus, la transmission ne semble pas avoir été sans problèmes. « Les gens de sa parenté sortirent pour se saisir de lui, car ils disaient : il a perdu la raison » (Mc 3.21) ; « En effet, même ses frères ne mettaient pas leur foi en lui » (Jn 7.5). On voit bien que, dans le cas de Jésus, alors que des étrangers commençaient à l’écouter et à le suivre, son témoignage, son enseignement, n’étaient guère accueillis dans sa propre famille, pas plus d’ailleurs que dans sa ville, selon le proverbe repris par Jésus affirmant que « nul n’est prophète en son pays ». Jésus parle d’ailleurs à cette occasion directement de la famille : « On ne refuse pas d’honorer un prophète, sinon dans son pays et dans sa maison (c’est-à-dire dans sa famille) » (Mt 13.57).

Si donc la famille est certainement, pour la Bible, un lieu de transmission, elle semble poser à celle-ci des problèmes spécifiques. C’est ce que nous voudrions essayer d’approfondir en commençant par ces problèmes avant de parler de la transmission de la foi.

2. La famille, lieu de toutes les transmissions

Je ne veux certainement pas dire qu’il n’y a de transmission que familiale, mais simplement qu’il y en a de toutes sortes, un peu comme on dit « lieu de tous les dangers ». Il va de soi que la famille est un lieu privilégié de transmission des traditions. Il y a énormément de choses que l’on reçoit ainsi tout naturellement, sans en avoir conscience et qui structurent notre vie : des conceptions, des valeurs, des manières de penser, etc. Il y en a beaucoup que nous recevrons et que nous reproduirons sans même y penser, tellement nous les aurons intégrées. Il en est d’autres qui nous sembleront spécifiques, liées à l’identité propre de notre famille. Selon les cas, nous saurons les accepter, voire les défendre, ou au contraire, nous nous y opposerons. Dans tous les cas, ces traditions nous formeront, et nous nous construirons avec elles ou contre elles, mais jamais sans elles. C’est dire l’importance de la famille.

Mais la difficulté, c’est que ce qui est transmis dépasse largement l’intention de celui qui transmet. Lorsque l’on parle d’un rite, d’un récit, cette transmission  peut, plus ou moins, être maintenue dans une certaine pureté. Mais lorsqu’on veut transmettre des valeurs, voire la vie chrétienne – et c’est de cela qu’il s’agit manifestement lorsque l’on parle de la foi, nous y reviendrons – les difficultés grandissent. En effet, nous transmettons d’abord à nos proches ce que nous sommes, non ce que nous souhaiterions transmettre.

Cela est vrai de plusieurs manières qui nous concernent tous et dont une au moins concerne aussi Jésus. Le problème peut en effet se situer du côté du receveur ou de celui de l’émetteur. Tout se passe comme si la trop grande proximité rendait le message flou. Lorsque quelqu’un que nous ne connaissons pas par ailleurs nous transmet un message, c’est ce message que nous écoutons. Nous nous situons devant ce qui nous est dit. Mais lorsque celui qui parle nous est bien connu comme ami, comme voisin, comme frère, comme parent ou comme enfant, la connaissance que nous avons de lui brouille le message. Nous voyons et entendons tout ce que nous savons ou pensons sur lui et cela se superpose à ce qu’il veut dire ou faire. C’est un peu comme notre mémoire visuelle : lorsque nous rencontrons quelqu’un, nous sommes ensuite souvent capables de nous souvenir assez bien de son visage. Mais qui n’a pas fait l’expérience de la difficulté de nous rappeler les traits de quelqu’un que nous connaissons de près ? Nous l’avons vu dans tellement d’attitudes différentes que les visages qu’il a pu nous présenter se superposent et nous empêchent de nous souvenir avec précision. C’est même, en cas de deuil, une source possible de culpabilité. C’est, me semble-t-il, pour cette raison qu’il est difficile d’être prophète chez soi ; il y a trop d’images fondées ou non qui empêchent de voir et d’entendre. Je crois que c’est cette difficulté qui a empêché les gens de Nazareth de voir en Jésus autre chose que le fils de ses parents, celui qui avait joué avec les gosses du village et que l’on avait vu sans doute travailler comme tout le monde. C’est certainement une difficulté que l’on peut rencontrer dans sa famille. Ce qu’il peut y avoir de spécifiquement chrétien est parfois brouillé, mêlé à mille autres aspects de la personnalité de nos proches.

Il y a une autre difficulté qui se situe, elle aussi, du côté du receveur, dans le cadre de la transmission familiale classique. Tout enfant se construit à partir de ce qu’il reçoit et parfois contre ce qu’il reçoit. Dans une certaine mesure, c’est vrai de toute croissance vers la maturité. Il faut, d’une manière ou d’une autre, trouver sa propre personnalité, différente ou au moins distincte de celle de ses parents. On trouve là une des sources de la crise d’adolescence, au moment où l’enfant est à la recherche de sa propre personnalité. Mais il faut reconnaître que certaines de ces crises durent parfois longtemps. C’est d’ailleurs d’autant plus vrai lorsque la transmission veut être imposée d’une manière autoritaire, même si c’est, comme toujours, avec beaucoup de bonne volonté. Certains, à l’inverse, se construiront, plus ou moins bien, dans la répétition. Ils accepteront les valeurs familiales, la forme de vie et les grandes convictions proposées, sans toujours y adhérer en profondeur. Il n’y aura pas de problèmes si personne ne cherche à creuser. Mais si une situation survient qui fait remonter la réalité à la surface ou plutôt la manifeste, on s’apercevra qu’en vérité, la transmission a été fictive, purement et seulement formelle. Un bon exemple pourrait être le frère aîné du fils prodigue, exemplaire tant que rien ne se passait (Lc 15.11-32), alors que son frère s’éloignait de la famille en rompant de manière assez vive avec son père. Manifestement, en surface au moins, la relation avec son père n’avait jamais connu de crise. On ne sait pas comment l’histoire a fini, mais, dans le cadre de la parabole, la transmission semble avoir été finalement plus réussie du côté du cadet – même si c’est de manière chaotique – que de celui de l’aîné. Il a pris ses distances, son indépendance, mais, en fin de compte, l’image qu’il avait gardé de sa famille – en l’occurrence de son père – lui a permis de revenir et de nouer une relation adulte vraie. C’est probablement une belle illustration de la raison pour laquelle le froid ou le bouillant semblent préférables au tiède (Ap 3.15-16). Il est probable, et l’expérience nous le montre aussi, que la manière de se comporter des parents n’a pas d’incidence automatique dans ce domaine. Tout laisse supposer que le père de la parabole a du se comporter de manière assez semblable avec ses deux fils. Leur réaction a été différente parce qu’eux même l’étaient.

Un autre problème, qui ne s’applique pas à l’exemple de Jésus, mais qui concerne cette fois notre humanité et notre faiblesse, c’est que nous transmettons avant tout ce que nous sommes avec ses limites et ses inconséquences. Combien de fois, les beaux principes que les parents prônent sont, en fait, contredits par leur comportement quotidien. Le père insiste sur les valeurs d’honnêteté et de droiture, mais ment à son employeur, fraude un peu le fisc, etc. Il critique les injustices dont il est l’objet, mais passe sa colère avec bonne conscience sur ses enfants… Incohérences secondaires, de peu d’importances aux yeux de celui qui les commet, mais qui suffisent à réduire le message à néant. Les actes, les attitudes quotidiennes disqualifient les paroles et les bonnes intentions. C’est que rien n’est plus révélateur que la proximité familiale. Et il faut oser dire qu’il existe des ambiances familiales chrétiennes qui sont de véritables contre-témoignages.

On pourrait également mentionner dans cette catégorie, l’ambivalence, voire l’ambiguïté des raisons qui nous poussent à transmettre les valeurs de l’Évangile à nos enfants. Pensons simplement au désir de les voir devenir comme nous, donc, d’une certaine manière de les voir nous approuver et prendre notre suite… Ces problèmes qui nous touchent tous dans une certaine mesure ne doivent pas nous désespérer, mais il peuvent suffire à réduire bien des efforts conscients à néant.

Ces différentes remarques suffiront sans doute à nous faire prendre conscience de la complexité de la transmission familiale. Non qu’elle n’existe pas ; au contraire, elle transmet trop, le volontaire et (surtout) l’involontaire.

3. Transmission de la foi ?

En employant cette expression, « transmission de la foi », nous nous comprenons. Mais en y réfléchissant mieux, il nous faut nous poser une autre question : la foi est-elle transmissible familialement ? Ne nous faut-il pas être plus au clair sur ce que nous transmettons et surtout sur ce qu’il est souhaitable et même possible de transmettre ? Ce qui se transmet, ce sont les habitudes, les principes, les valeurs, la mémoire, la tradition. Mais la foi ? Que dirions-nous d’une foi qui serait simple conformité à une tradition familiale ? Lorsque, comme dans l’Ancien Testament, la transmission est la mémoire d’un peuple, la conformité à une lignée et à une manière de vivre, on comprend bien que la chose est possible.

Et même là, nous voyons bien que la fidélité au Dieu de l’alliance ne va pas de soi. Mais les choses en sont-elles restées là, aujourd’hui et pour nous ? Le « moi et ma maison, nous servirons l’Éternel » est sans doute d’un autre temps à bien des égards et pas seulement pour des raisons de société. Il ne peut être compris aujourd’hui que comme prière et comme espérance, mais nullement comme certitude. Car la transmission de la foi est doublement problématique.

Nous sommes en effet dans une société pour laquelle la foi ne peut plus couler de source. La tradition que nos enfants recevront dans la famille risque fort d’entrer très vite en conflit avec bien d’autres traditions auxquelles ils seront confrontés, à l’école, dans le quartier, au cinéma, à la télévision. La transmission familiale sera ainsi en eux source de conflits, en opposition avec bien d’autres traditions aux moyens de transmission puissants, et chaque membre de la famille, chaque enfant, ne pourra que décider pour lui-même de ce qu’il fera de l’héritage reçu. N’est-ce pas d’ailleurs ce que dit Jésus lorsqu’il annonce : « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée (le glaive). Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère, et l’homme aura pour ennemi les gens de sa maison » (Mt 10.34-36). Il parle bien sûr ici de l’opposition entre la foi d’une personne et la tradition familiale hors de la foi.

Mais l’affrontement avec les traditions qui nous environnent demeure et, le péché aidant, ces affrontements peuvent, d’une certaine manière, se retrouver jusque dans les familles chrétiennes. Qui oserait encore penser que le culte de famille et l’autorité des parents suffisent pour faire un chrétien ? Nous savons tous que c’est bien souvent le contraire qui est vrai. Autrefois, il en allait peutêtre différemment, lorsque la cohésion familiale était socialement forte et surtout lorsqu’elle s’inscrivait dans une cohésion sociale plus large du groupe, du village ou de la nation. Mais la pluralité religieuse et culturelle qui est la nôtre ne peut que transformer radicalement cette perspective et reléguer l’ancienne transmission au musée de l’histoire.

L’autre question qui se pose, c’est : « devons nous regretter cette évolution de la société ? » En le faisant, n’oublierions-nous pas la nature même de la foi ? Elle relève, quelle que soit notre théologie, d’une décision personnelle, sous l’action de l’Esprit, en réponse à un message reçu, l’Évangile. Si cette réponse doit venir du cœur, au sens biblique du terme, c’est-à-dire du centre et de la profondeur de la personne, elle ne peut être simple conformité à une habitude familiale. Elle est nécessairement un acte profondément personnel que la tradition familiale peut favoriser ou, au contraire – et même dans le cas d’une famille chrétienne – rendre, bien involontairement , plus difficile. Donc, à la question : « la famille est-elle le lieu de transmission de la foi ? », ne faudrait-il pas, en toute rigueur, répondre : « peut-être non » ? Ce n’est pas la foi que la famille est appelée à transmettre (et à le penser, on s’expose à bien des déconvenues, non seulement familiales mais théologiques).

Il y a cependant bien des choses que la famille est appelée à transmettre, mais ces choses précèdent la foi, la préparent peut-être, et la suivent sans doute. Il y a d’abord la transmission d’une information qui, dans notre société est de plus en plus importante car elle ne se fait nulle part ailleurs, si ce n’est dans l’Église. Je pense aux récits bibliques, à la vie chrétienne, à la vie de l’Église. Au sens propre, à la tradition chrétienne, tous les éléments qui fondent la foi, la rendent possible et qui ont besoin d’être transmis sous peine de rendre la foi impossible ou en tout cas de la déraciner de tout un socle culturel. Tout cela peut être transmis et cette transmission est capitale. Et nous savons tous le privilège que cela peut représenter d’avoir grandi dans un certain contexte de foi et de ne pas avoir dû rompre, lors de la conversion, avec une grande partie de sa propre histoire. Privilège certainement, mais, encore une fois, risque aussi d’avoir été comme « vacciné » contre la foi par tout ce que l’on a reçu et par les pressions qui ont été exercées sur nous.

Enfin, la famille est aussi le lieu irremplaçable de la transmission d’un témoignage quotidien, de l’exemple personnel et familial d’une vie de foi, d’une vie qui se déroule, dans les bons et les mauvais jours, devant Dieu.

4. Le témoignage d’une vie familiale

Je voudrais terminer en esquissant ce qui me semble être le véritable mode de transmission familial de ce qui concerne la foi. Une famille chrétienne est donc ou devrait être un exemple de vies personnelles, conjugales et familiales chrétiennes. Qu’est-ce que cela veut dire ? Non pas une sorte d’idéal de famille chrétienne. À trop le vouloir, on en arrive parfois à se culpabiliser ou à faire semblant, et personne ne s’en rendra mieux compte que les enfants. Les parents chrétiens ne sont généralement pas plus des saints (au sens courant du terme) que leurs enfants. Une famille chrétienne est une famille de pécheurs pardonnés, en route, tant bien que mal, à la suite du Christ et de l’Évangile. C’est une famille où l’on se trompe, où on s’énerve (de manière extérieure ou rentrée mais
toujours sensible pour les proches), où on vit des conflits comme partout. Mais ce devrait être – et ce peut être – une famille où on apprend à reconnaître ses torts, à pardonner et à demander pardon, et cela avant tout parce que les parents, qui essaient d’être chrétiens, le font entre eux et à l’égard de leurs enfants. Je suis convaincu que la manière de reconnaître ses fautes et ses faiblesses, de résoudre les inévitables conflits de l’existence est plus importante et plus « parlante » que l’exemple (illusoire et hypocrite) d’une vie de famille lisse conduite par des parents « parfaits ». C’est ce qui rend la vie de famille belle et pleine d’espérance malgré toutes les difficultés que nous avons mentionnées. Ce n’est pas notre inaccessible perfection qui peut transmettre quelque chose de beau, de bon et d’utile, mais notre manière d’être « à la fois justes et pécheurs », devant Dieu et devant nos enfants, dans l’honnêteté et l’humilité.

La foi n’a surtout pas à être la règle qui est imposée et la contrainte subie, mais le cadeau dont vivent les parents, malgré toutes leurs imperfections dont personne ne se rend mieux compte que leurs enfants. Et cette foi doit être proposée, espérée, demandée à Dieu dans la prière, mais dans la conviction affirmée qu’elle ne peut être que la libre réponse qu’ils donneront quand ils le pourront, quand ils le voudront et seulement si ils le veulent. En attendant ce jour avec, s’il est possible, la même patience que Dieu manifeste à notre égard, les parents ont à être témoins de l’Évangile pour leurs enfants. Ils ne peuvent rien leur donner de plus qu’un amour inconditionnel – surtout lorsqu’ils semblent les plus éloignés de la foi – un accueil et une écoute toujours disponibles. La foi induit une confiance radicale en Dieu, bien sûr, mais aussi en eux.

La transmission du grand récit biblique et de ses éléments essentiels doit relever de la fête plus que de l’obligation. En vérité, combien de familles pratiquent-elles aujourd’hui, lorsque les enfants ont un peu grandi, le culte familial qui était autrefois courant ? Certainement fort peu, autant que je puisse en juger. C’est que les temps ont changé et que des pratiques, par le passé et dans un autre contexte, naturelles, sont aujourd’hui difficiles à vivre et semblent sonner un peu faux. Si certaines familles peuvent aujourd’hui le vivre, il faut s’en réjouir si elles sont capables d’en faire de vrais moments de partage et de joie. Mais je connais des enfants qui, même devenus adultes et chrétiens, ont eu beaucoup de difficultés à pouvoir accepter joyeusement un culte ou une prière commune dans leur propre famille tant ils se souvenaient de ce qu’ils avaient vécu comme une contrainte douloureuse. Ce risque se retrouve jusque dans certains enseignements pour les enfants dans l’Église, lorsqu’on les considère à tort comme des chrétiens, alors qu’ils ne sont que des enfants de chrétiens qui devraient d’abord comprendre l’Évangile avant de pouvoir y répondre. Et cela est vrai même de certaines Églises « de professants » dont la théologie devrait pourtant pouvoir leur éviter ce danger. C’est à chacun de discerner ce qu’il est possible de faire pour transmettre à sa famille l’espérance dont il vit. Que, dans la famille, la Bonne nouvelle soit une fête – et il est possible de nourrir les temps de fête (Noël, Pâques, etc.) de tout leur sens profond et biblique. Les souvenirs heureux s’impriment fortement et structurent le vie. Tout est possible dans ces domaines, mais tout n’est certainement pas utile. Tout est possible, mais c’est à chacun de discerner ce qui sonnera juste en fonction des enfants, de leur âges et de leurs attitudes. Que les parents vivent leur foi aussi librement et aussi pleinement que cela est possible, mais en évitant comme la peste tout ce qui serait plaqué sur leurs enfants et qui leur serait imposé. On entrerait alors dans le contre-témoignage et le vaccin qui empêche la foi ou dont il faut bien des efforts aux enfants devenus grands et au Saint-Esprit pour y remédier.

5. La confiance et l’espérance

Je voudrais terminer en rappelant que la famille est une merveilleuse création. Si la foi demeure un mystère entre chacun et Dieu, la famille peut transmettre bien des choses magnifiques. Elle montre d’abord qu’il est possible de vivre autrement que ceux qui n’adorent que l’argent et la télé ; elle montre, par l’exemple, qu’il est possible d’être aimé et d’aimer, de faire confiance à l’autre, de reconnaître ses fautes et de se réconcilier. Ce qu’elle rend visible, c’est la vie chrétienne grandeur nature et « en vrai », avec ses beautés et ses difficultés.

Lorsque, ensuite, un enfant entre lui-même dans cette foi et la fait sienne, il n’y a sans doute pas de plus grande joie. Mais si parfois, certains, comme le fils prodigue, s’éloignent de la foi et de l’Évangile, nous n’avons jamais le droit de ne plus espérer. Dieu doit parfois supporter et peut-être susciter maints détours avant que nous revenions à lui. Et, rappelez-vous, après tout ce que j’ai dit sur la famille de Jésus et ses difficultés à croire en lui, que dans la chambre haute où les disciples attendaient la venue de l’Esprit saint, « Tous, d’un commun accord, étaient assidus à la prière, avec des femmes, Marie, mère de Jésus, et les frères de celui-ci » (Ac 1.14).

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