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L'ONU : ennemi juré des religions qui ne professent pas sa morale relativiste

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De Paul Tardif sur le site de l'Homme Nouveau :

La liberté de religion contre la liberté de religion

La liberté de religion contre la liberté de religion

Si la critique de la morale stricte qu'imposeraient les religions est un lieu commun, on parle moins du manque absolu d'indulgence des instances internationales à l'égard de ce qu'elles considèrent comme bon ou mauvais. L'ONU excelle en la matière, premier fournisseur mondial de rapports sur les libertés et l'égalité, soi-disant défenseur ardent de la liberté religieuse mais ennemi juré des religions qui ne professent pas sa morale relativiste.  

Nommé en 2016 rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, Ahmed Shaheed a publié le 27 février 2020 un rapport sur la liberté religieuse à l’occasion des sessions de l’ONU sur la promotion et la protection de tous les droits de l’homme[1]

Ce rapport de 19 pages est construit autour de deux idées majeures. Tout d’abord, il cherche à démontrer que les religions favorisent les discriminations et les violences en tout genre envers les femmes et les LGBTQ+ (sic). Sans distinction ni catégorisation, « l’opium du peuple » serait donc responsable des mutilations génitales, des lapidations pour adultères et des « entraves à l’avortement ». C’est bien connu : quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Le rapport évoque indistinctement les « religions » ou les « convictions » mais jamais l’islam, le catholicisme ou le protestantisme ne sont clairement nommés, ce qui donne une impression que les toutes les religions se valent dans un cloaque indifférencié. La théorie du complot fonctionne également à plein dans les officines internationales et nous apprenons que les religions pourraient dans certains pays agir impunément soit parce qu’elles infiltrent les organes politiques, soit parce qu’elles bénéficient d’une influence idéologique sur la population. Puis Ahmed Shaheed affirme que les religions ne sont pas monolithiques et si certains groupes soutiennent les discriminations, d’autres au contraire peuvent être de puissants alliés pour favoriser « l’égalité des genres ». Il préconise un soutien actif des Nations-Unies envers ces groupes et ces initiatives. Un certain nombre d’exemples sont donnés comme celui de #Faith4Rights, cette organisation issue de l’ONU, qui vise à former les responsables religieux à l’égalité et à la diversité pour qu’ils en deviennent ensuite des apôtres auprès de leurs communautés.

Ce rapport est évidemment un pur produit du « progressisme » des institutions supranationales qui veulent imposer leurs conceptions aux Etats souverains. Mais l’institution monte la pression d’un cran en s’attaquant directement aux religions. Dans une ambiance très orwellienne, le rapporteur met en avant à plusieurs reprises ce qu’il appelle la « bonne » conception de la liberté de religion (« The right freedom of religion »). En fait ce sont les croyants qui doivent bénéficier de la liberté au sein même de leur propre religion, de telle sorte qu’ils ne soient pas discriminés à cause de leur orientation sexuelle ou de tel ou tel comportement moral[2]. Cette « bonne » conception s’oppose donc à la conception classique qui veut que les religions soient libres de toute influence externe. Et de dénoncer certains lobbyistes : « D’autres acteurs des Nations-Unies […] ont rapporté les activités de groupes très bien coordonnées qui détournent l’idée de liberté de religion […] dans les media […] pour lutter contre les droits de l’homme au nom de la religion ». L’ECLJ fait surement partie de ces très méchants. Il est vrai que cette conception ancienne de la liberté de religion laissait encore la possibilité à celles-ci d’avoir un enseignement moral. Mais ce n’est plus possible aujourd’hui, surtout si cet enseignement va contre les droits des femmes ou des LGBTQ+. A l’ancienne conception de la liberté de religion qui permettait aux religions de prôner qu’il y a un bien et un mal, il faudrait donc substituer une nouvelle conception de cette liberté, à savoir celle de tout individu de pratiquer sa religion comme il l’entend. L’air de rien, il est tout bonnement requis des religions qu’elles fassent siennes le relativisme des institutions supranationales. 

Mais comment opérer un tel retournement ? Ahmed Shaheed donne une liste de 15 recommandations pour les Etats, les religions et l’organisation des droits de l’homme aux Nations-Unis. Aux Etats, le rapporteur demande explicitement de favoriser la culture LBGT au sein des religions tout en réclamant l’abrogation des lois qui protègent les droits des religions. Car si l’autonomie de la religion existe au for interne, en revanche elle ne doit plus exister au for externe et peut donc être réduite en cas de manquement. Et de s’appuyer sur l’article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques qui donne la possibilité aux Etats de limiter la liberté de religion en cas d’atteinte à la sécurité publique, à la santé - on connait bien la chose en ce moment - et plus important aux « droits fondamentaux ». A quand donc l’interdiction et/ou les sanctions contre l‘église catholique si elle persévère à affirmer l’immoralité de certains comportements. Cette nouvelle étape dans le progrès du totalitarisme est annoncée, tenons-nous prêts !

Il est prévisible que ce rapport n’aura que peu d’impact auprès de l’islam. En revanche, il est à craindre que ces idées rencontrent un écho favorable dans nos sociétés occidentales, même si le maintien du pluralisme (les bons, les méchants) a cette vertu qu’il permet d’identifier l’ennemi et d’en faire un repoussoir. Quant à l’Eglise, il est possible que cette pression grandissante ravive des débats internes dans certaines conférences épiscopales puisqu’il s’agirait finalement d’appliquer la liberté religieuse au sein même du corps des croyants en acceptant le pluralisme dans l’Eglise. Un retournement en quelque sorte de la déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis Humanae qui s’appliquerait désormais aux croyants et qui aurait pour conséquence d’institutionnaliser la fin du magistère. Mais sommes-nous si loin de ce dont rêvent nos progressistes apatrides ? Avec un magistère qui n’est (pas trop) contredit et une excroissance du pastoral qui finit par tolérer voire légitimer tous les types de comportements, la mécanique est en œuvre pour répondre aux desiderata du monde. Evidemment, il faut reculer parfois de deux pas pour pouvoir avancer d’un. Il faut laisser dire et faire ceux qui veulent avancer plus vite sur la voie du progrès tout en évitant de choquer les plus identitaires. Pour ces derniers il faut éviter de passer par le magistère en mettant en avant l’excuse du pastoral qui permet que chacun s’y retrouve en interprétant les choses à la lumière de la tradition. Toute ressemblance avec des faits réels ne serait que pure et fortuite coïncidence ! 


[1] Human Rights Council (Forty-third session): promotion and protection of all human rights, civil, political, economic, social and cultural rights, including the right to development 

[2] « Pour les femmes et les LGBT+, réaliser la liberté religieuse revient à réaliser leur liberté et leur égalité au sein de la religion. Le rapporteur spécial affirme que la capacité des femmes, des jeunes filles, des minorités sexuelles à appartenir à une croyance de leur choix sans être discriminée est vital pour réaliser leur droit à la liberté de religion ou de croyance de même que leur droit à être exempt de discrimination sexuelle »

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