D'Antoine Pasquier sur le site de l'hebdomadaire "Famille chrétienne" :
Correction filiale : « les accusations d’hérésie ne sont pas fondées »
Le texte (voir ici) a fait grand bruit. Dans une correction filiale adressée au pape François le 11 août, rendue publique le 24 septembre, un groupe de laïcs, de clercs et de théologiens l’accuse de propager sept hérésies avec son exhortation Amoris Lætitia. Ces accusations sont-elles fondées ? Amoris Lætitia porte-t-elle atteinte au magistère de l’Église ? Éléments de réponses du père Thomas Michelet op., professeur à l’Angelicum, l’Université Pontificale Saint-Thomas d’Aquin à Rome.
La correction filiale affirme que le pape François a propagé sept hérésies. Il s’agit d’une accusation grave. Est-ce une première ?
N’exagérons rien. Ce n’est pas la première fois que des chrétiens accusent le pape d’hérésie. C’est même habituel de la part de groupes schismatiques, ou en passe de le devenir, qui justifient ainsi leur rupture.
Dans le cas d’Amoris Lætitia, il y avait déjà eu en juin 2016 un texte de 45 signataires auquel celui-ci fait d’ailleurs référence. Il dressait une liste de 19 propositions assorties de censures : 11 jugées hérétiques et contraires à la Révélation (scandalosa, prava, perversa, perniciosa, impia, blasphema, etc.) ; d’autres tombant sous des qualificatifs moins graves (contraires à la foi, téméraires, ou simplement fausses). La presse s’en était fait un peu l’écho à l’époque, puis on n’en a plus du tout parlé. C’est retombé comme un soufflé.
Le présent texte constitue une sorte de relance, 18 des premiers signataires étant les mêmes. Pour l’instant, il semble avoir plus de succès. Peut-être est-ce dû à un « choc de simplification » : de onze hérésies, on passe à seulement sept (excusez du peu !) Il y a la force du symbole, le chiffre sept ayant des résonances apocalyptiques. Sans doute aussi le fait qu’il s’agit d’une pétition que l’on peut signer sur un site internet dédié (233 signataires à ce jour). Mais souvenons-nous qu’une « supplique au pape François en vue du Synode » à l’initiative du cardinal Burke avait recueilli en 2015 près de 500 000 signatures…
On pourrait se laisser impressionner par la qualité des signataires, souvent des autorités académiques ou civiles, ou des pasteurs. Mais à y regarder de plus près, il ne s’y trouve aucun théologien de renom, aucun évêque en poste. Les fameux dubia des quatre cardinaux étaient autrement plus sérieux, s’agissant de proches collaborateurs du pape. Accuser le pape d’hérésie, c’est évidemment grave. Mais ça le serait beaucoup plus si ces accusations étaient fondées ; ce qui n’est pas le cas.
Le pape a-t-il « directement ou indirectement approuvé les croyances selon lesquelles l’obéissance à la loi de Dieu peut se trouver être impossible ou non souhaitable » comme le laisse entendre la correction ?
L’Abbé Guillaume de Tanoüarn, de l’Institut du Bon Pasteur, déclarait récemment sur les ondes : « Tout cela me semble disproportionné et déplacé. Le pape est le pape […] Je n’ai jamais vu sous sa plume, ou entendu dans sa prédication, la moindre chose qui puisse ressembler à une hérésie. En réalité, on juge un silence. […] On peut contester les raisons pour lesquelles le pape garde le silence, mais on ne peut pas de ce silence tirer une hérésie. Cela ne me semble pas logique. »