Lu sur le site du mensuel "La Nef"
"Depuis avril le territoire de Hong Kong, qui a été intégré à la République populaire de Chine en 1997, connaît des manifestations considérables pour préserver son statut spécial. Le gouvernement communiste de Pékin menace d’intervenir militairement pour « rétablir l’ordre ». Par ailleurs, le 28 juin dernier, près d’un an après le fameux Accord qui demeure secret, le Saint-Siège a publié des Orientations pastorales pour aider le clergé chinois à se déterminer face aux exigences de l’administration civile. Yves Chiron a été à Hong Kong à la mi-juillet et y a rencontré le cardinal Joseph Zen (87 ans), salésien, évêque émérite de Hong Kong depuis 2009. Il a été créé cardinal par Benoît XVI en 2006. Entretien exclusif.
La Nef – Quel bilan peut-on faire de l’Accord Provisoire entre la Chine et le Saint-Siège, une année après sa signature ? La situation a-t-elle vraiment changé ?
Cardinal Joseph Zen – La situation a changé, il est vrai. Mais elle est terrible, parce que l’Accord est secret. Les fidèles ne savent pas quel en est le contenu. Ce que l’on sait de l’Accord est limité à la nomination des évêques. Or le gouvernement chinois dit à tout le monde (évêques, prêtres et fidèles) qu’il faut sortir de la clandestinité et demande aux prêtres et aux évêques de s’enregistrer auprès des autorités civiles parce que le pape est d’accord. Il y a donc une grande confusion. Le gouvernement dit au clergé catholique : « Vous n’avez plus de raison de rester dans la clandestinité. Il faut passer dans l’Église officielle. » C’est une nouvelle persécution, plus grave que la précédente. Ce que le gouvernement tolérait précédemment, il ne l’autorise plus. Dans une grande ville comme Shanghai [ville dont est originaire le cardinal Zen, ndlr], il n’y a plus de possibilité d’assister à une messe du dimanche qui ne soit pas célébrée par un prêtre enregistré auprès des autorités civiles.
Le Saint-Siège estime que l’Accord Provisoire a reconnu « le rôle particulier du Successeur de saint Pierre ». Mais on ne sait pas si la formule est dans le texte.
J’en doute. C’est impossible, selon moi. Tant que je n’aurai pas vu le texte de l’Accord, je ne croirai pas que le gouvernement chinois ait accepté une telle formule. Peut-être est-il dit que dans la nomination des évêques il faut tenir compte de l’avis du pape, mais je ne crois pas qu’une formule aussi claire ait été employée. Le gouvernement communiste ne peut admettre que l’Église catholique soit sous la seule autorité du pape.
Le Saint-Siège a publié le 28 juin dernier des Orientations pastorales à propos de l’enregistrement civil du clergé en Chine. Ces directives sauvegardent la conscience des prêtres chinois qui ne sont pas obligés de s’enregistrer auprès des autorités civiles et qui peuvent le faire moyennant des restrictions écrites ou orales. Ces directives vous semblent-elles suffisantes ?
D’abord, il n’est pas vrai que ce texte respecte les consciences de façon égale. Le Saint-Siège – le texte n’est pas signé – légitime, justifie ceux qui acceptent de souscrire au document exigé du gouvernement. Ceux qui acceptent de signer sont, selon le Saint-Siège, dans la « normalité ». En revanche, la clandestinité est considérée comme une voie « anormale » et le Saint-Siège ne fait que tolérer que les prêtres qui ne veulent pas s’enregistrer auprès des autorités ne le fassent pas.
D’autre part, respecter la conscience est un principe vrai. Mais le Saint-Siège ne doit pas seulement respecter la conscience, il doit aussi guider la conscience. Une conscience erronée est dans l’erreur.
Une chose qui est bonne ne peut pas être considérée comme « anormale » et une chose mauvaise ne peut pas être permise, sinon c’est la ruine de la conscience. On ne peut signer un texte qui est contraire à la doctrine de l’Église, sinon c’est l’apostasie. Comme dans le film Silence sur les persécutions au Japon au XVIIe siècle.