De Kévin Boucaud-Victoire sur Marianne.net :
Covid-19 : "Cette crise sanitaire, qui deviendra économique, risque de marquer une génération"
03/06/2020
Dans Enfants de la déconstruction (éditions Marie B), Jérémie Cornet et Paul Melun décrivent une génération née à "l'abri" des grandes idéologies et confrontés à des défis inédits, comme la mondialisation, la numérisation du monde, la hausse de la précarité ou la crise écologique.
Marianne : Qui sont les "enfants de la déconstruction" ?
Jérémie Cornet et Paul Melun : Les "enfants de la déconstruction" sont une génération, à laquelle nous appartenons, qui a grandi en Occident à la fin des années 1990 et dans les années 2000. Elle incarne ce pont entre un monde de relations directes entre individus et l’entrée du digital dans nos vies. Nous pensons que dresser le portrait des moins de trente ans, les observer, c’est ouvrir une fenêtre sur notre avenir pour les prochaines décennies. Ce sujet est d’autant plus intéressant pour nous que la situation aujourd’hui nous semble particulièrement préoccupante. La déconstruction, école de pensée des années 1960, influence de façon puissante et insidieuse les nouvelles générations, sans que celles-ci n’en aient pleinement conscience.
A travers ses désirs de liberté et de consommation, d’affranchissement des valeurs morales et de rejet du passé, la jeunesse en France et en Occident s’incarne totalement dans les valeurs Nord-américaines et postmodernistes du siècle dernier. La révolution technologique vient porter l’ultime pierre à cet édifice en consacrant l’individu roi, tourné vers son bon plaisir, comme le nouveau modèle du bonheur. Une ambition tant néfaste qu’impossible à assouvir. Dans le livre, nous déplorons par exemple les malheurs d’une jeunesse admiratrice des vies factices d’influenceurs du web, face auxquels leur quotidien semble si banal, si triste et les nervures psychologiques qui se créent. En effondrant les structures traditionnelles (la famille, la tradition, les religions, la nation…), les penseurs de la déconstruction, ont ouvert une brèche dans laquelle s’est engouffré le marché. Celui-ci a savamment amalgamé la liberté de vivre à la liberté de consommer. Aujourd’hui l’échec du capitalisme mondialisé est patent ; il nous laisse seuls face à une catastrophe écologique et humaine que l’individualisme de notre époque paraît incapable de résoudre.