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Europe - Page 8

  • Haut-Karabakh : l'insuffisance des déclarations de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

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    De Thibault van den Bossche (ECLJ) :

    Conflits d'intérêts à la CEDH

    Madame, Monsieur,

    L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe entrevoit le nettoyage ethnique des Arméniens du Haut-Karabakh, mais laisse le temps à l’Azerbaïdjan de « remédier à la situation » avant d’envisager de demander sa suspension du Conseil de l’Europe. De déclarations beaucoup trop faibles...

    Les forces russes de maintien de la paix n’ont pas empêché l’agression du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan. La quasi-totalité des 120 000 Arméniens encore présents au Haut-Karabakh ont dû fuir leur patrie, dans un exode forcé par les souvenirs du génocide de 1915 et des pogroms des années 1980 et 1990.

    Près de 700 000 Azerbaïdjanais qui avaient été déplacés lors du conflit des années 1990 peuvent désormais prétendre venir dans le Haut-Karabakh, ajoutant au nettoyage ethnique des Arméniens le remplacement de leur population.

    Dans sa résolution 2517 (2023) adoptée le jeudi 12 octobre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) reconnait à demi-mot la portée de « cet exode tragique de presque toute une population de sa patrie ancestrale », donnant lieu à « des allégations et à des suspicions raisonnables de nettoyage ethnique ».

    Les vœux pieux de l’APCE pour protéger les Arméniens du Haut-Karabakh

    L’APCE appelle l’Azerbaïdjan à « assurer un climat de confiance et des conditions matérielles satisfaisantes pour que les Arméniens de cette région puissent retourner dans leur patrie ». Elle prend acte de ses promesses « que les droits et les libertés des résidents arméniens seraient garantis ». Elle lui demande également d’ « étendre sa protection au patrimoine culturel arménien de la région ».

    Il faudrait bien plus que des promesses du pays agresseur pour rassurer ses victimes. Certes, l’ONU a déployé une mission sur place « pour la première fois en trois décennies, avec pour objectif d’évaluer les besoins humanitaires dans la région ». Que ne l’eût-elle pas fait plus tôt ! L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et en particulier le groupe de Minsk, ainsi que l’UNESCO, ont aussi leur rôle à jouer.

    L’Arménie, caillou dans la chaussure d’Erdogan

    Tout laisse à croire que les Arméniens ne reviendront jamais et que leur patrimoine, marque de leur présence plurimillénaire dans la région, sera systématiquement détruit. Ce fut le cas au Nakhitchevan, exclave azérie située entre les frontières actuelles de la Turquie, de l’Arménie et de l’Iran, ou plus récemment dans les parties du Haut-Karabakh reprises par l’Azerbaïdjan en 2020, et où plus aucun Arménien n’habite.

    Les régulières déclarations irrédentistes et incendiaires du président azéri llham Aliyev menacent très explicitement l’intégrité territoriale de l’Arménie. L’APCE en a conscience, citant expressément « le contexte d’une éventuelle liaison de transport reliant le Nakhitchevan ». Le vieux projet panturc du corridor de Zanguezour, qui permettrait une continuité territoriale entre l’Azerbaïdjan et la Turquie en amputant à l’Arménie le sud de son territoire, se concrétise peu à peu.

    La nécessité d’une mission d’enquête du Conseil de l’Europe en Azerbaïdjan

    Le régime dictatorial et népotique du président Ilham Aliyev muselle l’opposition politique et les médias, bafoue les droits de l’homme, dans un climat général de corruption aux niveaux national comme européen. Lors du débat à l’APCE, le député Paul Gavan s’interrogeait : « si c’est ainsi qu’Aliyev traite son propre peuple, comment à votre avis traitera-t-il la population arménienne ? ».

    L’Azerbaïdjan, par sa diplomatie du caviar, pratique massivement la corruption au sein des instances du Conseil de l’Europe, et de réelles sanctions contre lui tardent à venir. Le député Pieter Omtzigt n’a pu que constater le dysfonctionnement du Conseil de l’Europe : « aujourd’hui, nous ne parvenons pas à prendre des mesures décisives lorsqu’une région entière fait l’objet d’un nettoyage ethnique ».

    Dans sa recommandation 2260 (2023) adoptée le jeudi 12 octobre, l’APCE demande au Comité des Ministres une « mission d’enquête du Conseil de l’Europe en Azerbaïdjan dès que possible, dans le but d’évaluer et de définir les mesures qui devraient être mises en place pour protéger les droits des Arméniens de cette région, y compris de ceux qui ont cherché refuge à l’extérieur du pays, et pour assurer le retour en toute sécurité de ceux qui le souhaitent. »

    La dictature azérie doit être suspendue du Conseil de l’Europe

    Selon l’APCE, « il n’est pas trop tard pour que l’Azerbaïdjan remédie à la situation et fasse la preuve de ses intentions à l’égard de la population arménienne du Haut-Karabakh ». Cependant, elle appelle d’ores et déjà le Comité des Ministres « à envisager d’engager la procédure complémentaire conjointe » contre l’Azerbaïdjan, procédure qui peut aller jusqu’à sa suspension et son exclusion, suivant en cela la demande de l’ECLJ.

    Si l’Azerbaïdjan ne remplit pas ses obligations, l'Assemblée dit n’avoir d’autre choix que « de contester les pouvoirs de la délégation azerbaïdjanaise lors de la première partie de sa session de 2024.». Un député conservateur nous confiait cependant que, travaillant sur des objectifs communs avec des députés azéris, il ne se voyait pas demander la suspension de l’Azerbaïdjan du Conseil de l’Europe et perdre ainsi des collègues au sein de son groupe.

    Face à ce manque de courage politique pour sanctionner un génocide ethnique, l'ECLJ lance aujourd'hui une pétition pour l'exclusion de l'Azerbaïdjan du Conseil de l'Europe. 

    Cette pétition sera envoyée au bureau de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et viendra en soutien de l'actuelle procédure.

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  • Pays-Bas : le nombre d’avortements augmente de 15% en 2022

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    Une synthèse de presse de gènéthique.org :

    Pays-Bas : le nombre d’avortements augmente de 15% en 2022

    13 octobre 2023

    Selon un rapport de l’Inspection néerlandaise de la santé et de la protection de la jeunesse (IGJ) publié le 12 octobre, le nombre d’avortements a augmenté de près de 15% en 2022 (cf. Pays-Bas : un nombre d’avortements en augmentation constante depuis 1990). Au total 35.606 avortements ont été recensés après une baisse en 2020 et 2021 (cf. Avortement : les Pays-Bas suppriment le délai de réflexion).

    L’augmentation est la plus forte parmi les femmes âgées de 30 à 35 ans, puis chez les 25-30 ans. Chez les adolescentes, le taux d’avortements a augmenté de 13%.

    Parmi les femmes qui ont eu recours à l’avortement en 2022, 9,2% d’entre elles étaient d’origine étrangère.

    Aux Pays-Bas, le recours à l’avortement est autorisé jusqu’à 24 semaines de grossesse et au-delà pour des raisons médicales, par exemple si le fœtus n’est pas jugé viable.

    Source : NL Times (12/10/2023)

  • Le Synode serait-il aveugle face à l'extinction de la foi dans de vastes régions de la terre et particulièrement en Italie?

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    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso (traduction de Diakonos.be) :

    Le synode parle tout seul. En attendant, en Italie, deux jeunes sur trois ne croient plus en Dieu

    Il y a un gouffre entre les questions débattues parmi les trente-cinq tables du synode sur la synodalité – si l’on s’en tient aux comptes-rendus officiels – et à ce qui se passe au-delà des murailles léonines, dans la vie réelle, à « notre époque où dans de vastes régions de la terre la foi risque de s’éteindre comme une flamme qui ne trouve plus à s’alimenter ».

    Cette citation est de Benoît XVI, dans la mémorable lettre qu’il a envoyée aux évêques le 10 mars 2009.

    « En ce moment de notre histoire – écrivait ce pape – le vrai problème est que Dieu disparaît de l’horizon des hommes et que tandis que s’éteint la lumière provenant de Dieu, l’humanité manque d’orientation, et les effets destructeurs s’en manifestent toujours plus en son sein. »

    D’où, ce qu’il identifiait comme « la priorité qui prédomine » pour l’Église tout entière et en premier lieu pour le successeur de Pierre : « rendre Dieu présent dans ce monde et ouvrir aux hommes l’accès à Dieu. Non pas à un dieu quelconque, mais à ce Dieu qui a parlé sur le Sinaï ; à ce Dieu dont nous reconnaissons le visage dans l’amour poussé jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1) – en Jésus Christ crucifié et ressuscité ».

    De cette « priorité », on ne trouve nulle trace dans le synode. Et cela au moment même où sortent les résultats d’un sondage qui révèle un véritable effondrement de la religion catholique en Italie, la nation dont le Pape François est le primat.

    Cette enquête a été lancée par la revue « Il Regno », une voix attitrée du catholicisme progressiste italien, et elle a été présentée le 6 octobre à Camaldoli, dans le célèbre monastère bénédictin, par Paolo Segatti, professeur de sociologie politique à L’Université de Milan, et par Arturo Parisi, un grand analyste du catholicisme italien qui a pendant de nombreuses années enseigné cette même discipline à l’Université de Bologne et qui a également été député et ministre de la Défense entre 2006 et 2008.

    Une enquête identique avait déjà été lancée par « Il Regno » en 2009. Et c’est en comparant l’une avec l’autre que l’extinction progressive de la foi en Italie apparaît clairement.

    Quand on leur demande à quelle religion ils appartiennent, en quatorze ans, ceux qui se déclarent catholiques sont tombés de 81,2% à 72,7%, tout comme les adhérents à d’autres confessions chrétiennes, orthodoxes ou protestante, qui tombent quant à elles de 11,7% à 7,9%.

    À l’inverse, le nombre de ceux qui se disent non-croyants ou athées est passé de 6,2% à 15,3%.

    Jusque-là, le déclin de la religion est notable, mais on ne peut pas encore parler d’effondrement. Mais quand on leur a posé des questions plus précises sur leur foi, ceux qui ont déclaré croire en Dieu ne sont plus que 57% contre 72% en 2014, tandis que ceux qui ne croient manifestement pas en Dieu sont désormais 36% contre 26% en 2014.

    Cela signifie qu’une bonne partie de ceux qui se déclarent encore catholiques ne croit plus en Dieu.

    La pratique religieuse reflète naturellement ce déclin de la foi. Le nombre de ceux qui déclarent se rendre à l’Église tous les dimanches est tombé de 28% à 18%. Le nombre de ceux qui y vont deux ou trois fois par mois de 16% à 10% ; une fois par mois de 14% à 9%. (Mais il faut tenir compte d’une autre enquête récente d’Euromedia Research qui a révélé que seuls 13,8% des italiens va encore à la messe le dimanche).

    À l’inverse, le nombre de ceux qui ne vont à l’Église que deux ou trois fois par an est passé de 23% à 26% et le nombre de ceux qui n’y vont jamais a grimpé de 19% à 37%.

    Mais les données les plus impressionnantes sont celles qui analysent la pratique religieuse et la foi en Dieu par tranche d’âge.

    Parmi ceux qui vont à l’église chaque dimanche, la chute est forte pour ceux qui sont nés avant 1945 et plus modérée pour la génération intermédiaire. Mais parmi ceux qui sont nés après 1980, la présence à la messe du dimanche s’est désormais effondrée à 7%.

    Et la chute de ceux qui ont la foi en Dieu est encore plus marquée, puisqu’ils ne représentent plus que 50% de ceux qui sont nés dans les années quatre-vingt et encore moins, c’est-à-dire 37% de ceux qui sont nés après 1990.

    Si l’on revient à ces 15,3% d’italiens qui se déclarent explicitement non-croyants ou athées, le détail selon le sexe et l’âge fournit ici encore des données impressionnantes.

    Chez les hommes, le pourcentage s’élève désormais à 22,5% en moyenne pour toutes les tranches d’âge.

    Mais pour les hommes nés dans les années quatre-vingt, on passe à 32%, et pour ceux nés après 1990, à 35%.

    Tandis que chez les femmes de ces mêmes classes d’âge, ces mêmes chiffres s’envolent à 23% et 31%.

    Si tel est le langage cru de la réalité, dans une nation telle que l’Italie qui au début de ce millénaire était encore considérée comme une grande « exception » catholique à la sécularisation régnant en Occident, on ne peut qu’espérer que le synode en cours commence au moins à l’écouter.

  • Pour Amin Maalouf, nous marchons comme des somnambules vers un affrontement planétaire

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    D'Alexandre Devecchio sur le site du Figaro via artofuss.blog :

    Amin Maalouf: «Nous marchons comme des somnambules vers un affrontement planétaire»

    4 octobre 2023

    EXCLUSIF – Dans son dernier livre, Le Labyrinthe des égarés (Grasset), dont Le Figaro publie en exclusivité les bonnes feuilles, le nouveau secrétaire perpétuel de l’Académie française livre une méditation puissante et angoissée sur le devenir du monde en même temps qu’une magistrale leçon d’histoire.

    La guerre entre la Russie et l’Ukraine témoigne du déclin relatif de l’Occident et n’est peut-être que le premier chapitre d’un affrontemententre les États-Unis et la Chine , analyse Amin Maalouf. L’écrivain remonte aux sources de ce nouveau conflit en retraçant l’histoire de trois pays qui ont chacun tenté de remettre en cause la suprématie globale de l’Occident: le Japon impérial, la Russie soviétique et enfin la Chine qui constitue aujourd’hui le principal «challenger» de la superpuissance planétaire américaine. En revisitant ces deux derniers siècles, Maalouf met en lumière les causes profondes des conflits en cours et alerte quant au risque d’une troisième guerre mondiale potentiellement beaucoup plus dévastatrice que les deux précédentes. Il appelle l’Europe et les États-Unis à construire enfin un système international dans lequel l’humanité entière pourrait se reconnaître.


    Le déclin de l’Occident ?

    Est-ce vraiment le déclin de l’Occident que nous avons aujourd’hui sous les yeux ? Cette interrogation n’est évidemment pas neuve, elle revient de façon récurrente depuis la Première Guerre mondiale ; le plus souvent, d’ailleurs, sous la plume des Européens eux-mêmes. Ce qui n’a rien de surprenant, puisque les puissances du Vieux Continent ont effectivement connu un « déclassement » par rapport au rang qu’elles tenaient dans le monde au temps des grands empires coloniaux. Cependant, une bonne partie de leur prépondérance perdue a été « récupérée » par cette autre puissance occidentale que sont les États-Unis d’Amérique.

    La grande nation d’outre-Atlantique s’est hissée à la première place il y a plus de cent ans ; c’est elle qui s’est chargée de barrer la route à tous les ennemis de son camp ; et à l’heure où j’écris ces lignes, elle conserve sa primauté – par sa puissance militaire, par ses capacités scientifiques et industrielles, comme par son influence politique, culturelle et médiatique dans l’ensemble de la planète. Serait-elle aujourd’hui sur le point de tomber, elle aussi, de son piédestal ? Serions-nous en train d’assister au déclassement de l’Occident tout entier, et à l’émergence d’autres civilisations, d’autres puissances dominantes ? À ces questions, qui reviendront forcément hanter nos congénères tout au long de ce siècle, j’apporterai, pour ma part, une réponse nuancée : oui, le déclin est réel, et il prend parfois les allures d’une véritable faillite politique et morale ; mais tous ceux qui combattent l’Occident et contestent sa suprématie, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, connaissent une faillite encore plus grave que la sienne.

    Si aucune nation, aucune communauté humaine, aucune aire de civilisation ne possède toutes les vertus ni ne détient toutes les réponses ; si aucune n’a la capacité ni le droit d’exercer sa domination sur les autres […] ne devrions-nous pas repenser en profondeur la manière dont notre monde est gouverné, afin de préparer, pour les générations futures, un avenir plus sereinAmin Maalouf

    Ma conviction, en la matière, c’est que ni les Occidentaux, ni leurs nombreux adversaires ne sont aujourd’hui capables de conduire l’humanité hors du labyrinthe où elle s’est fourvoyée. On ne peut que s’angoisser de cet égarement généralisé, de cet épuisement du monde, de cette incapacité de nos différentes civilisations à résoudre les problèmes si épineux auxquels notre planète doit faire face. J’aime à croire, néanmoins, que cette appréhension que j’éprouve, et que beaucoup d’autres ressentent, sous tous les cieux, finira par susciter une prise de conscience salutaire. Si aucune nation, aucune communauté humaine, aucune aire de civilisation ne possède toutes les vertus ni ne détient toutes les réponses ; si aucune n’a la capacité ni le droit d’exercer sa domination sur les autres, et qu’aucune, non plus, ne veut être soumise, rabaissée ni marginalisée ; ne devrions-nous pas repenser en profondeur la manière dont notre monde est gouverné, afin de préparer, pour les générations futures, un avenir plus serein, qui ne soit pas fait de guerres froides ou chaudes, ni de luttes interminables pour la suprématie ?

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  • Le Parlement européen reconnaît la GPA comme une forme de traite des êtres humains

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    De gènéthique.org :

    Le Parlement européen reconnaît la GPA comme une forme de traite des êtres humains

    5 octobre 2023

    La commission des droits des femmes et de l’égalité des genres et la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen ont voté un « projet de position sur des règles révisées pour lutter contre la traite des êtres humains et aider les victimes »[1]. Le texte a été adopté par 69 voix pour. Aucun député n’a voté contre, 22 se sont abstenus. Cette directive qui reconnaît que la GPA peut être associée à l’exploitation des femmes est désormais soumise au trilogue sans passer par un vote en séance plénière (cf. Parlement européen : la GPA en débat ?).

    « Les nouvelles propositions donneraient aux services répressifs de l’UE de nouveaux outils pour démanteler les organisations criminelles en ajoutant de nouvelles catégories de crimes, y compris le mariage forcé et l’adoption illégale », indique le communiqué du Parlement. Les députés ont souhaité « inclure dans le champ d’application de la loi la gestation pour autrui à des fins d’exploitation reproductive ».

    Alors que la maternité de substitution reste interdite dans plusieurs pays de l’UE, les différentes législations des autres nations de l’Union créent une incohérence réglementaire sur cette question. L’année dernière, une proposition de règlement de la Commission européenne visait à « la reconnaissance de la parentalité entre Etats membres dans les situations familières transfrontalières ». Ce qui obligerait les Etats interdisant la gestation par autrui à s’adapter à ceux qui l’autorisent (cf. GPA : le Sénat s’oppose à la Commission européenne). Entre traite des êtres humains et généralisation de la GPA, quelle est la position de l’Union ?

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    [1] La proposition vise à modifier la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, ainsi que la protection des victimes (2022/0426(COD))

  • Haut Karabagh : la honte pour l'Europe

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    De Maxime Tandonnet sur son blog :

    Haut Karabagh, une honte européenne

    Une épuration ethnique est en cours au Haut Karabagh avec plus de 100 000 réfugiés qui ont dû fuir les massacres, les viols, la torture, à la suite de l’invasion de cette enclave arménienne par l’Azerbaïdjan. Mais cette fois, l’Europe des droits de l’homme a fait quasi silence, a lâchement fermé les yeux en dehors de quelques coups de menton ou communiqués verbeux. Mais il y a pire. C’était il y a un an, le 18 juillet 2022, Mme Ursula Von den Layen présidente de la Commission européenne rencontrait à Bakou le dictateur et bourreau des Arméniens, Ilham Aliev et se pavanait devant les caméras de télévision en signant un accord gazier avec ce dernier. L’idée était de remplacer médiatiquement le gaz russe par du gaz d’Azerbaïdjan. Depuis, Cette dame a-t-elle démissionné pour autant? Non, elle parade plus que jamais. Pourtant, par cette signature, les Européens donnaient une sorte de feu vert au massacre en cours et à nouvelle crise humanitaire. Mais celle-ci n’intéresse pas grand monde. Alors aujourd’hui, silence motus. Tabou sur les agissements de cette dame: il n’en est pas question, aucune critique à son encontre dans les médias officiels. Pourtant, le génocide arménien par les Turcs de 1915 (plus d’un million de morts) pourrait servir de leçon. Mais non, l’Europe ferme les yeux, cette fois-ci, pas de sanctions, pas de soutien militaire significatif à l’Arménie menacée à son tour. Peut-être que la haine de soi a encore frappé: dès lors que ce sont des musulmans qui massacrent des chrétiens, et non l’inverse, quelle importance? Ou bien encore, le Haut Karabagh et l’Arménie ne font-ils pas partie des projets de l’Occident, comme l’Ukraine? En tout cas, nous assistons à un formidable ballet d’hypocrisie: les droits de l’homme et l’indignation sélective: quand cela nous arrange, conformément à nos intérêts. Et quand cela ne nous arrange pas, on ferme les yeux, voire pire, non seulement on ne fait rien pour s’y opposer, mais on encourage le massacre par la signature d’un accord gazier scandaleux.

  • Espagne : un suicide démographique ?

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    De zenit.org (Pablo Hertfelder Garcia-Conde:

    Espagne : les experts mettent en garde contre le suicide démographique

    Ils appellent à des engagements

    Barcelone, 27 septembre 2023  – La situation des Espagnols n’est pas seulement catastrophique sur le plan économique. Ces dernières années, un problème s’est développé qui, selon les experts, doit être résolu de toute urgence et avec une véritable attitude d’engagement. 

    Maria Menendez de Zubillaga, présidente de l’Association des familles nombreuses de Madrid (AFNM), a dénoncé auprès de ZENIT un très grand manque d’engagement de la part des partis politiques et de l’État. 

    De son côté, le président de l’Institut de politique familiale (IPF), Mariano Martinez-Aedo, dans des conversations avec ZENIT, a clairement exprimé la position de l’organisation qu’il préside : les familles sont de moins en moins prises en considération, et non seulement cela, mais elles sont constamment ignorées.

    Pour Menendez de Zubillaga, la situation est vraiment critique : « C’est inquiétant, nous assistons à un hiver démographique qui laisse dans son sillage des écoles vides, des maternités vides et des conséquences économiques dévastatrices ». Le président de Familias Numerosas à Madrid souligne que la situation est réversible si l’on fait de la famille une priorité politique une fois pour toutes et met en garde contre la mode de la coparentalité et de la gestation pour autrui, qui est non seulement aberrante, mais aussi à la limite de la perversité et de l’immoralité. 

    Le président de l’IPF, Martinez-Aedo, rappelle qu’en Espagne il y a un divorce toutes les cinq minutes et prévient qu’il faudrait plus de 270 000 naissances pour inverser le grave problème démographique et ajuster ainsi le taux de régénération de la population dont le pays a besoin.

    Les enfants, la meilleure chose pour soutenir la planète, selon les experts

    Menendez de Zubillaga est claire : avoir des enfants est la meilleure chose qui puisse arriver à une famille, qu’elle soit adoptive ou biologique. L’experte de la famille souligne :  » Un enfant n’est pas un fardeau, c’est ce qu’il y a de mieux et la planète n’est pas gâtée par la présence d’enfants, au contraire, les enfants prennent soin de la planète ». 

    Mariano Martínez-Aedo a également affirmé que la famille est le pilier de base de la société sur lequel celle-ci société est construite, rappelant que sans famille il n’y a pas d’avenir, et sans enfants il y aura peu d’espoir pour un pays condamné à la faillite de l’État providence.

    Des mesures urgentes et nécessaires : la famille comme priorité et non comme contrat de pacotille

    L’Instituto de Política Familiar (IPF) et l’Asociación de Familias Numerosas de Madrid (AFNM) s’accordent sur la nécessité d’une réelle volonté politique et expriment leur mécontentement face aux promesses non tenues du PP et du PSOE. Les dirigeants respectifs de ces entités ont exprimé leur mécontentement et ont souligné que sans un engagement réel qui ne reste pas lettre morte, ils ne feront pas confiance et ne voteront pas pour ceux qui légifèrent et consolident les pires lois pour les familles. 

    L’espoir d’un renversement est la dernière chose qu’ils perdent

    L’Institut de politique familiale (IPF), qui travaille sans relâche depuis plus de 22 ans à la défense et à la promotion de la famille, et l’Association des familles nombreuses de Madrid (AFNM) ont convenu que la situation peut être inversée si le rôle fondamental de la famille est mis en évidence et qu’une véritable politique dans une perspective familiale est mise en place.

    Maria Menendez de Zubillaga a conclu par une phrase sur le sujet : « Nous savons que cette bataille a été gagnée, que le Christ a vaincu le monde et que, par conséquent, le bien, la beauté et la vérité l’emportent toujours. Il y a de l’espoir, même s’il reste encore à la société à se réveiller complètement et à voir que la famille doit être la priorité politique et non la grande oubliée ».

  • Pétition : L’Azerbaïdjan n’a plus sa place au Conseil de l’Europe !

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    Du site de l'European Centre for Law & Justice :

    Pétition : L’Azerbaïdjan n’a plus sa place au Conseil de l’Europe !

    => Pétition à l’attention de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe qui devra se prononcer officiellement sur celle-ci, conformément à l’article 71 de son Règlement.

    L’Azerbaïdjan devrait être suspendu du Conseil de l’Europe pour sanctionner son agression du Haut-Karabakh, ne serait-ce que par cohérence avec l’exclusion de la Russie en mars 2022 suite à son agression de l’Ukraine. Mais la dépendance au gaz azéri et la puissance de la diplomatie du caviar empêchent toute rétorsion européenne.

    Aux termes d’une guerre éclair, l’Azerbaïdjan vient de mettre la main sur ce qui lui échappait encore du Haut-Karabakh. Le 20 septembre 2023, après une journée d’un combat perdu d’avance, 200 morts et 400 blessés, les forces de l’Artsakh rendent les armes, sans condition.

    L’agression n’était pas une surprise : déjà en novembre 2020, après deux mois de conflits, l’Azerbaïdjan s’était accaparé 75 % de ce territoire autonome peuplé majoritairement d’Arméniens, les contraignant tous et sans exception à l’exil et détruisant systématiquement chaque marque de leur présence millénaire.

    Puis, en décembre 2022, l’Azerbaïdjan avait imposé un siège à la portion qui restait, en bloquant le corridor de Latchine. Sans accès à la seule route qui relie la région à l’Arménie et donc au monde extérieur, sans soutien militaire de l’Arménie elle-même isolée sur la scène internationale, manquant de tout, les 120 000 Arméniens exsangues étaient laissés à leur sort tragique.

    Le Haut-Karabakh aujourd’hui, l’Arménie demain

    C’est la consécration pour Ilham Aliyev, le président azéri. Fils d’un ancien officier du KGB et dirigeant communiste à la tête du pays pendant plus de trente ans (1969-2003), Ilham Aliyev hérite du pouvoir de son père et de l’ambition de rattacher le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan.

    Connu pour ses crimes de guerre, il ne compte pas s’arrêter à l’épuration ethnique des Arméniens. En effet, il n’a jamais caché son intention d’annexer le sud de l’Arménie, pour aménager un continuum de la Turquie à la mer Caspienne correspondant au très ancien projet panturc.

    Le manque de crédibilité d’un Occident passif

    Passif, l’Occident se rend coupable de non-assistance à peuple en danger de mort. Il en va de sa crédibilité de réagir, surtout face au deux poids deux mesures réservé à la Russie. Rappelons qu’en mars 2022, le Conseil de l’Europe l’excluait, moins de trois semaines après le lancement de son offensive en Ukraine, prétextant que le choix de recourir à la force plutôt qu’au dialogue et à la diplomatie témoignait d’un « mépris à l’égard de l’essence même du Conseil de l’Europe ».

    L’agression du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan date du 27 septembre 2020, et il ne s’est absolument rien passé depuis. Certes, l’Union européenne, dans sa course aux sanctions contre la Russie, s’est rendue dépendante du gaz de l’Azerbaïdjan, partenaire « digne de confiance » selon sa commissaire Ursula Von der Leyen.

    La corruption azérie au cœur du Conseil de l’Europe

    Mais cela ne pèse rien comparé aux soutiens achetés par l’Azerbaïdjan via sa diplomatie du caviar, arrosant de cadeaux différents hommes politiques d’Europe : caviar bien sûr, mais aussi tapis de soie coûteux, objets en or et en argent, invitations au grand prix de Formule 1, etc. Afin de taire les critiques sur sa répression politique, Bakou a ainsi dépensé 2,5 milliards d’euros entre 2012 et 2014, d’après une enquête publiée en septembre 2017, intitulée « Laundromat » (Lessiveuse), que le Conseil de l’Europe a confirmée par la suite.

    La dictature azérie n’a pas sa place au Conseil de l’Europe

    Ilham Aliyev est cité dans le scandale financier des Panama Papers en 2016 et dans celui des Pandora Papers en 2021. Son régime dictatorial et nationaliste muselle l’opposition politique et les médias, bafoue les droits de l’homme dans un climat général de corruption et de népotisme.

    À l’instar de la Russie, un État comme l’Azerbaïdjan n’a pas sa place au Conseil de l’Europe et doit en être exclu, a minima suspendu. En effet, selon l’article 8 de son Statut, tout membre qui enfreint gravement les dispositions de l’article 3, à savoir « le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales », peut être suspendu puis exclu en l’absence d’amélioration.

    Plusieurs États ont déjà été suspendus : la Grèce entre 1969 et 1974, suite à l’établissement de la dictature militaire des colonels en 1967 ; la Turquie entre 1980 et 1984, suite au coup d’État militaire de 1980 ; et la Russie entre 2000 et 2001 à cause de sa politique en Tchétchénie, avant d’être exclue en mars 2022.

    La douleur vivace du génocide arménien de 1915 et des pogroms des années 1980-1990 nous alerte sur le péril imminent des Arméniens du Haut-Karabakh. L’Europe et en particulier le Conseil de l’Europe doivent aller au-delà des déclarations de condamnation pour rester crédibles.

    signer la pétition

    voir la video : https://twitter.com/i/status/1707016991251271832

  • Non à l'épuration ethnique au Haut-Karabakh !

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    Editorial de Jeanne-Emmanuelle Hutin sur le site d'Ouest France :

    Haut-Karabakh : « Non à l’épuration ethnique ! »

    « Il est inacceptable d’abandonner les Arméniens du Haut-Karabakh dans ce huis clos. La Russie qui devait garantir la paix selon les accords a laissé faire l’Azerbaïdjan. » Par Jeanne Emmanuelle Hutin, directrice de la recherche éditoriale à Ouest-France.

    27/09/2023

    Dans un odieux silence, un peuple est livré aux mains de ses bourreaux : « S’ils ne partent pas, nous les chasserons comme des chiens, » déclarait le dictateur de l’Azerbaïdjan Ilham Aliev en 2020 au sujet des Arméniens du Haut-Karabakh (1). Après avoir assiégé pendant dix mois ces 120 000 Arméniens dont 30 000 enfants, l’Azerbaïdjan a attaqué ceux qu’il appelle « terroristes » et « séparatistes ».

    Mais les terroristes ne sont-ils pas ceux qui affament et tirent sur les civils ? Et comment appeler « séparatistes » ces Arméniens vivant sur la terre de leurs ancêtres, le « berceau de l’Arménie » , une région autonome même sous le joug de l’Union Soviétique ? « Nous sommes tués parce que nous sommes Arméniens » , constate Hovhannès Guévorkian, le représentant du Haut-Karabakh en France (2).

    En effet, c’est un « nettoyage ethnique à visée génocidaire » , dénonçait Jean-Louis Bourlanges, le Président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale. « L’armée azerbaïdjanaise contrôle tous les axes stratégiques et rend toute communication impossible. Nous avons vent d’exactions intolérables, avérées » , explique le chercheur Tigrane Yegavian. Exode contraint. Blessés sans soins. Aucune protection contre les viols, torture, arrestations, pillages et destruction du patrimoine culturel chrétien, l’un des plus anciens du monde.

    Protection internationale

    L’urgence est humanitaire et politique (2). L’ambassadrice d’Arménie en France Mme Tolmajian demande une protection internationale immédiate.

    Mais la Communauté internationale qui n’a jamais reconnu l’indépendance du Haut-Karabakh regarde ailleurs. Elle feint de croire le dictateur Aliev quand il dit que les Arméniens deviendront des « citoyens égaux » alors qu’il réprime de manière sanguinaire toute opposition. Elle fait la sourde oreille aux nouvelles menaces de la Turquie et d’Aliev revendiquant le sud de l’Arménie.

    Il est inacceptable d’abandonner les Arméniens du Haut-Karabakh dans ce huis clos. La Russie qui devait garantir la paix selon les accords a laissé faire l’Azerbaïdjan. Aucune condamnation vigoureuse ne s’est fait entendre même pas de la part du Vatican. Aucune sanction n’est brandie contre le dictateur d’Azerbaïdjan et ses suppôts. Les Européens ont versé 15,6 milliards d’€ à l’Azerbaïdjan en 2022 en échange de son gaz et ils annoncent doubler ces importations d’ici 2027 ! Les intérêts l’emportent !

    Les députés européens protestent : « la faiblesse » et l’inaction des États membres « ont été comprises par Aliev comme un feu vert pour aller de l’avant […] Quelle autre catastrophe devons-nous attendre pour agir ? » , alerte l’eurodéputée Nathalie Loiseau. « S’il n’y a pas une action politique très forte, si on ne fait pas tout pour arrêter la destruction du peuple arménien, l’Arménie est en danger de mort », alerte Mme Tolmajian, ambassadrice d’Arménie en France.

    C’est « la responsabilité du monde d’arrêter ce qui se passe sous ses yeux : le génocide arménien de 2023 » , appelle Luis Moreno Ocampo, ex-Premier procureur de la Cour pénale Internationale (3). Il rappelle que la communauté internationale a l’obligation de prévenir les génocides.

    La passivité honteuse encourage les crimes d’aujourd’hui et prépare ceux de demain. C’est inacceptable. Il est grand temps que la France, membre du Conseil de Sécurité passe des paroles aux actes !

    (1) Haut-Karabakh, Le livre noir, éd. Ellipses

    (2) « Haut-Karabakh : Arméniens en danger », « Liberté & prospective », 25-9-23

    (3) Washington Post le 22-9-22.

  • Quelle stratégie politique le Vatican poursuit-il avec la visite du pape à Marseille ?

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    Visite du pape à Marseille : quels enjeux géopolitiques ?

    Interview
    25 septembre 2023

    Le Pape François vient de réaliser une visite de deux jours à Marseille, les 22 et 23 septembre, dédiée au sort des migrants. Quelle stratégie politique le Vatican poursuit-il avec cette visite ? La prise de position du Pape s’inscrit-elle dans la tradition de la diplomatie humanitaire du Vatican ? Dans quelle mesure le Vatican est-il un acteur majeur des relations internationale ? Le point de vue de François Mabille, chercheur associé à l’IRIS, directeur de l’Observatoire géopolitique du religieux.

    Les Rencontres méditerranéennes auxquelles a participé le Pape François ont été l’occasion d’aborder quatre problématiques : économie et social, environnement, migrations et tensions géopolitico-religieuses. Quelle stratégie politique le Vatican poursuit-il en y ayant fait participer le Pape qui n’était pas venu en France depuis 10 ans ? Quels étaient les enjeux de ces rencontres ?

    Le pape a une stratégie pastorale précise, qui a des implications politiques et géopolitiques. D’une certaine manière, il dit « ma carte n’est pas ‘votre’ territoire ! », autrement dit, je substitue ma perception du monde à vos attentes et à votre carte. Notre carte, c’est celle de l’hexagone ; la sienne, c’est celle de la Méditerranée, symbole selon lui des enjeux de la mondialisation, avec son défi : le dialogue entre les cultures, et ses problèmes économiques et sociaux qui provoquent des replis identitaires. Dès lors, il vient à Marseille qui, par son histoire et sa situation géographique, reflète bien les enjeux du pourtour méditerranéen. Ce faisant, le pape évite des thèmes qui lui auraient été imposés par une visite en France, tant de la part de l’Église catholique en France que par les autorités publiques. On aurait alors évoqué la « fille aînée de l’Église », la laïcité, la crise morale du catholicisme français, etc. Et le pontife romain impose au contraire sa parole souveraine sur les migrants, la défense des plus vulnérables, et celle de la vie sous toutes ses formes, en choisissant de surcroît, à Marseille même, des lieux particuliers. C’est une leçon de géopolitique qui est donnée !

    Alors que l’Europe est divisée sur la question de la crise migratoire, le pape François a consacré une partie de sa visite au sort des migrants et a plus globalement placé la question migratoire au cœur de son pontificat. Avec quels effets ? Cette prise de position s’inscrit-elle dans la tradition de la diplomatie humanitaire du Vatican ?

    Contrairement à ce que l’extrême droite voudrait accréditer, cette thématique est ancienne, tant au niveau du Saint-Siège que de l’Église catholique en France. En 1954, par exemple, trois organisations catholiques, le mouvement Pax Christi, l’Action catholique et le Secours catholique avaient lancé une campagne nationale intitulée « mon frère l’Étranger », qui portait spécifiquement sur les migrants et leur accueil au sein de la société française. Le cas du Secours catholique mérite qu’on s’y attarde, car son responsable était à l’époque Mr Rodhain, son fondateur, qui fut maréchaliste et vichyssois pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui ne l’empêcha pas ultérieurement de travailler pour les migrants, allant même jusqu’à nommer l’une de ses cités d’accueil la cité Myriam par respect des convictions religieuses des personnes accueillies, majoritairement musulmanes. Ce pour rappeler l’une des matrices de l’extrême droite identitaire qui se dit catholique par ailleurs. En 1961, la création du comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) s’inscrit dans un travail des catholiques français qui lient accueil et aide au développement. On retrouverait dans de nombreux autres pays ce type de mobilisation catholique, qui fait de l’Église catholique un acteur important, au niveau international, travaillant sur les migrations. Le pape inscrit son action dans ce sillage, mais il est vrai que sa parole dérange davantage pour plusieurs raisons. D’une part, il projette son regard sur l’Europe – il est latino-américain-, et oblige ainsi les Européens à se décentrer. D’une certaine manière, son regard est celui d’un catholique décolonial, avec également ses propres biais intellectuels. Sa division entre pays opulents et pays pauvres ne rend pas suffisamment compte de la complexité de nos sociétés ; de même, la carte qu’il impose, juste à propos de la Méditerranée, l’est moins quand il s’adresse à l’Europe soumise à des migrations qui proviennent également d’autres régions du monde. Cela étant, pour comprendre l’approche de l’Église catholique, on ne peut s’en tenir à la seule approche pontificale et il faut y associer celle de la Secrétaire d’État et également des Églises locales, réunies à Marseille pour les Rencontres méditerranéennes pour faire droit à une pratique et une pensée catholique plurielle et plus complexe.

    Plus globalement, peut-on dire que le Vatican est devenu un acteur majeur des relations internationales ?

    Le Vatican est indéniablement un acteur des relations internationales, et ce de longue date, mais dont l’importance dépend du type de sujet, de configuration politique et historique. Le pape réussit une médiation entre Cuba et les États-Unis, car le conflit est devenu mineur en période d’après guerre froide et que les acteurs eux-mêmes cherchent une sortie de crise honorable. La parole du pape n’est pas entendue, et même contestée lorsqu’il s’adresse aux Russes et aux Ukrainiens. Concernant les migrants, le porte-parole de l’Office des migrations internationales déclarait il y a quelques mois que la parole du pape à Lampedusa avait été la bienvenue, mais qu’elle n’avait eu aucun effet sur les politiques publiques puisque depuis la dénonciation pontificale, plus de 30.000 personnes ont trouvé la mort en Méditerranée… Voilà qui aide à relativiser l’impact de la mobilisation du pape.

  • Pour que la Méditerranée redevienne un laboratoire de paix

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    VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS à MARSEILLE pour la conclusions des Rencontres Méditerranéennes
    [22 - 23 SEPTEMBRE 2023]

    SESSION CONCLUSIVE DES RENCONTRES MÉDITERRANÉENNES

    DISCOURS DU SAINT-PÈRE

    Palais du Pharo, Marseille
    Samedi 23 septembre 2023

    source

    ________________________________________

    Monsieur le Président de la République,

    chers frères Évêques,
    Mesdames et Messieurs les Maires et Autorités représentant les villes et territoires bordés par la Méditerranée,
    Vous tous chers amis !

    Je vous salue cordialement et vous suis, à chacun, reconnaissant d'avoir accepté l'invitation du cardinal Aveline à participer à ces rencontres. Je vous remercie pour votre travail et pour les réflexions précieuses que vous avez partagées. Après Bari et Florence, le chemin au service des peuples méditerranéens se poursuit : les responsables ecclésiastiques et civils sont encore ici réunis, non pas pour traiter d’intérêts mutuels, mais animés par le désir de s’occuper de l'homme ; merci de le faire avec les jeunes qui sont le présent et l'avenir de l'Église comme de la société.

    La ville de Marseille est très ancienne. Fondée par des navigateurs grecs venus d'Asie Mineure, le mythe la fait remonter à une histoire d'amour entre un marin émigré et une princesse locale. Elle présente dès ses origines un caractère composite et cosmopolite : elle accueille les richesses de la mer et donne une patrie à ceux qui n'en ont plus. Marseille nous dit que, malgré les difficultés, la convivialité est possible et qu’elle est source de joie. Sur la carte, entre Nice et Montpellier, elle semble presque dessiner un sourire ; et j'aime à la considérer ainsi : Marseille est "le sourire de la Méditerranée". Je voudrais donc vous proposer quelques réflexions autour de trois réalités qui caractérisent Marseille : la mer, le port et le phare. Ce sont trois symboles.

    1. La mer. Une marée de peuples a fait de cette ville une mosaïque d'espérance, avec sa grande tradition multiethnique et multiculturelle, représentée par plus de 60 consulats présents sur son territoire. Marseille est une ville à la fois plurielle et singulière, car c'est sa pluralité, fruit de sa rencontre avec le monde, qui rend son histoire singulière. On entend souvent dire aujourd'hui que l'histoire de la Méditerranée est un entrelacement de conflits entre différentes civilisations, religions et visions. Nous n’ignorons pas les problèmes – il y en a - mais ne nous y trompons pas : les échanges entre peuples ont fait de la Méditerranée un berceau de civilisations, une mer qui regorge de trésors, au point que, comme l'écrivait un grand historien français, elle n'est pas « un paysage, mais d'innombrables paysages. Ce n'est pas une mer, mais une succession de mers » ; « depuis des millénaires, tout s'y est engouffré, compliquant et enrichissant son histoire » (F. Braudel, La Méditerranée, Paris 1985, p. 16). La mare nostrum est un espace de rencontres : entre les religions abrahamiques, entre les pensées grecque, latine et arabe, entre la science, la philosophie et le droit, et entre bien d'autres réalités. Elle a diffusé dans le monde la haute valeur de l'être humain, doté de liberté, ouvert à la vérité et en mal de salut, qui voit le monde comme une merveille à découvrir et un jardin à habiter, sous le signe d'un Dieu qui fait alliance avec les hommes.

    Un grand Maire voyait dans la Méditerranée non pas une question conflictuelle, mais une réponse de paix, mieux encore, « le commencement et le fondement de la paix entre toutes les nations du monde » (G. La Pira, Paroles en conclusion du premier Colloque Méditerranéen, 6 octobre 1958). Il disait en effet : « La réponse [...] est possible si l'on considère la vocation historique commune et pour ainsi dire permanente que la Providence a assignée dans le passé, assigne dans le présent et, en un certain sens, assignera dans l'avenir aux peuples et aux nations qui vivent sur les rives de ce mystérieux lac de Tibériade élargi qu'est la Méditerranée » (Discours d'ouverture du 1er Colloque méditerranéen, 3 octobre 1958). Lac de Tibériade, ou Mer de Galilée : un lieu, c’est-à-dire, où se concentrait à l'époque du Christ une grande variété de peuples, de cultes et de traditions. C'est là, dans la « Galilée des nations » (cf. Mt 4, 15), traversée par la Route de la Mer, que se déroula la plus grande partie de la vie publique de Jésus. Un contexte multiforme et, à bien des égards, instable, fut le lieu de la proclamation universelle des Béatitudes, au nom d'un Dieu Père de tous, qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45). C'était aussi une invitation à élargir les frontières du cœur, en dépassant les barrières ethniques et culturelles. Voici donc la réponse qui vient de la Méditerranée : cette mer pérenne de Galilée invite à opposer la « convivialité des différences » à la division des conflits (T. Bello, Benedette inquietudini, Milano 2001, p. 73). La mare nostrum, au carrefour du Nord et du Sud, de l'Est et de l'Ouest, concentre les défis du monde entier comme en témoignent ses "cinq rives" sur lesquelles vous avez réfléchi : l'Afrique du Nord, le Proche-Orient, la mer Noire-Égée, les Balkans et l'Europe latine. Elle est à l’avant-poste de défis qui concernent tout le monde : nous pensons au défi climatique, la Méditerranée représentant un hotspot où les changements se font sentir plus rapidement. Comme il est important de sauvegarder le maquis méditerranéen, écrin unique de biodiversité ! Bref, cette mer, environnement qui offre une approche unique de la complexité, est un "miroir du monde", et elle porte en elle une vocation mondiale à la fraternité, vocation unique et unique voie pour prévenir et surmonter les conflits.

    Frères et sœurs, sur la mer actuelle des conflits, nous sommes ici pour valoriser la contribution de la Méditerranée, afin qu'elle redevienne un laboratoire de paix. Car telle est sa vocation : être un lieu où des pays et des réalités différentes se rencontrent sur la base de l'humanité que nous partageons tous, et non d'idéologies qui opposent. Oui, la Méditerranée exprime une pensée qui n'est pas uniforme ni idéologique, mais polyédrique et adhérente à la réalité ; une pensée vitale, ouverte et conciliante : une pensée communautaire, c'est le mot. Comme nous avons besoin de cela dans les circonstances actuelles où des nationalismes archaïques et belliqueux veulent faire disparaître le rêve de la communauté des nations ! Mais - rappelons-le - avec les armes on fait la guerre, pas la paix, et avec l'avidité du pouvoir on retourne toujours au passé, on ne construit pas l'avenir.

    Par où commencer alors pour enraciner la paix ? Sur les rives de la Mer de Galilée, Jésus commença par donner de l’espérance aux pauvres, en les proclamant bienheureux : il écouta leurs besoins, il soigna leurs blessures, il leur annonça avant tout la bonne nouvelle du Royaume. C'est de là qu’il faut repartir, du cri souvent silencieux des derniers, et non des premiers de la classe qui élèvent la voix même s'ils sont bien lotis. Repartons, Église et communauté civile, de l'écoute des pauvres qui sont à « s'embrasser, et non pas à compter » (P. Mazzolari, La parola ai poveri, Bologne 2016, p. 39), car ils sont des visages et non des numéros. Le changement de rythme de nos communautés consiste à les traiter comme des frères dont nous devons connaître l'histoire, et non comme des problèmes gênants, en les expulsant, en les renvoyant chez eux ; il consiste à les accueillir, et non les cacher ; à les intégrer, et non s’en débarrasser ; à leur donner de la dignité. Et Marseille, je veux le répéter, est la capitale de l'intégration des peuples. C'est votre fierté ! Aujourd'hui, la mer de la coexistence humaine est polluée par la précarité qui blesse même la splendide Marseille. Et là où il y a précarité il y a criminalité : là où il y a pauvreté matérielle, éducative, professionnelle, culturelle, religieuse, le terrain des mafias et des trafics illicites est déblayé. L'engagement des seules institutions ne suffit pas, il faut un sursaut de conscience pour dire "non" à l'illégalité et "oui" à la solidarité, ce qui n'est pas une goutte d'eau dans la mer, mais l'élément indispensable pour en purifier les eaux.

    En effet, le véritable mal social n'est pas tant l'augmentation des problèmes que le déclin de la prise en charge. Qui aujourd'hui est proche des jeunes livrés à eux-mêmes, proies faciles de la délinquance et de la prostitution ? Qui les prend en charge ? Qui est proche des personnes asservies par un travail qui devrait les rendre plus libres ? Qui s'occupe des familles effrayées, qui ont peur de l'avenir et de mettre au monde de nouvelles créatures ? Qui écoute les gémissements des personnes âgées isolées qui, au lieu d'être valorisées, sont parquées dans la perspective faussement digne d'une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ? Qui pense aux enfants à naître, rejetés au nom d'un faux droit au progrès, qui est au contraire une régression de l'individu ? Aujourd'hui, nous avons le drame de confondre les enfants avec les petits chiens. Mon secrétaire me disait qu'en passant par la place Saint-Pierre, il avait vu des femmes qui portaient des enfants dans des poussettes... mais ce n'étaient pas des enfants, c'étaient des petits chiens ! Cette confusion nous dit quelque chose de mauvais. Qui regarde avec compassion au-delà de ses frontières pour entendre les cris de douleur qui montent d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient ? Combien de personnes vivent plongées dans les violences et souffrent de situations d'injustice et de persécution ! Et je pense à tant de chrétiens, souvent contraints de quitter leur terre ou d'y vivre sans que leurs droits soient reconnus, sans qu'ils jouissent d’une citoyenneté à part entière. S'il vous plaît, engageons-nous pour que ceux qui font partie de la société puissent en devenir les citoyens de plein droit. Et puis il y a un cri de douleur qui résonne plus que tout autre, et qui transforme la mare nostrum en mare mortuum, la Méditerranée, berceau de la civilisation en tombeau de la dignité. C'est le cri étouffé des frères et sœurs migrants, auxquels je voudrais consacrer mon attention en réfléchissant sur la deuxième image que nous offre Marseille, celle de son port.

    2. Le port de Marseille est depuis des siècles une porte grand-ouverte sur la mer, sur la France et sur l'Europe. C'est d'ici que beaucoup sont partis chercher du travail et un avenir à l'étranger, c'est d'ici que beaucoup ont franchi la porte du continent avec des bagages chargés d'espérance. Marseille a un grand port et elle est une grande porte qui ne peut être fermée. Plusieurs ports méditerranéens, en revanche, se sont fermés. Et deux mots ont résonné, alimentant la peur des gens : "invasion" et "urgence". Et on ferme les ports. Mais ceux qui risquent leur vie en mer n'envahissent pas, ils cherchent hospitalité, ils cherchent la vie. Quant à l'urgence, le phénomène migratoire n'est pas tant une urgence momentanée, toujours bonne à susciter une propagande alarmiste, mais un fait de notre temps, un processus qui concerne trois continents autour de la Méditerranée et qui doit être géré avec une sage prévoyance, avec une responsabilité européenne capable de faire face aux difficultés objectives. Je regarde, ici, sur cette carte, les ports privilégiés pour les migrants : Chypre, la Grèce, Malte, l'Italie et l'Espagne... Ils font face à la Méditerranée et accueillent les migrants. La mare nostrum crie justice, avec ses rivages où, d’un côté, règnent l'opulence, le consumérisme et le gaspillage et, de l’autre, la pauvreté et la précarité. Là encore, la Méditerranée est un reflet du monde : le Sud qui se tourne vers le Nord, avec beaucoup de pays en développement, en proie à l'instabilité, aux régimes, aux guerres et à la désertification, qui regardent les plus aisés, dans un monde globalisé où nous sommes tous connectés mais où les fossés n'ont jamais été aussi profonds. Pourtant, cette situation n'est pas nouvelle de ces dernières années, et ce n'est pas ce Pape venu de l'autre bout du monde à avoir le premier à l'alerté, avec urgence et préoccupation. Cela fait plus de cinquante ans que l'Église en parle de manière pressante.

    Le concile Vatican II venait de se conclure lorsque saint Paul VI, dans l’encyclique Populorum progressio, écrivait : « Les peuples de la faim interpellent aujourd'hui de façon dramatique les peuples de l'opulence. L’Église tressaille devant ce cri d’angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à l’appel de son frère » (n. 3). Le Pape Montini énuméra "trois devoirs" des nations les plus développées, « enracinés dans la fraternité humaine et surnaturelle » : « devoir de solidarité, c’est à dire l’aide que les nations riches doivent apporter aux pays en voie de développement ; devoir de justice sociale, c’est-à-dire le redressement des relations commerciales défectueuses entre peuples forts et peuples faibles ; devoir de charité universelle, c’est-à-dire la promotion d’un monde plus humain pour tous, où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres » (n. 44). À la lumière de l’Évangile et de ces considérations, Paul VI, en 1967, soulignait le « devoir de l’accueil », sur lequel il écrivait : « nous ne saurions trop insister » (n. 67). Pie XII avait encouragé à cela quinze années auparavant en écrivant que : « La famille de Nazareth en exile, Jésus, Marie et Joseph émigrés en Egypte […] sont le modèle, l’exemple et le soutien de tous les émigrés et pèlerins de tous les temps et de tous les pays, de tous les réfugiés de toute condition qui, poussés par la persécution ou par le besoin, se voient contraints d’abandonner leur patrie, les personnes qui leurs sont chères, […] et se rendre en terre étrangère » (Const. ap. Exsul Familia de spirituali emigrantium cura, 1er août 1952).

    Certes, les difficultés d’accueil sont sous les yeux de tous. Les migrants doivent être accueillis, protégés ou accompagnés, promus et intégrés. Dans le cas contraire, le migrant se retrouve dans l'orbite de la société. Accueillis, accompagnés, promus et intégrés : tel est le style. Il est vrai qu'il n'est pas facile d'avoir ce style ou d'intégrer des personnes non attendues. Cependant le critère principal ne peut être le maintien de leur bien-être, mais la sauvegarde de la dignité humaine. Ceux qui se réfugient chez nous ne doivent pas être considérés comme un fardeau à porter : si nous les considérons comme des frères, ils nous apparaîtront surtout comme des dons. La Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié sera célébrée demain. Laissons-nous toucher par l’histoire de tant de nos frères et sœurs en difficulté qui ont le droit tant d’émigrer que de ne pas émigrer, et ne nous enfermons pas dans l’indifférence. L’histoire nous interpelle à un sursaut de conscience pour prévenir le naufrage de civilisation. L’avenir, en effet, ne sera pas dans la fermeture qui est un retour au passé, une inversion de marche sur le chemin de l’histoire. Contre le terrible fléau de l’exploitation des êtres humains, la solution n’est pas de rejeter, mais d’assurer, selon les possibilités de chacun, un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable de la part du continent européen, dans le cadre d’une collaboration avec les pays d’origine. Dire "assez" c’est au contraire fermer les yeux ; tenter maintenant de "se sauver" se transformera demain en tragédie. Alors que les générations futures nous remercieront pour avoir su créer les conditions d’une intégration indispensable, elles nous accuseront pour n’avoir favorisé que des assimilations stériles. L’intégration, même des migrants, est difficile, mais clairvoyante : elle prépare l’avenir qui, qu’on le veuille ou non, se fera ensemble ou ne sera pas ; l’assimilation, qui ne tient pas compte des différences et reste rigide dans ses paradigmes, fait prévaloir l’idée sur la réalité et compromet l’avenir en augmentant les distances et en provoquant la ghettoïsation, provoquant hostilité et intolérance. Nous avons besoin de fraternité comme de pain. Le mot même "frère", dans sa dérivation indo-européenne, révèle une racine liée à la nutrition et à la subsistance. Nous ne nous soutiendrons qu’en nourrissant d’espérance les plus faibles, en les accueillant comme des frères. « N’oubliez pas l’hospitalité » (He 13, 2), nous dit l’Écriture. Et dans l'Ancien Testament, il est répété : la veuve, l'orphelin et l'étranger. Les trois devoirs de charité : assister la veuve, assister l'orphelin et assister l'étranger, le migrant.

    À cet égard, le port de Marseille est aussi une "porte de la foi". Selon la tradition, les saints Marthe, Marie et Lazare ont débarqué ici, et ont semé l’Évangile sur ces terres. La foi vient de la mer, comme l’évoque la suggestive tradition marseillaise de la chandeleur avec la procession maritime. Lazare, dans l’Évangile, est l’ami de Jésus, mais c’est aussi le nom du protagoniste d’une parabole très actuelle qui ouvre les yeux sur l’inégalité qui ronge la fraternité et nous parle de la prédilection du Seigneur pour les pauvres. Eh bien, nous chrétiens qui croyons au Dieu fait homme, à l’homme unique et inimitable qui, sur les rives de la Méditerranée, s’est dit chemin, vérité et vie (cf. Jn 14, 6), nous ne pouvons pas accepter que les voies de la rencontre soient fermées. Ne fermons pas les voies de la rencontre, s'il vous plaît ! Nous ne pouvons accepter que la vérité du dieu argent l’emporte sur la dignité de l’homme, que la vie se transforme en mort ! L’Église, en confessant que Dieu, en Jésus Christ, « s’est en quelque sorte uni à tout homme » (Gaudium et spes, n. 22), croit, avec saint Jean-Paul II, que son chemin est l’homme (cf. Lett. enc. Redemptor hominis, n. 14). Elle adore Dieu et sert les plus fragiles qui sont ses trésors. Adorer Dieu et servir le prochain, voilà ce qui compte : non pas la pertinence sociale ou l’importance numérique, mais la fidélité au Seigneur et à l’homme !

    Voilà le témoignage chrétien et, bien souvent, il est héroïque. Je pense par exemple à saint Charles de Foucauld, le "frère universel", aux martyrs de l’Algérie, mais aussi à tant d’artisans de la charité d’aujourd’hui. Dans ce style de vie scandaleusement évangélique, l’Église retrouve le port sûr auquel accoster et d’où repartir pour tisser des liens avec les personnes de tous les peuples, en recherchant partout les traces de l’Esprit et en offrant ce qu’elle a reçu par grâce. Voilà la réalité la plus pure de l’Église, voilà - écrivait Bernanos - « l’Église des saints », ajoutant que « tout ce grand appareil de sagesse, de force, de souple discipline, de magnificence et de majesté n’est rien de lui-même, si la charité ne l’anime » (Jeanne d’Arc relapse et sainte, Paris 1994, p. 74). J’aime exalter cette perspicacité française, génie croyant et créatif qui a affirmé ces vérités à travers une multitude de gestes et d’écrits. Saint Césaire d’Arles disait : « Si tu as la charité, tu as Dieu ; et si tu as Dieu, que ne possèdes-tu pas ? » (Sermo 22, 2). Pascal reconnaissait que « l’unique objet de l’Écriture est la charité » (Pensées, n. 301) et que « la vérité hors de la charitén’est pas Dieu ; elle est son image, et une idole qu’il ne faut point aimerni adorer » (Pensées, n. 767). Et saint Jean Cassien, qui est mort ici, écrivait que « tout, même ce qu’on estime utile et nécessaire, vaut moins que ce bien qu’est la paix et la charité » (Conférences spirituelles XVI, 6).

    Il est bon, par conséquent, que les chrétiens ne viennent pas en deuxième position en matière de charité ; et que l’Évangile de la charité soit la magna charta de la pastorale. Nous ne sommes pas appelés à regretter les temps passés ou à redéfinir une importance ecclésiale, nous sommes appelés au témoignage : non pas broder l’Évangile de paroles, mais lui donner de la chair ; non pas mesurer la visibilité, mais nous dépenser dans la gratuité, croyant que « la mesure de Jésus est l’amour sans mesure » (Homélie, 23 février 2020). Saint Paul, l’Apôtre des nations qui passa une bonne partie de sa vie à traverser la Méditerranée d’un port à l’autre, enseignait que pour accomplir la loi du Christ, il faut porter mutuellement le poids des uns des autres (cf. Ga 6, 2). Chers frères évêques, ne chargeons pas les personnes de fardeaux, mais soulageons leurs efforts au nom de l’Évangile de la miséricorde, pour distribuer avec joie le soulagement de Jésus à une humanité fatiguée et blessée. Que l’Église ne soit pas un ensemble de prescriptions, que l’Église soit un port d’espérance pour les personnes découragées. Élargissez vos cœurs, s'il vous plaît ! Que l'Église soit un port de ravitaillement, où les personnes se sentent encouragées à prendre le large dans la vie avec la force incomparable de la joie du Christ. Que l'Église ne soit pas une douane. Souvenons-nous du Seigneur : tous, tous, tous sont invités.

    3. Et j’en viens brièvement ainsi à la dernière image, celle du phare. Il illumine la mer et fait voir le port. Quelles traces lumineuses peuvent orienter le cap des Églises dans la Méditerranée ? En pensant à la mer qui unit tant de communautés croyantes différentes, je pense que l’on peut réfléchir sur des parcours plus synergiques, en évaluant peut-être aussi l’opportunité d’une Conférence ecclésiale de la Méditerranée, comme l’a dit le Cardinal [Aveline], qui permettrait de nouvelles possibilités d’échanges et qui donnerait une plus grande représentativité ecclésiale à la région. En pensant au port et au thème migratoire, il pourrait être profitable de travailler à une pastorale spécifique encore plus reliée, afin que les diocèses les plus exposés puissent assurer une meilleure assistance spirituelle et humaine aux sœurs et aux frères qui arrivent dans le besoin.

    Le phare, dans ce prestigieux palais qui porte son nom, me fait enfin penser surtout aux jeunes : ce sont eux la lumière qui indique la route de l’avenir. Marseille est une grande ville universitaire qui abrite quatre campus : sur les quelque 35000 étudiants qui les fréquentent, 5000 sont étrangers. Par où commencer à tisser des liens entre les cultures, sinon par l’université ? Là, les jeunes ne sont pas fascinés par les séductions du pouvoir, mais par le rêve de construire l’avenir. Que les universités méditerranéennes soient des laboratoires de rêves et des chantiers d’avenir, où les jeunes grandissent en se rencontrant, en se connaissant et en découvrant des cultures et des contextes à la fois proches et différents. On abat ainsi les préjugés, on guérit les blessures et on conjure des rhétoriques fondamentalistes. Faites attention à la prédication de tant de fondamentalismes qui sont à la mode aujourd'hui ! Des jeunes bien formés et orientés à fraterniser pourront ouvrir des portes inespérées de dialogue. Si nous voulons qu’ils se consacrent à l’Évangile et au haut service de la politique, il faut avant tout que nous soyons crédibles : oublieux de nous-mêmes, libérés de l’autoréférentialité, prêts à nous dépenser sans cesse pour les autres. Mais le défi prioritaire de l’éducation concerne tous les âges de la formation : dès l’enfance, "en se mélangeant" avec les autres, on peut surmonter beaucoup de barrières et de préjugés en développant sa propre identité dans le contexte d’un enrichissement mutuel. L’Église peut bien y contribuer en mettant au service ses réseaux de formation et en animant une "créativité de la fraternité".

    Frères et sœurs, le défi est aussi celui d’une théologie méditerranéenne - la théologie doit être enracinée dans la vie ; une théologie de laboratoire ne fonctionne pas - qui développe une pensée qui adhère au réel, "maison" de l’humain et pas seulement des données techniques, en mesure d’unir les générations en reliant mémoire et avenir, et de promouvoir avec originalité le chemin œcuménique entre chrétiens et le dialogue entre croyants de religions différentes. Il est beau de s’aventurer dans une recherche philosophique et théologique qui, en puisant aux sources culturelles méditerranéennes, redonne espérance à l’homme, mystère de liberté en mal de Dieu et de l’autre, pour donner un sens à son existence. Et il est également nécessaire de réfléchir sur le mystère de Dieu, que personne ne peut prétendre posséder ou maîtriser, et qui doit même être soustrait à tout usage violent et instrumental, conscients que la confession de sa grandeur présuppose en nous l’humilité des chercheurs.

    Chers frères et sœurs, je suis heureux d’être ici à Marseille ! Un jour, Monsieur le Président m'a invité à visiter la France et m'a dit : "Mais il est important que vous veniez à Marseille !". Et je l’ai fait. Je vous remercie de votre écoute patiente et de votre engagement. Allez de l’avant, courageux ! Soyez une mer de bien, pour faire face aux pauvretés d’aujourd’hui avec une synergie solidaire ; soyez un port accueillant, pour embrasser ceux qui cherchent un avenir meilleur ; soyez un phare de paix, pour anéantir, à travers la culture de la rencontre, les abîmes ténébreux de la violence et de la guerre. Merci beaucoup !

  • Le pape à Marseille : une visite très politique en pleine crise migratoire

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    De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro (via le blog Il Sismografo) :

    Pape François à Marseille: en pleine crise migratoire, une visite très politique

    Récit - Le souverain pontife a insisté sur le fait qu’il ne venait «pas en France» mais dans la Cité phocéenne, où il arrive ce vendredi. -- François est attendu ce vendredi à Marseille pour ce qui apparaît comme une «vraie-fausse» visite du pape en France. Cet aller-retour en Provence - mais «pas en France», a tellement insisté François - sera le plus atypique des quarante-quatre voyages de son pontificat. Pour aucune autre nation, le pape ne s’est livré à une telle contorsion afin de justifier le fait qu’il passe dans une métropole française sans venir «en France».

    Il a pourtant visité cinquante-neuf pays… Le nôtre, où il se rend pour la seconde fois après sa visite express du Parlement européen à Strasbourg en novembre 2014, n’entre pas dans le compte de ses visites officielles d’État. Son voyage éclair en Alsace fut un aller-retour de moins de huit heures montre en main: Parti au petit matin, François était déjà à Rome en début d’après-midi après avoir déjeuné… dans l’avion.

    La veille de son départ à Marseille, une source interne, de longue expérience et très informée des coulisses du Vatican, affirme que François «déteste la France», notamment en raison de son passé «de nation colonisatrice». La politique papale ne pouvant se fonder sur des humeurs et encore moins sur des rumeurs, Le Figaro avait posé directement la question à François dans l’avion du retour des Journées mondiales de la jeunesse de Lisbonne au Portugal, le 6 août dernier. Pour refuser ainsi de la visiter officiellement, le pape avait-il «quelque chose contre la France?» «Non!», avait aussitôt répondu François dans un grand sourire, avant d’expliquer sa «politique» de voyage: «Je visite les petits pays européens. Les grands pays, je le laisse pour après, à la fin.»

    François, qui aura 87 ans en décembre, n’a jamais caché sa dévotion personnelle pour sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Qui sait s’il pense venir un jour à Lisieux? Le 15 août 2004, huit mois avant sa mort, Jean-Paul II s’était recueilli devant la grotte de Lourdes. Il s’agissait de son 104e et dernier voyage, le septième en France.

    «La Méditerranée est un cimetière mais ce n’est pas le cimetière le plus grand»

    François a justifié son déplacement dans la Cité phocéenne par sa participation à un colloque ecclésial sur la Méditerranée: «Le problème de la Méditerranée est un problème qui me préoccupe. C’est pour cela que je vais en France. Il est criminel d’exploiter des migrants. Pas en Europe parce que nous sommes plus civilisés mais dans les “Lager” (camps) d’Afrique du Nord» où sont retenus des migrants. Il a conclu: «Les évêques de la Méditerranée se réunissent avec des politiques pour réfléchir sérieusement sur ce drame des migrants. La Méditerranée est un cimetière mais ce n’est pas le cimetière le plus grand. Le cimetière le plus grand, c’est le nord de l’Afrique. Je vais à Marseille pour cela.»

    François arrive à Marseille dans un contexte de crise sur l’île de Lampedusa, exposée à une arrivée massive de migrants. Par la voix de son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, la France a annoncé mardi qu’elle n’accueillerait «aucun migrant de Lampedusa». Cette île italienne, située entre la Tunisie et la Sicile, tient au cœur du pape François. Elle fut la destination de son premier voyage papal en juillet 2013. Il y avait dénoncé la «mondialisation de l’indifférence» face à la mort de migrants en Méditerranée.

    Ce même cri, il devrait le pousser spirituellement, ce vendredi en fin d’après-midi devant le Monument aux héros et victimes de la mer de Marseille, en compagnie de leaders d’autres religions et d’associations d’aide aux migrants.

    Cet appel à la conscience, François devrait l’exprimer sur un mode politique et géopolitique, samedi matin lors des «Rencontres Méditerranéennes» dans le Palais du Pharo. Il s’exprimera devant une soixantaine d’évêques et soixante-dix «jeunes» issus des pays du pourtour méditerranéen. Au petit matin, il aura aussi rencontré des personnes dans la précarité, près de la gare Saint-Charles, une étape ajoutée à la dernière minute.

    De fait, la première version du programme de cette visite dévoilée au printemps devait se limiter à la question migratoire. Initialement, ce voyage se déroulait sur le modèle de celui de Strasbourg: arrivé le samedi matin à Marseille, le souverain pontife prononçait son discours aux «Rencontres Méditerranéennes» avant de repartir en début d’après-midi à Rome.

    Il a fallu toute la force de persuasion du cardinal Jean-Marc Aveline pour que François finisse par accepter de présider une messe au Stade-Vélodrome, samedi après-midi où près de 60.000 fidèles sont attendus. De même, il n’aurait pas rencontré les prêtres, religieux et religieuses de Marseille comme il doit le faire sitôt sa descente d’avion, vendredi à Notre-Dame-de-la-Garde. L’introduction de l’aspect religieux dans la seconde version du programme donne à cette «vraie-fausse» visite papale en France des similitudes avec le schéma habituel des déplacements pontificaux.

    La visite polémique du couple Macron à la messe papale

    Mais c’est un ultime caractère, politique celui-là, qui rapproche cette visite atypique d’une visite officielle, sans en être une pour autant. Cette dernière évolution du programme papale n’est pas venue du cardinal Aveline mais d’Emmanuel Macron.

    S’il n’a pas obtenu tout ce qu’il désirait - il y aurait eu un projet de dîner en l’honneur de François le vendredi soir à Marseille, ce qui ne se fait pourtant jamais pour un pape - le président de la République a réussi à décrocher une petite heure de rencontre, en tête à tête, samedi en fin de matinée, avec photos, caméras et échange protocolaire de cadeaux comme s’il s’agissait d’une visite officielle. Un rendez-vous qui a tout chamboulé, contraignant le pape à arriver la veille à Marseille. Ce qu’il a accepté de bonne grâce même si le Vatican se méfie, par expérience et par principe, de la récupération possible, par les chefs d’État, de la présence d’un pape dans leur pays. François, en homme libre, déteste par-dessus tout être instrumentalisé, au Saint-Siège comme ailleurs. C’est l’une des raisons de son refus de visiter, pour l’heure, son Argentine natale.

    En revanche, la surprise, vue de Rome, a été d’apprendre - sans jugement du Vatican car c’est une pratique courante lors des voyages - que le couple présidentiel assisterait à la messe papale. L’annonce, très tardive, a évidemment créé une polémique laïque en France. Elle a aussi posé une question pour la majorité des catholiques: beaucoup, comme François, sont opposés à une législation qui ouvrirait le droit de décider de sa propre mort. Cette «vraie-fausse» visite officielle du pape en France avive ainsi deux débats politiques cruciaux dans l’Hexagone: l’immigration et l’euthanasie.