Quand l'oracle de Malèves Sainte-Marie évoque la Toussaint (29/10/2011)

C’est une fois de plus Gabriel Ringlet, présenté comme prêtre et écrivain par La Libre, qui est invité à livrer un commentaire intitulé "Toussaint ou Halloween" à propos d’une des fêtes qui rythme le cycle liturgique : la Toussaint.

Commentaire que La Libre résume elle-même ainsi :

« Il n’y a pas de laide ou de belle mort. Personne ne sait comment il va l’affronter. Il est très important de rendre la mort présente dans sa vie, quand il fait beau, ou que l’on est en forme. La mort est un appel à être plus vivant ».

Les trois premières lignes de l’article résument parfaitement la tonalité du temps, et on oserait presque dire aussi l’aveuglement ou même l’absurde :

Les fêtes de la Toussaint et des morts continuent-elles d’être des moments forts de la société en dépit de sa sécularisation ? Sur le plan quantitatif, non, évidemment. On voit bien, depuis quelques dizaines d’années, un désinvestissement.

Et à la question de savoir si le rite de la mort a évolué, l’écrivain-prêtre préféré de La Libre, (journal qui fut catholique jusqu’au siècle dernier), il répond : Il a plutôt bien évolué. Du côté catholique, c’est une des plus belles réussites du concile Vatican II. On a quitté l’atmosphère de morbidité, le noir des tentures qui était aussi celui des discours, pour aller vers plus de lumière, plus de légèreté. Et l’écrivain-prêtre de se réjouir de l’évolution du rite de la mort, avec l’attention d’un anthropologue : « Ce qui me paraît très heureux, c’est que le rite évolue aussi du côté de la laïcité. Je trouve que la laïcité s’est mise à investir dans cette dimension anthropologique ».

On notera dans le même ordre d’idée le basculement entre les considérations religieuses et l’agnosticisme en matière de rite funéraire, qu’on pourrait techniquement définir comme ensemble de gestes et de paroles… accompagnant… la mort d’un être humain (Wikipedia) :

«...ces rites semblent relever depuis toujours de la religion, mais la reconnaissance dans le monde contemporain d'une philosophie agnostique modifie la prise en compte des derniers instants de la vie et/ou permet l'émergence d'un nouveau type de rites et cérémonies ».

Suivent quelques considérations générales sur le travail de deuil, que les psychologues connaissent bien.

Le texte complet de l’article est ici : http://www.lalibre.be

Le choix du rite est un choix éminemment personnel, c’est chose entendue. Mais il est surprenant qu’un homme qui se déclare prêtre, ou qu’on présente comme tel, fasse l’impasse sur la signification de la Toussaint, telle qu’elle est enseignée et proposée par l’Eglise. Cet « étonnement » doit être compris par une association intéressante opérée dans cet article de La Libre – sans doute sans le vouloir -, entre d’un côté un désinvestissement qualitatif au niveau des fêtes de la Toussaint (et désinvestissement par qui précisément ?) et de l’autre, ce que l’écrivain-prêtre Gabriel Ringlet appelle « une des plus belles réussites du concile Vatican II ». A savoir : le fait d’avoir « quitté l’atmosphère de morbidité, le noir des tentures qui était aussi celui des discours, pour aller vers plus de lumière, plus de légèreté ».

On avance bien… Plus de lumière, plus de légèreté ?

Voici ce que le missel de Jean XXIII (édition 1962) enseigne à la date du 1er novembre :

"L’Eglise, qui ne cesse, au cours de l’année, de célébrer une à une les fêtes de ses saints, les rassemble tous aujourd’hui en une fête commune. Au-delà de ceux qu’elle peut nommer, c’est la foule innombrable de tous les autres qu’elle évoque dans une vision grandiose : « de toutes les nations, tribus, peuples et langues, debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches et des palmes à la main », ils acclament Celui qui les a rachetés par son sang.

La fête de la Toussaint doit nous soulever d’une immense espérance. Parmi les saints tu ciel, il en est que nous avons connus. Tous ont vécu sur la terre une vie semblable à la nôtre. Baptisés, marqués du signe de la foi, fidèles aux enseignements du Christ, ils nous ont précédés dans la patrie céleste et nous invitent à les rejoindre. L’évangile des béatitudes en même temps qu’il proclame leur bonheur, indique la route qu’ils ont suivie ; ils n’en est point d’autres pour nous mener où ils sont."

N’en déplaise à tous ceux qui méprisent l’Eglise éternelle, l’Eglise qui fait sienne et pour l’éternité la Sainte écriture, le graduel de la messe de la Toussaint (c’est-à-dire le premier texte de la liturgie du jour), appelle à tout sauf au désespoir, à la morbidité. Le graduel, tiré du psaume 32, n’a rien à voir non plus avec une vision étriquée d’une anthropologie fermée sur elle-même, balancée par des nouveaux chants qui, aussi mélodieux et poétiques qu’ils soient, font abstraction de la communion des saints. Lisons-le.

Réjouissons-nous tous dans le Seigneur ! Nous célébrons ce jour de fête en l’honneur de tous les saints. Les anges prennent part à la joie de cette solennité, et ils acclament en chœur le Fils de Dieu. Justes, réjouissez-vous dans le Seigneur ; aux hommes droits sied la louange.

Et l’Evangile du jour reprend les béatitudes, idéal de la perfection chrétienne : c’est à se conduire selon cet idéal, avec la grâce de Dieu, que l’on s’achemine vers le ciel. Là voilà la perspective de la Toussaint. C’est l’union avec tous les saints, connus et méconnus, qui conduit au Christ Jésus, au Seigneur. A Celui qui a dit : « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie ».

En réalité, l’Eglise n’a pas changé de discours. Et c’est la même exhortation qu’elle proclame : « Réjouissons-nous tous dans le Seigneur". La liturgie du 1er novembre continue à nous inviter à partager l’exultation céleste des saints, à en goûter la joie.

Dans une homélie du 1er novembre 2006, le Saint père déclarait ceci :

« A quoi sert notre louange aux saints, à quoi sert notre tribut de gloire, à quoi sert cette solennité elle-même ? ». C'est par cette question que commence une célèbre homélie de saint Bernard pour le jour de la Toussaint. C'est une question que nous pourrions nous poser également aujourd'hui. Et la réponse que le saint nous donne est tout aussi actuelle: "Nos saints - dit-il - n'ont pas besoin de nos honneurs et et ils ne reçoivent rien de notre culte. Pour ma part, je dois confesser que, lorsque je pense aux saints, je sens brûler en moi de grands désirs". Telle est donc la signification de la solennité d'aujourd'hui: en regardant l'exemple lumineux des saints, réveiller en nous le grand désir d'être comme les saints: heureux de vivre proches de Dieu, dans sa lumière, dans la grande famille des amis de Dieu. Etre saint signifie: vivre dans la proximité de Dieu, vivre dans sa famille. Et telle est notre vocation à tous, répétée avec vigueur par le Concile Vatican II, et reproposée aujourd'hui de façon solennelle à notre attention.

Ce n’est pas très différent de ce que nous avons pu entendre au matin de ce vendredi 28 octobre sur les ondes de RCF. Ce n’est pas le fruit d’un enseignement ringard jeté aux orties avec tabernacles et confessionnaux. C’est encore ce que des prêtres dignes de ce nom enseignent à la partie du peuple de Dieu qui leur est confiée, véritablement fidèles à la foi catholique.

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