BELGICATHO

Humo:

Vous rendez-vous compte quand vous avez commencé? Chez un garçon de douze ans, les hormones commencent quand-même déjà à faire de l'effet?

 "Pour moi, cela n'a jamais été un problème. Jamais. Au contraire: je suis très heureux du célibat, et j'espère qu'on ne le supprimera jamais. Je trouve formidable d'avoir pu de cette manière consacrer ma vie de façon si absolue aux autres, ainsi qu'à l'eucharistie et à ma foi.

 Humo:

Mais comme jeune homme, cela doit parfois avoir été un peu difficile?

 "Il y a bien eu quelques jeunes filles qui étaient amoureuses de moi, je pense. A l'âge de treize ans, j'avais déjà certains atouts, des beaux cheveux. Mais j'ai dit quand même: 'Non, pas question'. C'est un choix. Si vous faites le choix de consacrer votre vie au Christ, vous le faites."

 Humo:

Depuis cinquante ans déjà, vous êtes entouré de femmes. Cela, vous l'avez bien organisé.

 "Oui (rires). J'ai bien réglé cela. C'est bien vrai (rires). Juste comme Jésus. Il avait aussi toujours des femmes autour de lui pour l'aider et s'occuper de lui. Le jour où il est ressuscité, il est d'abord apparu à Marie-Madeleine. Ca vaut quand-même dire quelque chose, hein. Ca prouve l'importance que la femme avait pour Lui et quel respect il avait pour elle."

 "Je suis tout-à-fait anti-Freud. Surtout parce qu'il dit que le comportement de chaque homme et de chaque femme dépend en premier lieu de pulsions sexuelles. Pour lui, tout tourne autour du sexe. Quelle absurdité! La sexualité peut bien jouer un rôle dans notre comportement, mais certainement pas un rôle fondamental. Il y a vraiment bien des choses plus importantes qui nous font bouger: notre conscience, notre connaissance, notre intelligence, notre recherche de sens à la vie, et bien entendu, la manière avec laquelle nous avons été éduqués".

 Humo:

Etes vous d'accord pour dire que la pédophilie est une maladie?

 "Je ne dirais pas cela, mais ce n'est certainement pas normal. Un pédophile est quelqu'un qui ne se possède pas et qui ne prend pas ses responsabilités, mais qui se laisse guider par autre chose."

 Humo:

Par ses pulsions sexuelles.

 "Non, non. Exactement comme le Pape Jean-Paul II, je pense que la raison est au-dessus de tout, et tout est question de faire des choix: en faisant les bons choix, on ne fait que marcher droit sur le même sentier. Mais si, comme pédophile, on s'amuse à regarder des images particulières, oui, on se met dans une autre direction. Et il se passe la même chose en voiture lorsqu'on perd le contrôle du véhicule et on se retrouve dans le fossé."

 "Il est bon de se laisser guider par un idéal, qu'on a en permanence devant ses yeux. Qu'on réussisse dépend en grande partie de l'éducation et de la formation qu'on a reçue.

 Humo:

Ne pensez-vous pas que les structures de pouvoir dans l'Eglise favorisent la pédophilie?

 "Cà, je n'oserais pas le dire. Pour moi, la pédophilie reste un mystère. Je pense que nous n'avons pas suffisamment porté attention au problème et que nous avons autorisé dans l'Eglise des gens qui n'étaient pas faits pour le sacerdoce. A cet effet, c'est une bonne chose que l'archevêque Mgr Léonard ait décidé que dorénavant, tous les séminaires doivent "screener" les futurs prêtres sur le plan psychologique."

 "C'est justement la force de Mgr Léonard, je trouve, qu'il donne de façon aussi explicite son avis et qu'il pose les problèmes de façon aussi claire. C'est indispensable dans sa fonction. La Belgique avait besoin d'un archevêque comme lui, qui donne une direction à l'Eglise."

 Humo

Danneels a bien essayé de moderniser l'Eglise?

 "Oui, mais est-ce devenu un succès? Danneels est une homme du compromis, et moins controversé que Mgr Léonard. Mais une façon un peu plus directe de parler, une approche un peu plus claire n'aurait-elle pas été meilleure pour éviter la crise dans l'Eglise en Belgique? Plusieurs prêtres m'ont raconté que Danneels était bien au courant d'un certain nombre de cas dans son diocèse. A Namur, Mgr Léonard a toujours pris ce problème à bras le corps.

 "Ce n'est pas pour rien que Mgr Léonard a en ce moment tant de succès partout. Partout où il célèbre la messe, les églises sont pleines, il me l'a encore raconté hier au téléphone. Et c'est précisément pour cette raison qu'il ne peut pas venir à Rome pour le consistoire: ce jour-là, il sera dans la paroisse de Louvain, où l'attend beaucoup de monde. Il veut s'en tenir à son programme, ce que je comprends tout à fait."

 "Qu'est-ce que c'est, une démocratie? Est-ce que cela signifie qu'on peut faire n'importe quoi à la seule condition d'avoir la majorité à ses côtés? Telle est la question. Est-il par exemple permis de s'auto-euthanasier? La réponse est non! Nous ne disposons pas de la Vie. La Vie est un mystère, elle appartient à Dieu. Mais si, fort de la majorité de deux personnes, on vote une loi, là, c'est bon (il hoche la tête).

Savez-vous encore ce qu'a dit le roi Baudouin? "Je ne signe pas pour la mort". Et pour ma part, je trouve que personne d'autre ne peut faire ça non plus.

 Remarquons que six sur les  sept questions que publie le site web de l’hebdomadaire tournent autour de la sexualité. Ceci pose des questions sur l’état mental des fabricants de l’opinion publique (et le vice versa, comme disait un humoriste). Y manquent d’autres sujets d’un intérêt plus spécifique :  : la foi du nouveau « porporato », sa carrière,  ses recherches en histoire et en anthropologie des religions, ses publications,la mise en place du centre Cerfaut-Lefort à Louvain-la-Neuve…bref ce pourquoi le pape a voulu l’honorer en l’élevant au cardinalat.

 Nous y reviendrons.