Les chemins de Saint-Jacques de Compostelle : une foule comme au moyen âge (11/08/2012)

Dans « La Libre », sous la plume de Christophe Lamfalussy (extraits) :

compostelle-pelerins602.jpg(…) Tous les observateurs et familiers du "Camino" le constatent : la part des jeunes augmente dans ces pèlerins qui convergent toute l’année vers Saint-Jacques-de-Compostelle. "Cet été", nous dit Francine Gaffard, une ancienne pèlerine qui tient un gîte d’étapes à Figeac, "j’ai vu passer plus de jeunes que de gens âgés. De nombreux pèlerins ne disent pas pourquoi ils sont partis mais on sent une prise de conscience personnelle qui n’existait pas auparavant" (…).

Le "Chemin", comme on dit simplement, en voit passer, de ces jeunes venus de tous les coins de l’Europe, à la recherche d’une plus grande profondeur. Sophie, une jeune Parisienne BCBG, s’est lancée cet été après avoir terminé un boulot d’intérimaire. Régine a passé une semaine sur le chemin après avoir perdu son emploi de caissière. Matthijs, un Hollandais multilingue, avait aussi perdu son travail. Stéphane est lui aussi parti après avoir été jeté dehors de son travail. "Je voulais me vider la tête, trouver un sens à la vie et amortir le choc", dit-il. "Mes deux filles suivent mon itinéraire avec des épingles sur une carte."

Adeline Rucquoi, historienne et présidente de l’Association française des amis de Saint-Jacques, estime que 30 à 40 % des jeunes entreprennent le chemin avec un but religieux mais que la majorité ne sait pas pourquoi ils partent. Cette randonnée parfois épuisante serait en quelque sorte un révélateur plus que l’aboutissement de convictions. "Quand ils partent, ils ne savent pas", dit-elle. "Et puis, le chemin fait son travail. Petit à petit, ils se rendent compte qu’ils cherchaient autre chose."

Pour l’historienne, les jeunes sont en train de revenir à la tradition des premiers pèlerins du XIIe siècle. "Ils redécouvrent la nature, marchent face au vent, font 20 km à pied plutôt que 800 km en voiture. Pas mal de ces jeunes ont grandi dans des villes."

ll n’y a pas de statistiques absolument fiables sur le nombre de pèlerins qui sillonnent les différentes voies menant à Compostelle. Mais manifestement, entre les randonneurs à la semaine, sac au dos convoyés par taxis, jusqu’aux pèlerins sans le sou, qui font la route d’une traite, le Chemin suscite un intérêt croissant, attire de plus en plus d’Américains et de Canadiens et brasse des classes sociales qui, autrement, ne se rencontreraient plus. (…)

A Compostelle même, le bureau des pèlerins a enregistré en 2011 l’arrivée de 183 500 randonneurs, dont 1 685 Belges. Hormis les années jacquaires (2004 et 2010), où il y a plus de pèlerins, la fréquentation est en hausse régulière de 7 à 10 % par an. En juillet dernier, 32 820 pèlerins se sont manifestés à leur arrivée au bureau de Compostelle : 42,5 % avaient moins de 30 ans, 49,6 % étaient âgés de 30 à 60 ans et 7,8 % avaient plus de 60 ans.

Environ 60 % étaient de nationalité espagnole (beaucoup font les derniers 100 km), suivis dans l’ordre par les Italiens, Allemands, Portugais, Américains et Français.(…)

L’Eglise catholique a pris conscience de l’engouement et dépêche discrètement ses religieux. Certains, comme ce prêtre suisse mandaté par son évêque, font le chemin à contre-courant pour rencontrer les marcheurs aux haltes. D’autres font eux-mêmes le chemin dans la tradition de Saint-Jacques, sans le sou, comptant sur la générosité. "On arrive à Compostelle parfois plus riche qu’au départ", plaisante un père franciscain. »

Un jésuite belge tient toutefois à se dédouaner :

Le père Paul Dehove, jésuite belge de la paroisse de l’Annonciation à Ixelles, vient de passer un mois à Compostelle avec pour mission de rencontrer les pèlerins au bout de leur aventure. "Pas la pratique médiévale de la confession", s’exclame-t-il, "mais en allant dans les cafés, boire une bière, les écouter. Comme le dit si bien Matteo Ricci, mieux vaut une conversation qu’un sermon, et il ne s’agit en aucune manière de chercher à récupérer une jeunesse courageuse, studieuse, engagée".

Ah bon, c’est cela la nouvelle évangélisation ? Vite, qu’on envoie cet expert au synode.

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