Liberté religieuse : l'équivoque conciliaire (22/09/2012)

Un article de Roberto de Mattei (Correspondance européenne, n°256), intitulé : "Eglise catholique : liberté religieuse ou liberté des chrétiens?"

On trouve parmi les slogans du langage “politiquement correct” le terme de “liberté religieuse”, que les catholiques emploient de temps en temps de manière inappropriée, notamment comme synonyme de liberté de l’Église ou de liberté des chrétiens. Or il s’agit en réalité de termes et de concepts bien distincts qu’il convient ici d’expliciter.

L’équivoque qui réside dans la déclaration conciliaire intitulée Dignitatis Humanae (1965) est apparue du fait du manque de distinction entre le for intérieur, qui représente le domaine de la conscience personnelle, et le for extérieur, qui représente le domaine public, c’est à dire la profession et la propagation publique de ses convictions religieuses.

L’Église, avec Grégoire XVI et son encyclique Mirari Vos (1836), avec Pie IX : le Syllabus et Quanta Cura (1864), mais également avec Léon XIII et Immortale Dei (1885) et Libertas (1888), enseigne que :

1)       Personne ne peut être contraint à croire dans son for intérieur parce que la Foi est un choix intime de la conscience de l’Homme.

 

2)       L’Homme n’a pas droit à la liberté religieuse dans son for extérieur, c’est à dire à la liberté de pouvoir professer et propager n’importe quelle religion, car seuls la Vérité et le Bien ont des droits, ce qui n’est pas le cas pour le Mal et l’erreur.

 

3)       Le culte public des fausses religions peut éventuellement être toléré par les pouvoirs civils en vue d’un bien plus grand que l’on doit obtenir, ou d’un mal plus grand que l’on doit éviter, mais en soi le culte public des fausses religions peut aller jusqu’à être réprimé, y compris par la force, si nécessaire. Or le droit à la tolérance est une contradiction parce que comme l’indique le terme même, ce qui se tolère n’est jamais le Bien, c’est toujours et seulement le Mal. Dans la vie sociale des nations l’erreur peut être tolérée comme un fait, mais jamais admise comme un droit. L’erreur “n’a objectivement aucun droit ni à l’existence, ni à la propagande, ni à l’action” (Pie XII, Discours Ci Riesce, 1953).

 

En outre, le droit de ne pas être soumis à la contrainte, c’est à dire le fait que l’Église n’impose la Foi catholique à personne, mais exige la liberté de l’acte de Foi, ne provient pas d’un prétendu droit naturel à la liberté religieuse, c’est à dire d’un prétendu droit naturel à croire à n’importe quelle religion, mais se fonde sur le fait que la religion catholique, l’unique vraie religion, doit être embrassée en pleine liberté et sans aucune contrainte. La liberté du croyant se fonde sur la vérité à laquelle on croit, et non pas sur l’autodétermination de l’individu. Le catholique, -et le catholique seul-, a le droit naturel de professer et de pratiquer sa religion et il a ce droit parce que sa religion est la vraie religion. Ce qui signifie qu’aucun autre croyant hormis le catholique n’a le droit naturel de professer sa religion. On en trouve la démonstration dans le fait qu’il n’existe pas de droit sans devoirs et inversement. La loi naturelle, résumée dans les 10 Commandements, s’exprime de manière prescriptive, à savoir qu’elle impose des devoirs desquels naissent des droits. Ainsi par exemple, du commandement : “Tu ne tueras pas l’innocent” naît le droit de l’innocent à la vie. Le refus de l’avortement est une prescription de droit naturel qui fait abstraction de la religion de celui qui s’y conforme. Et ceci est valable également pour les Sept Commandements de la Seconde Table. Mais comparer le droit à la liberté religieuse au droit à la vie, en les considérant tous les deux comme des droits naturels, n’a aucun sens.

 

Les trois premiers commandements du Décalogue, en effet, ne se réfèrent pas à une quelconque divinité, mais au Dieu de l’Ancien et du Nouveau Testament. Il découle du Premier Commandement qui impose d’adorer l’unique vrai Dieu le droit et le devoir de professer, non pas n’importe quelle religion, mais l’unique vraie religion. Et ceci est vrai autant pour les individus que pour l’État. L’État, comme tout individu, a le devoir de professer la vraie religion également pour la raison qu’il n’existe pas un but de l’État qui soit différent de celui de l’individu.

 

La raison pour laquelle l’État ne peut contraindre personne à croire naît non pas du principe de la neutralité religieuse de l’État, mais du fait que l’adhésion à la vérité doit être pleinement libre. Si l’individu avait le droit de prêcher et de professer publiquement n’importe quelle religion, alors l’État aurait le devoir de neutralité religieuse. Ce que l’Église a condamné à plusieurs reprises. C’est pourquoi nous disons que l’Homme a le droit naturel non pas de professer n’importe quelle religion, mais de professer la vraie religion. C’est uniquement si la liberté religieuse est comprise comme liberté chrétienne que l’on pourra parler de droit à cette liberté.

 

Certains affirment qu’actuellement nous vivons de fait dans une société pluraliste et sécularisée, que les États catholiques ont disparu et que l’Europe est un continent qui a tourné le dos au Christianisme. Le problème concret est par conséquent celui des chrétiens persécutés dans le monde, et non pas de l’État catholique. Personne ne le nie, mais la constatation d’un fait n’équivaut pas à l’affirmation d’un principe. Le catholique doit désirer de toutes ses forces une société et un État catholique dans lequel le Christ règne, comme l’explique Pie XI dans son encyclique Quas Primas (1925).

 

La distinction entre la “thèse” (le principe) et “l’hypothèse” (la situation concrète) est ainsi connue. Et plus l’on est contraint de subir l’hypothèse, plus il faut s’efforcer de faire connaître la thèse. Par conséquent nous ne renonçons pas à la doctrine de la Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus Christ : parlons donc des droits de Jésus Christ à régner sur toute la société et parlons aussi de Son Règne comme unique solution aux maux de notre époque. Et au lieu de nous battre pour la liberté religieuse, ce qui revient à placer juridiquement sur le même plan la vraie religion avec les fausses religions, battons-nous au contraire pour défendre la liberté des Cchrétiens qui aujourd’hui sont persécutés en Orient par l’islam et en Occident par la dictature du relativisme. (Roberto de Mattei)

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