Clôture du Synode sur la nouvelle évangélisation: un autre message (27/10/2012)

Beaucoup plus opérationnel et moins convenu que celui de la présidence du Synode, c’est celui que délivre Mgr Rey, évêque de Toulon-Fréjus à Jean Mercier qui l’interviewe ici pour “La Vie” (extraits):

Quel est votre sentiment à la fin de ce Synode ? (…) On touche ici un grand mystère, alors que l’Eglise traverse une crise d’identité dans les pays occidentaux. Nous sommes aussi dans un monde globalisé, et même si les pays africains ne sont pas confrontés à la même sécularisation que nous, nous faisons tous partie du même univers.

 Dans votre intervention devant le Synode, vous avez insisté sur l’importance de la gouvernance pastorale. Pourquoi ?

(…) On ne peut pas développer de nouvelles stratégies sans que la relation de chacun au Christ soit revitalisée. On doit commencer par soi-même. Cette conversion spirituelle implique donc, selon moi, une conversion pastorale. Les évêques et les prêtres doivent renouveler leur gouvernance pastorale sous peine de répéter le passé. Il faut établir un “nouveau” paradigme pastoral pour que la “nouvelle” évangélisation soit possible.

Quel paradigme vous semble dépassé ?

C’est la culture pastorale de la “desserte” des lieux de culte, qui conduit à des réaménagements structurels sans que l’on remette vraiment en cause nos fonctionnements (…). Il y a beaucoup d’initiatives qui viennent de l’extérieur mais qui sont étouffées par les pasteurs. Le clergé a beaucoup de mal à vivre une spiritualité de communion, il reste dans une logique de pouvoir cléricale où les laïcs sont leurs “petites mains”.

Comment voulez-vous faire avancer les choses ?

Je crois à la co-responsabilité des laïcs, ce que j’appelle une gouvernance affiliative. Cela passe par un conseil pastoral qui ne soit pas seulement le lieu où l’on distribue des tâches, mais un lieu d’impulsion et de créativité. Il faut aussi se doter d’une méthode, d’un véritable projet pastoral. Sans vision claire de ce qu’on veut faire, on est dans la répétition de ce qu’on a fait jadis et qui a marché, certes, mais qui n’est plus suffisant.

Par où faut-il commencer ?

Par la conversion de l’évêque, évidemment. C’est lui qui doit être responsable de la croissance des prêtres et des laïcs de son diocèse. C’est d’autant plus important dans la phase de mutation que nous connaissons. Et encore plus quand on parle de charité et de communion (…). Si on veut revitaliser le tissu ecclésial, il faut commencer par le haut, et cela commence par une formation nouvelle de l’évêque.

Pourquoi estimez-vous que cette conversion (d’ordre spirituel) doit passer par une formation (d’ordre technique) ?

Parce que je l'ai expérimenté personnellement pour mes prêtres et moi. Nous avons accepté de nous former, de nous remettre en question sur la gouvernance pastorale, au fil de huit séances de deux heures. Cette formation, qui a été faite par deux laïcs, a offert à chacun des moyens pour apprendre à se connaître soi-même, et acquérir des outils de communication avec les autres. Un tel parcours prend évidemment en compte la question de la sainteté personnelle et celle de la cohérence de vie, mais elle implique aussi une étape qui est la découverte de ses charismes propres. Mais il ne suffit pas d'avoir identifié ses charismes. Il faut ensuite, étape supplémentaire, acquérir des compétences pour les mettre en oeuvre. Et d'autant plus si l'on veut accompagner, coacher. C'est indispensable si l'on souhaite augmenter la confiance entre prêtres et laïcs.

Parler de compétence et de gouvernance, c’est inhabituel. Est-ce qu’on ne peut pas vous reprocher de promouvoir une manière de vivre la charge épiscopale qui se limite à du management ?

Je dois assumer ma fonction d’accompagnement. En tant qu'évêque, si je nomme un curé dans une paroisse où il n'existe pas grand chose, je dois l'accompagner face à une tâche immense. Je ne peux pas le lâcher comme ça. La question est de savoir par où il va commencer... Je vais donc l'aider à mettre en place les choses les unes après les autres, sinon il épuisera ses forces à partir dans tous les sens.

Comment voyez-vous l'avenir de l’Eglise en France ?

J'ai déjà dit qu'on ne peut plus s’appuyer sur la pastorale de la desserte. Il faut avoir un redéploiement sur trois niveaux. Le premier niveau est celui de la stabilité : une Eglise polaire, c'est à dire structurée selon des pôles qui attirent et où l'on vit la foi et les sacrements, et une vie fraternelle. En effet, il faut une certaine « masse critique » pour faire en sorte qu'un lieu soit vivant et rayonnant.

Le deuxième niveau est celui de l'itinérance, qui consiste à se rendre dans les zones où il n'y a pas de « couverture », pour montrer qu'on n'oublie pas ceux qui ne peuvent pas se déplacer.

Le troisième niveau est celui des réseaux, qui recouvre une autre manière de s'affilier à l'Eglise, par des affinités affectives.

Tout cela doit s'accompagner d'une vision et d'un projet pour la paroisse ou le diocèse. Il faut ici une dose de réalisme : pas question de partir dans des projets démesurés. Un diocèse comme le mien perdrait son temps à créer un lieu comme le Centre des Bernardins de Paris. Cela n'aurait pas de sens. Mais nous pouvons développer d'autres éléments qui nous sont propres. Cela n'implique pas de balayer ce qu'on a fait avant, par exemple... ou d’avoir des rêves mégalos. Il faut acquérir une capacité de remettre en question les gens sans les culpabiliser. Et il faut d'autant plus « soigner » la méthode que les gens, sur le terrain, sont fatigués.

Ici: La nouvelle gouvernance pastorale selon Dominique Rey

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