Avec François, rien ne change... Vraiment ? (25/09/2013)

Sur le site de « La Vie », Jean-Pierre Denis conteste l’analyse de Gérard Leclerc sur celui de France Catholique (ici L’interview du pape aux revues culturelles jésuites ). 

« En évoquant, écrit-il,  le « changement de climat au Vatican », la semaine dernière, j’ignorais tout de l’interview du pape aux revues jésuites. Après lecture de ce texte, je ne me suis pas senti démenti. Mais soudain, la perspective s’est élargie. Oui, décidément, le climat a changé. Et pas seulement le climat. La « rupture » avec Benoît XVI, pour employer un vocable sarkozien, est désormais assumée sans fard. Je sais qu’en disant cela je froisserai certains. Tenez… j’ai entendu l’autre jour l’estimé Gérard Leclerc se fâcher sur Radio Notre-Dame. « On a affaire à une véritable escroquerie intellectuelle », protestait-il. « Vouloir opposer le pape François à ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI relève soit d’une intention perverse soit d’une incompréhension vraiment rédhibitoire. » Perversité et crétinisme ? Bigre ! On se gardera de renvoyer l’ascenseur à quolibets. Tant d’efforts pour nous expliquer que, non, il ne s’est rien passé, c’est touchant. Mais un tantinet suspect.

Quand le pape déclare qu’il n’a « jamais été conservateur », on peut admettre quelques contorsions exégétiques de circonstance, voire même un peu de… jésuitisme. Autant prévenir, toutefois : sous ce pontificat, l’intransigeantisme ne donnera plus le ton. Il lui faudra partager à nouveau le terrain avec d’autres sensibilités plus sociales ou plus libérales, et faire moins continûment la leçon. Vous verrez, chers amis, tout cela n’est pas si dramatique ! On s’y habitue… À tout prendre, d’ailleurs, c’est peut-être l’occasion de dépasser enfin des clivages idéologiques qui nous pourrissent la foi et qui deviennent de plus en plus dérisoires.

Vous connaissez la fameuse formule du Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » Avec François, c’est le contraire. Il faut que rien ne change, pour que tout change. Je m’explique. Le pape, pour l’instant, n’a pas pris de grande décision. Pas un article du catéchisme n’est amendé, pas un iota du droit canon n’est aboli. Rien n’a changé ? Si vous voulez ! Mais tout est changé.

1) Les questions qui ont dominé le pontificat de Benoît XVI deviennent secondaires. Un exemple : la liturgie. Qu’on le veuille ou non, la tentative de « réforme de la réforme », la réhabilitation du rite dit « extraordinaire » et la main tendue aux intégristes se sont soldées par un échec. François revient à la conception postconciliaire selon laquelle l’ancien missel demeure comme une sorte de concession abandonnée aux nostalgiques, ni plus, ni moins.

2) D’un pape moine, on est passé au pape curé. Le silence, la liturgie, l’étude et la contemplation dominaient le pontificat ratzingérien. Personnellement, j’aimais beaucoup, mais tout le monde n’a pas la fibre bénédictine… L’Église catholique tendait à devenir un cloître, en attendant des jours meilleurs. Or, même si François confie qu’il passe chaque jour une heure en adoration, il met l’accent sur la parole et sur l’action. Il est plus pastoral que doctrinal et plus évangélique que théologique. Le résultat se fait déjà sentir. L’Église sort d’elle-même pour aller vers tout homme et vers tout l’homme. Elle pense moins, mais elle respire mieux.

3) Le pape est évidemment contre le mariage gay et contre l’avortement. Mais il veut choisir son terrain, et refuse de se laisser enfermer dans le « piège à cons » des guerres culturelles. De la même manière, le diagnostic juste mais pessimiste de Benoît XVI sur le relativisme contemporain fait place à une approche plus pragmatique et plus positive. Pour le dire d’un mot, François préfère soigner l’homme blessé que condamner l’homme fautif. Et ça, c’est énorme.

Ici : Avec François, rien ne change... Vraiment ?

Je ne sais pas si cet éditorialiste habite sur la lune ou sur mars : contrairement à lui, je ne vois nulle part que les liturgies ordinaires de l'Eglise latine actuelle aient jamais eu, même du temps de Benoît XVI (hélas), le moindre relent de piété bénédictine ni que le clergé de même nature fasse preuve d’un intransigeantisme rigide sur la morale chrétienne qu’il faudrait ramener  dans le droit chemin  d’une  pastorale  plus conforme à l’esprit du siècle. Mais je suis d’accord sur le fait que l’esprit de la liturgie et la clarté doctrinale du doux Benoît XVI avaient quelque chose de dérangeant  pour la bonne conscience des partisans d'un certain « esprit du concile » qui a, semble-t-il, encore de beaux jours devant lui.  Cela ne fait pas du pape Ratzinger le grand inquisiteur après le règne duquel « on respire mieux ». JPSC

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