Contempler l'éternelle jeunesse de Dieu qui renouvelle toutes choses (23/12/2013)

Evangile du jour : Luc, chap. 1, vv 57-66

Quand arriva le moment où Élisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait prodigué sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle. 
Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l'enfant. Ils voulaient le nommer Zacharie comme son père. Mais sa mère déclara : « Non, il s'appellera Jean. » On lui répondit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! » On demandait par signes au père comment il voulait l'appeler. Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : « Son nom est Jean. » Et tout le monde en fut étonné. A l'instant même, sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia : il parlait et il bénissait Dieu. 
La crainte saisit alors les gens du voisinage, et dans toute la montagne de Judée on racontait tous ces événements. Tous ceux qui les apprenaient en étaient frappés et disaient : « Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui. 

Homélie du père Joseph-Marie Verlinde (F.s.J.) - homelies.fr - archive 2005

Les Evangiles de cette dernière semaine de l’Avent nous présentent une série de tableau contrastés. Nous avons assisté à l’annonce faite à Zacharie de la naissance du Précurseur. Vu son âge et celui de son épouse, ce vieil homme n’avait-il pas raison de mettre en doute la parole de l’Archange ? A vues humaines, il était évidemment impossible qu’Elisabeth conçoive et enfante. Oui mais voilà : « à Dieu rien n’est impossible » (Lc 1, 37) ; et il se trouve qu’il a décidé d’intervenir. Désormais la parole de l’homme est trop courte : Zacharie doit garder le silence : l’appréciation des événements et des situations à vue humaine ne suffit plus à rendre compte de ce qui se prépare dans le secret.

Deuxième volet : la visitation. Etonnante situation : Marie est mise au courant du joyeux événement qui bouleverse la vieillesse de sa cousine par la parole de l’Ange ; et pour cause : l’évangéliste précise qu’Elisabeth en avait « gardé le secret » (Lc 1, 24). Ce n’est donc pas par la rumeur publique qu’elle aurait pu l’apprendre. A fortiori n’y a-t-il eu personne pour mettre Elisabeth au courant du mystère de la conception virginale de sa cousine. Et pourtant elle accueille Marie comme « la mère de son Seigneur » (Lc 1, 43). Là où la parole humaine est déficient, une autre source d’information entre en jeu : c’est d’en-haut que ces deux femmes sont instruites du mystère caché aux yeux du monde. L’Esprit Saint lui-même se charge de les instruire de ce que Dieu opère à l’insu des hommes pour préparer leur salut. 

Si nous nous élevons à la dimension symbolique, la femme désigne notre dimension spirituelle, notre cœur profond, le lieu de notre ouverture à l’Esprit Saint ; alors que l’homme symbolise le psychisme, qui construit son raisonnement à partir des données des sens. Il est d’ailleurs significatif que ces deux femmes sont touchées dans leurs entrailles, qui désigne l’intériorité profonde que nous traduisons dans notre culture plutôt par le terme « cœur ». C’est l’enfant qu’elles portent qui dirige désormais mystérieusement leur vie, et c’est à partir de lui, de l’information qu’il leur transmet, qu’elles peuvent légitimement prendre la parole. C’est aussi à partir de cette intériorité vivifiée que jaillit le chant d’allégresse de l’humanité nouvelle : le Magnificat.

Troisième volet : après « l’antithèse » du silence de Zacharie, la « thèse » de la parole libérée par l’action de l’Esprit Saint au plus profond de Marie et d’Elisabeth, venons-en à la « synthèse ». Zacharie serait-il donc définitivement exclu de la scène ? Comment pourrait-il l’être, puisque les événements se déroulent en vue de lui apporter à lui aussi le salut. Mais pour pouvoir y accéder, il doit quitter ses vues humaines, et entrer par la foi dans l’intuition de l’œuvre de Dieu, afin d’en devenir le serviteur. C’est bien ce à quoi il consent en confirmant la parole d’Elisabeth qui révèle le nom de l’enfant. « A l’instant même sa bouche s’ouvrit, sa langue se délia : il parlait et il bénissait Dieu ». Zacharie peut chanter lui-aussi son Magnificat que nous méditerons demain. L’être psychique en nous n’est pas exclu du Royaume, à condition de reconnaître l’hégémonie de l’Esprit. C’est parce que l’homme s’est laissé fasciner par les choses de ce monde au détriment de la connaissance qui lui venait de Dieu, qu’il est tombé dans le péché ; aussi est-ce en accueillant dans la foi la parole de Dieu, que nous pouvons rebrousser chemin et retrouver notre splendeur première.

La grâce de Noël, c’est aussi de contempler l’éternelle jeunesse de Dieu, qui vient renouveler toutes choses. Nous avons toujours tort de vouloir évaluer notre vie à la mesure de critères purement humains : comme Zacharie, nous ferions mieux de garder le silence, car notre vue est trop parcellaire : l’essentiel nous échappe. Par contre, si nous nous ouvrons dans la foi à la contemplation du dessein de Dieu sur nous-mêmes et sur le monde, nous aussi nous pourrons chanter, avec l’Eglise toute entière, notre Magnificat en action de grâce et nous « réjouir ensemble, car le Seigneur nous a prodigué sa miséricorde ». 

« Seigneur, en prenant chair de notre chair, tu t’es lié pour toujours à notre humanité. Chaque jour tu désires étendre ton règne de justice et de paix dans nos vies. Fais que nous nous ouvrions par la foi à ce mystère, et que nous t’écoutions nous parler au fond de nos entrailles. Nous pourrons alors changer notre regard sur les événements, les situations, les personnes ; et dans la lumière de ton Esprit, les évaluer à leur juste mesure, c'est-à-dire dans la perspective du Royaume qui vient et qui ne passera pas. » 

Père Joseph-Marie

10:12 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |