Le pendule de Bergoglio, entre capitalisme et révolution (20/12/2014)

Parmi les mystères relatifs au pape François, il y a celui de l’idée qu’il se fait de l’économie mondiale. En ces matières, comme dans d’autres, la pensée du pontife est fluide, difficile à saisir. Lu à ce propos sur le site « chiesa » de Sandro Magister  (extraits) : 

« Après avoir lu l'exhortation apostolique "Evangelii gaudium", le document qui constitue le programme de son pontificat, certains l’ont classé parmi les marxistes impénitents. D’autres ont tiré de ce même document une conclusion opposée et ils dépeignent Jorge Mario Bergoglio comme un grand ami de l’économie de marché. 

Vis-à-vis de la première de ces deux définitions, celle qui fait de lui un communiste, le pape a pris ses distances à de nombreuses reprises, au point d’en faire un sujet de plaisanterie. Vis-à-vis de la seconde, qui le présente comme un ami du capitalisme, il ne l’a pas fait. Mais il n’est pas du tout certain qu’elle corresponde à sa pensée.[…]

Le 4 décembre dernier, l'Acton Institute a décerné la plus haute de ses récompenses annuelles, le Novak Award 2014, à un jeune et brillant économiste finlandais, Oskari Juurikkala, qui a consacré son discours de réception précisément au thème : "Une reconnaissance de l’économie de marché par le pape François".

Le prix lui a été remis à Rome, à quelques pas du Vatican, dans les locaux de l’Université Pontificale de la Sainte-Croix, qui est gérée par l'Opus Dei […]

Lors de cette cérémonie, le discours de Juurikkala a été contrebalancé par Carlo Lottieri, philosophe du droit et membre de l'Institut Bruno Leoni, un "think tank" qui est lui aussi très nettement de tendances libérales.

Lottieri, qui enseigne à l'université de Sienne et, en Suisse, à la faculté de théologie de Lugano, continue à voir en François non pas un ami mais un adversaire des libertés économiques, en raison notamment de l'expérience "péroniste" qu’il a assimilée en Argentine, une expérience "jamais vraiment terminée et dans l’ensemble désastreuse".

Mais ce n’est pas tout. Il y a deux mois de cela, un "Cénacle des amis du pape François" s’est constitué à Rome. Il compte parmi ses membres les plus assidus les cardinaux Walter Kasper et Francesco Coccopalmerio, Antonio Spadaro, directeur de la revue "La Civiltà Cattolica" et Mario Toso, secrétaire du conseil pontifical Justice et Paix. 

Ils ont consacré la plus récente de leurs rencontres, celle du 10 décembre dernier, à ce qu’ils considèrent comme le véritable manifeste révélateur de la pensée économique et politique du pape : non pas "Evangelii gaudium", mais le discours que François a adressé, le 28 octobre au Vatican, aux "mouvements populaires", discours qu’ils qualifient d’"historique" et de "révolutionnaire" […] 

Et qu’a donc déclaré le pape ? Que c’est à eux qu’il appartient de procéder au renouvellement du monde, aux "périphéries" qui "répandent une odeur de peuple et de lutte", à la multitude des exclus et des rebelles, grâce au processus de leur accession au pouvoir qui “transcende les procédures logiques de la démocratie formelle”.

Il y a une ressemblance stupéfiante entre ce discours du pape François et les théories soutenues par le philosophe de la politique Toni Negri et par son disciple Michael Hardt dans un livre qu’ils ont publié en 2001, qui a fait date et qui a été traduit en plusieurs langues : “Empire”. 

François et Toni Negri considèrent l’un comme l’autre que la véritable souveraineté mondiale consiste en une domination transnationale de l’argent, qui alimente les guerres pour accroître ses profits et contre laquelle il n’y a que la multitude des "mouvements populaires" qui puisse parvenir à une "réappropriation de la démocratie" non pas formelle mais concrète.

De même, lorsqu’il s’est rendu à Strasbourg, le pape François n’a pas manqué, dans le discours qu’il a prononcé le 25 novembre devant le parlement européen, de s’élever fermement contre "les systèmes uniformisés de pouvoir financier au service d’empires inconnus". 

Et pourtant, quelques jours plus tard, il recevait au Vatican, avec tous les honneurs, Christine Lagarde, numéro 1 de ce Fonds Monétaire International qui constitue précisément le symbole de cet empire décrié.

Le mystère est loin d’être résolu. »

Ref. Le pendule de Bergoglio, entre capitalisme et révolution

JPSC

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