Un pape qui fait l'unanimité ? (21/12/2014)

Lu sur le site de l'Express.fr (Caroline Politi) :

Pourquoi le pape François fait (presque) l'unanimité

Jamais un souverain pontife n'a été aussi populaire en France que le pape François. Selon un sondage I>Télé et Le Parisien, 89% des Français ont une bonne opinion de lui. Pourquoi le chef de l'Eglise catholique est une super star chez nous. Il a une cote de popularité à faire pâlir d'envie tous les dirigeants de la planète. Selon une sondage Odaxa pour I>Télé et Le Parisien, 89% des Français ont une bonne opinion du pape FrançoisEt ce, qu'ils soient catholiques ou pas. Aucun souverain pontife n'a atteint un tel score: en 2013, son prédécesseur, Benoît XVI ne recueillait que 43% d'opinions favorables et Jean-Paul II 80%. Pourquoi les Français l'aiment-ils tant?

Un pape ouvert... au dialogue

Comparé à son prédécesseur, Benoît XVI, le souverain pontife actuel apparaît comme un réformateur. Il refuse de juger les homosexuels, souhaite ouvrir le débat sur la communion des divorcés remariés, promet des "solutions" sur la question du célibat des prêtres... Quitte à choquer une partie du clergé, comme lorsqu'il affirme que le pardon doit être accordé à une femme qui a avorté si elle "sincèrement repentante."  

Mais si le discours change, le pape François ne compte pas révolutionner la doctrine. Plus qu'un réformateur, le nouveau souverain est un conservateur à visage humain. "Il oeuvre pour présenter une Eglise qui accueille, y compris ceux qui n'appartiennent pas au modèle traditionnel de la famille. Mais ça ne se fera pas au prix du dogme", expliquait à L'Express, Bernard Lecomte, spécialiste de la religion catholique, en octobre. Certes, il ne condamne pas les homosexuels, mais estime que l'acte homosexuel est contre-nature. Il a soutenu à plusieurs reprises le mouvement de la Manif pour tous. De même, il s'est positionné contre l'avortement, l'euthanasie ou l'ordination des femmes. Malgré tout, 55% des Français trouvent que l'Eglise est à sa juste place en France, ni trop interventionniste, ni trop passive dans la société.  

Un pape proche de ses fidèles

Bain de foule à chacune de ses apparitions, "selfies" avec des fidèles, coups de téléphone à une Argentine qui lui confie par lettre avoir été violée, à un Toulousain catholique et homosexuel, à un étudiant italien qui vient de perdre son frère... L'ancien prêtre de Buenos Aires souhaite, malgré sa fonction, rester proche de ses fidèles. Sa première mission, répète-t-il, est de servir les plus fragiles. Il exige d'ailleurs de ses archevêques qu'ils ne restent pas derrière leur bureau "à signer des parchemins". 

Un pape diplomate

L'Ukraine, la guerre en Irak, le conflit israélo-palestinien, les tensions entre les deux Corées... Le pape François est sur tous les fronts. Ce qui n'est pas pour déplaire aux sondés: ils sont 47% à estimer que son principal rôle est de "contribuer à la paix dans le monde". 

Dernière réussite en date: les Etats-Unis et Cuba viennent de lui rendre hommage pour son rôle dans le rapprochement historique entre ses deux nations, dont les relations diplomatiques étaient rompues depuis 1961. Selon un communiqué du Vatican, il aurait joué un rôle de facilitateur en écrivant directement à Barack Obama et Raul Castro, puis en recevant des délégations des deux pays "pour favoriser un débat constructif sur les thèmes délicats".

Le pape François s'est également illustré dans son engagement sur le conflit israélo-palestinien. Lors de son voyage en Terre Sainte, il a invité Shimon Peres et Mahmoud Abbas à venir prier au Vatican. Les présidents israélien et palestinien se sont rendus sur place en juin. Un symbole fort qui n'a malgré tout pas empêcher une reprise des combats dans la bande de Gaza cet été. Réaliste quant aux fortes tensions entre Palestiniens et Israéliens, le pape avait cependant prévenu que ce n'était nullement une "médiation", ce qui serait "une folie". 

Un pape médiatique

"S'il est gay et cherche le Seigneur, qui suis-je pour juger?", déclarait en 2013 le pape François lors d'une conférence de presse. "Les femmes sont comme les fraises dans un gâteau, il en faut toujours plus", lance-t-il quelques semaines plus tard, devant les membres de la Commission de théologie. "Décrire le pape comme une sorte de Superman me paraît offensif. Le pape est un homme normal, qui rit, qui pleure, qui dort tranquille et qui a des amis, comme tout le monde", confie-t-il au Corriere della Sera.  

Avec son sens de la formule et de la mise en scène, le pape François est le "chouchou" des médias. Ses petites phrases sont relayées dans le monde entier, son compte Twitter est plus populaire que celui d'Obama. En 2013, le Time l'a élu "personnalité de l'année", le magazine de mode masculine Esquire le gratifie de "personnalité la mieux habillée de l'année"... Le souverain pontife semble avoir appris des erreurs de son prédécesseur: jouer le jeu des médias permet d'accroître son influence.

 

Mais le Figaro Magazine, dans un dossier intitulé "guerre secrète au Vatican", propose une approche assez différente dont notre consoeur du site "Benoît et moi" a sélectionné les traits les plus saillants (http://benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/pape-un-dossie...) :

DÉSACRALISATION

Tout ce que la papauté conservait d'impérial, le pape l'a cassé. Plus de génuflexion devant lui. Encore moins de baisemain. Ce pape, qui se sent d'abord évêque de Rome - le mot «pape » effleure peu ses lèvres - n'a-t-il pas reproché sa soutane, l'autre jour, à un prélat qu'il recevait pour une réunion de travail ? Costume sobre et clergyman suffisent.

FIN DE L'ÉTAT DE GRÂCE

A l'extérieur, ce pape plait... Mais cet état de grâce s'émousse dans les cercles dirigeants de l'Eglise. Quelque chose semble même avoir basculé depuis le synode sur la famille de l'automne 2014. Comme si le trouble ternissait une bienveillance qui s'était manifestée a priori après l'élection pontificale. Et l'accumulation des indices autorise à s'interroger : l'Eglise catholique ne risque-t-elle pas d’affronter une tempête à la fin de l' année 2015, après la seconde session du synode sur la famille ?

A GAUCHE TOUTE

Si [François] est de spiritualité classique, il apparait clairement, maintenant, qu'il est directement inspiré et conseillé par les courants catholiques héritiers de la vision la plus progressiste de Vatican II ... Or l'Eglise ne peut « se réduire », comme dit le pape, à sa droite et à sa gauche, mais il reste que cette dernière « sensibilité » est aujourd'hui aux commandes.

NOMINATIONS ARGENTINES

En Argentine, son pays d'origine, François, en seulement un an et demi de règne, a déplacé ou nommé pas moins de... 26 évêques sur 74 ! Soit un peu plus d'un tiers. Une source bien informée dans ce pays, très soucieuse de ne pas être identifiée, considère que ces nominations vont « toutes dans le même sens ».

PRÉFETS DE DICASTÈRES SOUS TUTELLE

A Rome, le préfet chargé de la nomination des évêques, le cardinal canadien Marc Ouellet, nommé par Benoît XVI, a été doublé d'un numéro 2, ami de François. Même méthode dans le secteur liturgique : le 24 novembre, le pape a placé le très classique cardinal africain Robert Sarah à la tête de la Congrégation pour le culte divin, mais non sans avoir muté ailleurs, le 5 novembre - avec « effet immédiat » - ceux qui devaient être ses adjoints : l'Anglais Anthony Ward et l'Espagnol Juan Miguel Ferrer Grenesche, deux prélats proches de la ligne de Benoît XVI en la matière. Ils ont été remplacés par un Italien, promoteur d'un retour à une liturgie moderne, le père Corrado Maggioni.

LA PEUR RÈGNE

« Sa façon de gouverner déconcerte », confie un haut responsable du Saint-Siège, réputé pour sa modération.
... 
« Le climat interne n'est pas bon. La peur règne car personne aujourd'hui n'est certain de son avenir, alors que le Saint-Siège était par excellence synonyme de stabilité », explique un laïc travaillant au Vatican. 
Informé de cette mauvaise ambiance dans sa propre maison, François a convoqué tous les employés du Vatican, le 22 décembre prochain, pour une réunion inédite.

EN ATTENDANT LE SYNODE DE 2015

En tacticien, Mgr Forte, le secrétaire du synode, ne se démonte pas plus [que Kasper]: «Au concile Vatican II, explique-t-il, les vraies évolutions se sont faites lors des débats entre les sessions. »
Le prélat attend donc que les esprits évoluent en faveur des réformes d'ici à octobre prochain, seconde session du synode. Mais il paye cher son engagement : candidat, mi-novembre, à la vice-présidence de la Conférence épiscopale italienne, il a été très largement battu. L'élection suivait le synode. Cet échec a été perçu comme un message envoyé au pape. De la même façon, en Afrique et aux Etats-Unis tout particulièrement, les évêques ont élu, pour la prochaine assemblée, des représentants plutôt opposés à toute évolution.

RÉVOLUTION

Que veut donc François ? 
Un Espagnol qui le connait particulièrement bien, puisqu'il est supérieur des Jésuites, le père Adolfo Nicolas, confirme que François ne conduit pas une réforme, mais une « révolution ». 
S'il va jusqu'au bout, « les conséquences de ces évolutions seraient d'une gravité inouïe », s'inquiète le cardinal italien Velasio De Paolis.

16:35 | Lien permanent | Commentaires (7) |  Facebook | |  Imprimer |