Charlie Hebdo : Révulsion et Espérance (08/01/2015)

De Joseph Junker sur "Speculooz" :

Charlie Hebdo : Révulsion et Espérance 

J’ai été révulsé par l’odieux assassinat de journalistes de Charlie Hebdo et de deux policiers qui a eu lieu ce matin en Paris, la ville-lumière, qui m’est chère. Par cet acte barbare de tuer des innocents, des policiers; par cette atroce exécution de sang-froid un homme au sol, par cet ignoble crime de s’octroyer le droit de tuer son semblable au prétexte qu’on n’a pas su supporter sa parole. Consterné. Atterré. Affligé. 

Mais je n’étais pas au bout de mes peines de cette longue journée !

Car j’ai été révulsé ensuite par les tweets complaisants envers cet acte immonde qu’on a pu lire ici et là sur la toile. 

Tout comme j’ai été écoeuré des nombreux autres tweets que j’ai lus reprochant aux médias d’inciter à la haine en diffusant le simple fait du cri « le prophète est vengé ».

J’ai détesté la récupération, les généralisations foireuses, les déclarations à l’emporte-pièce, les annonces de guerre civile et autres appels aux armes qui ont émaillé cette journée.

Mais au moins autant que cela, j’ai été outré entendre qu’un militant FN manqua de peu de se faire rouer de coups par des manifestants d’un avis différent – j’imagine venus là pour défendre la liberté d’expression – et imaginer Voltaire se retourner une deuxième fois dans sa tombe la même journée.

J’ai détesté le ton presque jubilatoire de Cassandres de supermarché qui semblaient se féliciter de la justesse de leurs intuitions et d’avoir prédit l’arrivée de ce jour funeste.

Mais au moins autant que cela j’ai détesté l’attitude d’autruche délirante d’une certaine gauche, refusant jusqu’à l’évidence d’accepter de voir dans ce drame la conséquence de l’échec patent de cinquante années de doctrine relativiste, de multiculturalisme bon marché, de clientélisme, de terrorisme intellectuel et d’aveuglement culturel, préférant noyer cet événement sous des analyses ampoulées et émotives et le « padamalgam ». J’ai haï cette impression que en découla, l’espace d’un instant, que 12 hommes sont morts pour rien.

 Presque autant d’ailleurs que j’ai détesté la manière dont un caricaturiste belge sur les ondes de la RTBF sanctifie d’un même souffle l’humanisme des provocations de Charlie Hebdo et rejette comme intentionnellement haineuses et fantasmagoriques celles d’un auteur qui n’appartient pas à son propre système de pensée (lequel auteur avait eu l’heur de prédire sans s’en réjouir la possibilité d’un drame tel que celui qui nous consterne aujourd’hui).

Mais par-dessus tout, j’ai été dégouté à la pensée du sourire fat se dessinant sur le village de l’abject « calife », heureux de radicaliser contre lui les occidentaux en semant en leurs âmes la violence qui les détruira bien plus efficacement qu’auraient pu le faire le millier d’ogives soviétiques autrefois pointées sur leurs corps.

Mais si tout cela me fait faiblir, il me faut penser aussi à ces signes d’Espérance qui m’ont ravi au milieu de cette peine. Oh, ce sombre tableau ne serait pas complet s’il ne reflétait pas aussi ces éclairs de lumière qui ne sont jamais aussi éblouissants que lorsqu’ils jaillissent des ténèbres !

J’ai été ému par les rassemblements spontanés, cette compassion partagée et cette juste indignation.

J’ai été ému par cette communion du peuple de France, et au-delà des frontières avec ceux d’Europe et du monde pour revendiquer la paix, ce bien qui appartient à chacun de nous, qui nous est cher et qu’on veut nous ravir.

J’ai aimé entendre tant de musulmans se joindre à eux pour  rappeler que de tous les blasphèmes il n’en est de pire que celui de tuer un homme au nom de Dieu.

J’ai aimé la réaction de l’Eglise en France qui n’hésite pas à appeler à la prière et à sonner les glas à Notre-Dame pour ses honorables adversaires d’hier, prouvant par là qu’on peut en république française être choqué par des dessins de Jésus à poil ou de pape sodomisé tout en respectant leurs auteurs et en pleurant leur sauvage assassinat.

J’ai aimé cette solidarité des journalistes qui nous montrent par-là l’utilité de leur métier parfois difficile (et dorénavant plus dangereux que jamais). J’ai aimé leur résolution à ne pas céder à la peur et le témoignage apporté de la valeur du service qu’ils rendent à la société dans son ensemble

J’ai aimé enfin et surtout cette prise de conscience générale qu’il est des choses vraies bonnes et belles dans notre société qu’on ne laissera pas détruire et pour lesquelles on se battra. Non pas à la mitraillette, mais avant tout par la raison, le cœur, les crayons et les plumes, ces armes qui bien plus que toute autre sont ce par quoi nous avons construit notre culture, affermi notre raison et avons grandi en être de relations.

Si nous efforçons de ne pas l’oublier, nous pourrons alors espérer que ces 12 hommes ne sont pas morts pour rien.

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