Après le coup du lapin (22/01/2015)

Sur le site « Pro liturgia », une réflexion marquée au coin du bon sens d’un internaute :

« Je n’ai toujours pas digéré le coup des “lapins” ; d’autant plus que je connais un certain nombre de familles nombreuses qui doivent affronter un climat qui leur est de plus en plus hostile, qui souvent font d’énormes sacrifices, renoncent au train de vie souvent très confortable qu’ils pourraient espérer, voire pour les plus modestes vont jusqu’à se priver du nécessaire pour élever leurs très nombreux enfants. Si même le Pape, qui devrait les soutenir et les encourager, se met à se moquer d’eux... 

Evidemment, je pense qu'il s’adressait plus au contexte des Philippines marqué par une extrême pauvreté, ce qui change les données du problème ; en outre, dans le même discours, il réaffirme la conception traditionnelle de la famille et condamne le malthusianisme moderne. Mais on est en droit d’attendre d’un Pape qu’il sache tenir sa langue, mesurer ses propos, et ne pas faire tous azimuts des déclarations à l’emporte pièce dont il sait - ou devrait savoir - qu’elles seront manipulés par des médias souvent malveillants... D’ailleurs là, ça n'a pas loupé : les journalistes - toujours réducteurs - n’ont évidemment retenu des propos du Pape que le fait qu’il se moque des familles catholiques traditionnelles en les comparant à des lapins. Ce qui n’est pourtant pas tout à fait le sens exact de ses propos quand on les examine de plus près et qu’on les resitue dans leur contexte. Bref, en termes de “com” et contrairement aux apparences, le pontificat actuel n’est pas meilleur que les précédents.

Tout cela est évidemment malheureux. Mais je pense néanmoins qu’il ne faut pas non plus en faire une montagne. Jusqu’à l’émergence récente des médias de masse - émergence à cause de laquelle un simple propos prononcé au hasard d’un couloir ou un simple “tweet” peut provoquer un tollé mondial - les catholiques ne vivaient pas suspendus à leur télé où à leur radio (de fait, cela n’existait pas) en attendant impatiemment que le Pape dise quelque chose pour que l’on puisse s’en offusquer (ou s’en féliciter). Pourtant, je suis sûr qu’en privé, beaucoup de papes au cours des siècles on dit énormément de sottises. Les catholiques du monde entier connaissaient la foi catholique, connaissaient la doctrine de l’Eglise et le catéchisme, et cela leur suffisait. Le Pape n’était, après tout, qu’un lointain évêque chargé de s’assurer de la bonne réception et transmission de la foi à l’échelle de l’Eglise universelle. Imagine-t-on ce que ça aurait été si du temps du pape Alexandre VI, tous les prêtres et fidèles du monde chrétien étaient restés scotchés sur BFM TV pour suivre en direct les scandales de la vie dissolue de l’affreux Borgia ? 

Au fond, dans le catholicisme, le pape et sa personnalité propre n’ont qu’une importance très secondaire. On lui demande de veiller sur le dépôt de la foi universelle, d’assurer sa transmission et d’encourager son expansion, point barre. Cela, le très discret Benoit XVI l’avait parfaitement compris. C’est seulement notre époque contemporaine qui a fait du Pape une espèce de “rockstar” surmédiatisée et omniprésente, de qui on attend tout, et surtout ce qu’il ne peut pas offrir, et dont on épie le moindre murmure pour ensuite pouvoir le commenter et le disséquer sans fin sur les plateaux télés ou sur le parvis des églises à la sortie de la messe. Et bien sûr, quand le caractère d’un Pape pousse à se prêter à ce jeu, ça devient problématique. Mais tout cela n’a, au fond, aucun intérêt et je pense qu’il faudrait avoir la sagesse de prendre du recul par rapport au rythme effréné que nous impose la machinerie médiatique, et apprendre à se concentrer sur les sujets vraiment importants, les sujets de fond.

Je remarque en outre que depuis que l’on a réduit au minimum tout le décorum entourant la fonction papale, comme l'a souhaité François pour faire pauvre et simple, jamais autant qu’aujourd’hui la figure et la personnalité du pape n’a été aussi obsédante et omniprésente pour les catholiques du monde entier. Paradoxalement, notre époque voit l’émergence d’une forme moderne de “papôlatrie” que j’estime particulièrement agaçante et aussi profondément malsaine. »

 http://www.proliturgia.org/

JPSC

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