"Aimez vous les uns les autres, comme je vous ai aimés"; 6e dimanche de Pâques (05/05/2024)

Une homélie du Frère Bertrand sur le site du monastère bénédictin Notre-Dame de la Sainte-Espérance :

Sixième dimanche de Pâques

(Ac 10, 25-26.34-35.44-48 ; 1 Jn 4, 7-10 ; Jn 15, 9-17)

                   « Mon commandement le voici : aimez vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ».

          Arrêtons-nous aujourd'hui sur ces quelques paroles de Jésus qui constituent en fait le cœur même de l'Évangile dont tout procède.

          Tout d'abord, comprenons-bien ce que signifie un commandement, un précepte, une loi dans le cadre de notre existence chrétienne. N'opposons pas loi à liberté ; c'est un contresens dommageable, car la loi n'est pas obstacle à la liberté ; bien au contraire, elle la fonde. La loi, c'est une parole aimante que Dieu nous adresse pour nous offrir un chemin d'épanouissement. Pensons à cette loi fondamentale que Dieu donne à l'homme dans la Genèse : « Croissez, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la ! ». Les commandements balisent nos routes dans une marche continue vers la plénitude de Dieu ; ils indiquent le sens et la visée de notre existence. Les accepter, les pratiquer, c'est ratifier le dessein d'amour de Dieu sur nous et sur l'univers entier.

          On comprend en ce sens que Jésus puisse nous commander d'aimer. C'est nous rappeler simplement notre vocation fondamentale, la loi d'épanouissement essentielle que le Créateur a inscrite au cœur de notre être et que le péché obscurcit, ne nous rend plus aisément déchiffrable.

          Cependant, l'amour que Jésus nous prescrit n'est pas n'importe lequel : aimez-vous comme je vous ai aimés, nous dit-il. De fait, il y a différents types d'amour qui n'ont en commun que le nom. Pensons à l'amour maternel : une mère peut s'oublier, se sacrifier pour ses enfants. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle aime selon le précepte évangélique. Elle peut très bien aimer en ses enfants son reflet, sa jeunesse passée, le prolongement de son être. C'est alors un amour entaché d'égoïsme. Elle peut, par contre, discerner en ses enfants le don de Dieu qu'elle a pour vocation d'épanouir. Elle s'attache alors à servir en son enfant, l'image de Dieu qui lui est confiée, quitte à s'effacer totalement devant le mystère de la grâce à l'œuvre dans ces êtres qui grandissent et qui emprunteront d'autres chemins que le sien. L'amour dont elle entoure ses enfants la portera alors à reconnaître et à servir en tout être le visage de Dieu.

          C'est là le chemin que le Christ nous indique. Jésus n'a jamais été avare en quoi que ce soit. Il n'a jamais dispensé avec parcimonie ses dons spirituels. Il s'est livré tout entier pour nous et c'est le même chemin qu'il nous demande de suivre lorsqu'il nous dit : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». Cette traduction ne rend pourtant pas totalement compte de ce que le Christ a vraiment dit. Il faudrait préciser : il n'y a pas de plus grand amour que de donner son âme pour ses amis ; pas simplement ses forces physiques, mais encore ses richesses spirituelles. Il s'agit de tout donner.

          Aimer comme le Christ, ce n'est pas rechercher avidement des biens spirituels pour soi-même, ce n'est pas cultiver un équilibre, une harmonie que rien ne saurait menacer ; c'est emprunter le chemin du Christ dans son offrande sur la croix. Si nous ne comprenons pas ce précepte, c'est que nous transposons les lois du monde matériel dans le domaine spirituel : si j'ai donné mon amour, je me suis appauvri, pensera-t-on. Si je donne mon âme, je n'aurai plus rien. Et pourtant, c'est ce que le Christ nous demande. Si nous nous donnons sans calcul, nous serons configurés au Christ totalement dépouillé par les hommes, mais surtout, totalement abandonné entre les bras de son Père ; et alors, Dieu sera vraiment notre  vie. Nous n'aurons rien perdu, nous aurons simplement accueilli la plénitude de la vie divine. L'amour qui s'offre, l'amour qui se donne, ne tarit jamais la source qui l'alimente, car cette source d'amour qui coule en nous, c'est l'Amour en personne, le Christ Jésus.

Frère Bertrand

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