En visite au Paraguay, le pape François tance le président (12/07/2015)

4680040_6_5605_le-pape-francois-au-deuxieme-jour-de-sa_a9f8a0c0002d7f6dee75d82c8e152883.jpgAu Paraguay, le président ne s’appelle pas Moralès mais Horacio Cartes. Il n’est pas dirigeant syndicaliste ni chef de file du mouvement vers le socialisme mais ingénieur en aéronautique et homme d’affaire, démocratiquement élu. Il a fait les frais de la rencontre avec François. Le journal « Le Monde » commente (JPSC) :

« Avis aux présidents qui seraient tentés de tirer un bénéfice politique de la venue d’un pape très populaire dans leur pays : avec François, l’expérience pourrait au contraire leur en cuire. C’est la mésaventure qui est arrivée, samedi 11 juillet, au président du Paraguay, Horacio Cartes, un conservateur au pouvoir depuis deux ans. Une rencontre publique à laquelle participait le pape argentin a tourné à l’humiliation publique pour le chef de l’Etat, conspué par la salle, morigéné en public par Jorge Mario Bergoglio.

La veille, la visite au Paraguay, troisième et dernière étape de la tournée pontificale en Amérique du sud, avait pourtant bien commencé pour cet ancien élève des jésuites, à l’aéroport puis au palais présidentiel, en compagnie de tout ce que la République paraguayenne compte d’officiels. Mais samedi, au palais des sports Leon Condou, le public était différent. Réunies par le recteur de l’université catholique, Narciso Velazquez, cinq mille personnes représentants différentes associations et acteurs de la société civile attendaient de François un encouragement pour faire face aux multiples maux du pays, de la pauvreté à la marginalisation de populations indigènes en passant par la corruption.

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« La dictature, c’est fini ! »

Pour faire patienter la salle, chants et danses alternent avec des prises de parole dans une atmosphère fervente et bon-enfant. Mais des sifflets commencent à surgir lorsqu’une économiste vante longuement les succès économiques du pays. Elle doit s’arrêter sous les huées lorsqu’elle affirme que son taux d’endettement est le plus faible de la région. La salle s’échauffe un peu plus encore lorsque des membres du service d’ordre veulent s’emparer d’une banderole rappelant un affrontement entre policiers et paysans sans terre qui a fait 17 morts il y a trois ans. « La dictature, c’est fini », crie la salle. Le calicot passe de main en main et est mis à l’abri au dernier rang, bien visible.

A ce stade, les organisateurs ont renoncé à leur programmation et se contentent de passer de la musique d’ambiance en attendant le pape. La « société civile » en profite pour scander « Edelio », le nom d’un jeune policier retenu en otage par l’Armée du peuple paraguayen, un mouvement de guerilla. Aussi, lorsqu’Horacio Cartes pénètre dans la salle, il est hué, conspué, sifflé. L’assemblée scande longuement « papa Francisco, el pueblo esta contigo » (pape François, le peuple est avec toi). Les évêques déjà présents sur scène ne peuvent que contempler la tournure du spectacle.

« Tsunami de joie »

Mais celui-ci n’est pas fini, car voici François, ovationné dans ce qu’un évêque décrit comme « un tsunami de joie ». Après les témoignages de cinq représentants de la société civile, il prend la parole. Son texte écrit parle de « luttes », « d’injustices »« d’inégalités », de la nécessité de « forger un projet de nation qui inclut tout un chacun », des vertus du « dialogue » et de ce que « les pauvres ont beaucoup à nous enseigner en humanité, en bonté, en sacrifice », et c’est à chaque fois un fracas d’applaudissements et de sifflets de joie. Mais ce n’est pas tout : le pape a été informé de ce qui a précédé son arrivée et il improvise quelques digressions qu’il sait parler à son auditoire. Il dénonce les « mots grandiloquents » mais sans réelle portée des « menteurs », le « dialogue théâtre » qui n’est qu’un faux-semblant, les « idéologies » qui finissent en « dictatures », qui « pensent au peuple mais qui ne laissent pas le peuple penser ».

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Arrivé à la péroraison, il s’adresse « fraternellement » mais très directement au président assis au premier rang, qui ne peut que rentrer la tête dans les épaules tandis que la salle applaudit. Quelqu’un serait séquestré par l’armée, dit-il, sans préciser que cette armée est un groupe de guérilla. « Je ne sais si c’est vrai ou non, mais une des méthodes des idéologies du siècle passé était d’écarter les gens, par l’exil, la prison ou les camps d’extermination. » Puis il demande « des jugements rapides et clairs », allusion au procès toujours en attente des auteurs de la tuerie d’il y a trois ans. Enfin, il dénonce « le chantage » et « la corruption ». Ce dimanche, il devait célébrer la dernière grande messe de son voyage. On ne sait pas si le président y assistera. »

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