La lettre ouverte que nous reproduisons intégralement ci-dessous a été publiée aujourd’hui, lundi 29 janvier, par le cardinal Joseph Zen Ze-Kiun, évêque émérite de Hong Kong sur son blog avant d’être relayée par l’agence Asia News de l’Institut pontifical pour les missions étrangères.
Dans cette lettre, le cardinal révèle l’essentiel du contenu de l’un de ses colloques avec le Pape François auquel il a fait part de ses graves inquiétudes concernant les actions récemment entreprises en Chine par les représentants du Vatican.
Ces démarches ont consisté à demander à deux évêques « souterrains » et reconnus par le Saint-Siège, ceux de Shantou et de Mindong, de laisser leur place à deux évêques nommés par le gouvernement, tous deux illégitimes, le premier étant même publiquement excommunié.
Pour plus de détails sur ces événements :
Le cardinal Zen révèle à présent que le Pape François lui a répondu avoir donné l’ordre de “ne pas créer un autre cas Mindszenty”, faisant allusion à l’héroïque cardinal primat de Hongrie qui en 1971, fut obligé par les autorités vaticanes de quitter son pays, fut démis de sa charge en 1973 et remplacé en 1975 par un nouveau primat agréé par le régime communiste.
Mais laissons la parole au cardinal.
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Cher amis des médias,
Depuis qu’Asia News a révélé certains événements récents de l’Eglise en Chine concernant des évêques légitimes auxquels le « Saint-Siège » aurait demandé de démissionner pour laisser leur place à des « évêques » illégitimes et même excommuniés de façon explicite, différentes versions et interprétations des faits créent la confusion entre les gens. Nombre d’entre eux, au courant de mon récent voyage à Rome, m’ont demandé certains éclaircissements.
En octobre dernier, quand Mgr Zhuang a reçu sa première communication du Saint-Siège et a demandé mon aide, j’ai envoyé quelqu’un porter sa lettre au Préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, avec une copie pour le Saint-Père. Je ne sais pas si cette copie incluse est un jour arrivée sur le bureau du Saint-Père. Heureusement, Mgr Savio Hon Taifai était encore à Rome et a pu rencontrer le Pape pour une visite d’au-revoir. A cette occasion, il a porté à l a connaissance du Saint-Père les deux cas de Shantou et de Mindong. Le Saint-Père était surpris et a promis qu’il étudierait la question.
À cause de ce que le Saint-Père avait dit à Mgr Savio Hon, les nouveaux événements qui se sont déroulés en décembres ont été encore plus choquants et surprenants pour moi. Lorsque Mgr Zhuang, âgé et affligé, m’a demandé de transmettre au Saint-Père la réponse au message qu’il avait reçu de la « délégation vaticane » à Pékin, je n’ai pas pu lui dire non. Mais que pouvais-je faire pour être certain que sa lettre parvienne au Saint-Père alors je n’étais même pas certain que mes propres lettres lui parvenaient ?
Pour m’assurer que notre voix parvienne au Saint-Père, j’ai immédiatement pris la décision de me rendre à Rome. J’ai quitté Hong Kong la nuit du 9 janvier, arrivant à Rome tôt dans la matinée du 10 janvier, juste à temps – enfin à vrai dire un peu en retard – pour participer à l’audience générale du mercredi. À la fin de l’audience, nous cardinaux et évêques sommes reçus pour le « baise-main » et j’ai eu la possibilité de mettre dans les mains du Saint-Père l’enveloppe, lui disant que j’étais venu à Rome dans le seul but de lui apporter la lettre de Mgr Zhuang, en espérant qu’il trouve le temps de la lire (dans l’enveloppe, se trouvait la lettre originale de l’évêque en chinois, ma traduction en italien et une lettre de ma part).
Pour des raisons évidentes, j’espérais que ma présence à l’audience ne soit pas remarquée mais mon arrivée tardive dans la salle avait été remarquée. Dans tous les cas, maintenant tout le monde peut voir cette scène sur le chaîne de télévision vaticane (à propos, l’audience se tenait dans la salle Paul VI et non place Saint-Pierre et j’étais en retard pour entrer dans la salle mais je n’ai pas « attendu dans la file, dans le froid » comme l’ont prétendu certains articles de façon erronée).
À Rome, j’ai rencontré le P. Bernardo Cervellera d’Asia News. Nous nous sommes échangé des informations mais je lui ai dit de ne rien écrire. Et il était d’accord. Maintenant que quelqu’un d’autre a diffusé l’information, je peux donner mon accord et je la confirme. Oui, pour autant que je sache, les choses se sont bien passées comme Asia News les rapporte (l’article d’Asia News « croit » que l’évêque qui dirigeait la délégation vaticane en Chine était Mgr Celli. Je ne sais pas quel était son rôle officiel mais il est presque certain que c’était bien lui qui était à Pékin).
En ce moment crucial et à cause de la confusion qui règne dans les médias, connaissant directement la situation de Shantou et indirectement celle de Mindong, je me sens le devoir de partager ma connaissance des faits, afin que les personnes sincèrement préoccupées pour le bien de l’Eglise puissent connaître la vérité à laquelle ils ont droit. Je suis parfaitement conscient qu’en agissant de la sorte, j’évoque des choses qui sont techniquement qualifiées de « confidentielles ». Mais ma conscience me dicte que, dans ce cas, le « droit à la vérité » doit prendre le pas sur tout « devoir de confidentialité ».
Fort de cette conviction, je m’apprête à partager ce qui suit avec vous.
L’après-midi de cette journée, le 10 janvier, j’ai reçu un appel de Sainte-Marthe, dans lequel on me disait que le Saint-Père me recevrait en audience privée le soir du vendredi 12 janvier (même si le bulletin du Vatican mentionne le 14 janvier). C’était le dernier jour de mes 85 années de vie, un grand don du ciel ! (Remarquez également que c’était la veille du départ du Saint-Père pour le Chili et le Pérou et que donc le Saint-Père devait être très occupé).
Commentaires
Concrètement ?
"Oui, je leur ai dit de ne pas créer un autre cas Mindszenty »
Cela pourrait signifier simplement : pas de difficulté diplomatique, tout en douceur.
Donc... Tout le contraire de ce que le cardinal Zen a cru comprendre.
Ce genre de double langage ne serait pas une nouveauté.
Ni dans l'histoire de l'Eglise ni dans celle de ce pontificat.
Écrit par : Etienne | 31/01/2018
Allons Étienne! Vous avez un grand évêque, super connaisseur d'une situation qui nous échappe à vous comme à moi certainement en grande partie, qui a lui-même parlé avec le pape, et vous voulez sous-entendre qu'il n'a rien compris?...
Écrit par : Fr Benoît | 01/02/2018
Pour bien comprendre la réaction du cardinal Zen dans la presse, il faut un peu connaître la mentalité chinoise pour laquelle faire perdre la face à un supérieur revient à perdre soi-même la face. Le cardinal a donc habilement voulu présenter les décisions lamentables du Pape face au régime communiste comme un problème de communication interne à la Curie pour que le Pape sauve la face.
En réagissant comme il l'a fait, Greg Burke a mis les pieds dans le plat en admettant que c'était bien le pape Bergoglio qui avait donné l'instruction de chasser les évêques légitimes pour les remplacer des évêques excommuniés désignés par le gouvernement communiste.
Les catholiques chinois fidèles à Rome ont a présent le choix: soit rejoindre la simili-Eglise communiste avec ses faux évêques soit souffrir la persécution prévue par les nouvelles lois restreignant la liberté religieuse sans aucun soutien de Rome.
Cela s'inscrit parfaitement dans le programme du pape visant à transformer l'Eglise en un rassemblement international des forces populistes de gauche. Et l'idéologie communiste est parfaitement compatible avec ce plan, au contraire d'une Eglise minoritaire de martyrs.
Écrit par : Jean | 01/02/2018
Le communiqué du Saint-Siège montre que le bon cardinal Zen se faisait des illusions sur l’état d’esprit du pape régnant. Mais dans quelle mesure ce dernier ne s’illusionne-t-il pas lui-même ?
En son temps, l’Ostpolitik de Paul VI et de Casaroli n’a donné aucun résultat. Elle a été abandonnée par un pape venu de l’Est : Jean-Paul II, qui savait de quoi il parlait. Pour négocier un accord il faut avoir une monnaie d’échange sérieuse. Où sont les cartes de Bergoglio dans son dialogue avec la Chine communiste, qui n’est tout de même pas plus éternelle que l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques ? Pie VII et Consalvi, il est vrai, finirent par négocier un concordat avec la France issue de la Révolution. Mais ce fut avec Bonaparte après le 18 brumaire, non sans peine et malgré bien des déconvenues ultérieures et, surtout, Napoléon ne peut tout de même pas être comparé aux apparatchiks du régime de Pékin.
Écrit par : JPSC | 03/02/2018