Opus Dei, Focolari, Légionnaires du Christ... : des sectes dans l'Eglise ? La réponse de l'Opus Dei (14/01/2019)

En 2017, lors de la parution du livre de Vincent Hanssens et consorts qui mettait en cause divers mouvements catholiques en incriminant leurs pratiques qualifiées de sectaires, le Bureau d'Information de l'Opus Dei en Belgique dirigé par l'abbé Stéphane Seminckx avait fait la mise au point qu'on lira ci-dessous et qui garde toute son actualité puisque Christian Laporte a cru opportun de faire à nouveau la promotion de ce livre sur le site de la Libre (le 13 janvier) :

BUREAU D'INFORMATION DE LA PRELATURE DE L'OPUS DEI EN BELGIQUE

Avenue de la Floride 112 - 1180 Bruxelles

Tél : 02/374.24.30 – E-mail : info.be@opusdei.org

Bruxelles, le 20 avril 2017. A propos du livre « Vincent Hanssens (sous la direction de), De l’emprise à la liberté. Dérives sectaires au sein de l’Eglise, Mols, Wavre 2017 »

Notre bureau d’information a été sollicité par différentes personnes à propos du contenu de cet ouvrage. Sans prétendre se livrer à une analyse détaillée, il souhaite faire une mise au point sur certains aspects de ce livre, en se limitant au cas de l’Opus Dei.

Cette publication traite du vécu douloureux de certaines personnes qui ont quitté trois institutions de l’Eglise, l’Opus Dei, les Focolari et les Légionnaires du Christ. Nous partageons avec les auteurs du livre le souci de montrer à ces personnes notre sollicitude et notre compréhension. Nous leur demandons également pardon si nos erreurs ou nos maladresses ont pu leur faire mal.

Pour ce qui est du contenu du livre, ce qui frappe d’emblée le lecteur, c’est le fait que l’ouvrage se limite à reproduire des accusations, acceptées en bloc comme vérités d’Evangile, sans entendre la partie accusée et sans le moindre esprit critique.

D’autres aspects de la méthodologie sont également surprenants : l’auteur envoie un questionnaire de 13 questions à une trentaine de personnes ; il reçoit 11 réponses (dont 4 concernant l’Opus Dei) et se félicite d’avoir suscité une « parole vraie et libre (…) sur une réalité et des faits inacceptables » (p. 52), parole qui l’amène à se demander « comment l’Eglise catholique (…) peut tolérer, si pas encourager, de tels mouvements sans exercer le moindre contrôle à ce sujet » (p. 53).

A notre sens, ce n’est pas du rôle de l’Eglise qu’il faut s’inquiéter, mais des procédés du directeur de la publication : comment un professeur d’université peut-il utiliser une méthodologie aussi curieuse ? Peut-on prétendre connaître la réalité d’une âme — et surtout d’une âme blessée — en lui envoyant quelques questions par la poste ? Lorsqu’on recueille des données d’une enquête, une étape obligée ne consiste-t-elle pas à en faire une analyse critique ? Quatre questionnaires (et sept autres concernant d’autres institutions), est-ce un matériel suffisant pour produire une « étude » de 320 pages et émettre des jugements à l’emporte-pièce ?

Il y a pour l’instant environ 93.000 fidèles dans l’Opus Dei à travers le monde. La plupart vivent leur vocation avec leur conjoint et leurs enfants, au sein de leur famille. D’autres la vivent dans le célibat. Ce sont des gens normaux, épanouis, ouverts et accessibles à tous. Pourquoi n’avoir pas interrogé également ces personnes ? Ne sont-elles pas crédibles ? M. Hanssens se plaint de n’avoir reçu que 4 réponses alors qu’il avait à sa disposition 93.000 personnes qui témoignent tous les jours de leur vécu.

Certaines personnes quittent l’Opus Dei pour des motifs divers, comme il arrive dans d’autres institutions de l’Eglise. Pour la grande majorité, il s’agit d’une démarche sereine dans laquelle elles conservent un lien profond d’affection et de gratitude avec ceux et celles qu’elles ont connu dans la prélature : pourquoi les avoir exclues de l’étude ? Pourquoi ne pas avoir confronté leur vécu avec celui des quatre personnes qui ont répondu au questionnaire ?

Dans quelques cas, la séparation d’avec l’institution est vécue de façon douloureuse. Ces personnes méritent tout notre respect, notre affection, et notre prière.

Si cet ouvrage a des prétentions scientifiques, il devrait raison garder. Le sentimentalisme n’est pas critère de vérité. Des erreurs et des maladresses que nous aurions pu commettre ne constituent pas des dérives (car alors il y en aurait dans toutes les familles). Un ressenti douloureux ne correspond pas nécessairement à une réalité objective. Un reproche peut avoir une base réelle, mais naître aussi de la subjectivité.

En un mot, dans ce domaine, il n’est pas simple de faire la part des choses, d’établir la vérité. Dieu seul connaît l’intimité la plus secrète des cœurs et nous aide, par la prière, l’examen de conscience et un éventuel accompagnement spirituel, à faire la vérité en nous. Il faut parfois des années pour y arriver, souvent par un suivi qui demande beaucoup d’écoute, de délicatesse et de patience. On ne sonde pas une âme avec un petit questionnaire, au risque de la brutaliser ou de la conforter dans certaines déformations qui la font souffrir.

La psychosociologie (spécialité du directeur de la publication) aura son utilité, mais à elle seule, elle ne peut rendre compte du vécu spirituel d’une âme. La vocation chrétienne se vit dans la foi, l’espérance et la charité. Méconnaître cette dimension essentielle — ou la perdre —, c’est s’exposer à lire l’Evangile sous l’angle étroit des dérives sectaires. Alors, lorsque Jésus jeûne quarante jours et quarante nuits (Mt 4, 2), on parlera de « conditions de vie inhumaine en danger pour la santé physique, psychique et spirituelle » (p. 253) ; lorsqu’il appelle les apôtres, on y verra de la « manipulation » et du « prosélytisme » (p. 256) ; lorsqu’il demande de tout vendre pour le suivre (Mt 19, 21), on soupçonnera l’existence de « dons » détournés et de « captation d’héritage » (p. 266) ; lorsqu’il exige de ne pas violer le moindre des commandements (Mt 5, 19), ce sera taxé « d’autoritarisme du responsable » (p. 262) ; l’exigence de se renoncer soi-même et de porter la croix pour le suivre (Mt 16, 24) deviendra du « dolorisme » et du « culte de la souffrance » (p. 255) ; celle de le préférer à nos parents (Mt 10, 37) s’apparentera à du « culte du fondateur » (p. 247) et provoquera la « coupure avec l’extérieur » (p. 250), lorsqu’il dit que sans lui nous ne pouvons rien faire, cela voudra dire « hors du groupe, point de salut » (p. 248) ; si regarder une femme avec convoitise est un adultère (Mt 5, 28), on accusera le Christ d’avoir un « rapport problématique à la sexualité ». Ces exemples — et bien d’autres — illustrent que les sciences humaines, livrées à elles-mêmes, peuvent constituer un miroir déformant : l’Evangile propose une aventure radicale d’amour, à la fois humaine et divine.

Dans ses réflexions finales (à partir de la page 107), il apparaît que M. Hanssens méconnaît des données élémentaires sur la réalité de l’Opus Dei, ce qui l’amène à énoncer des erreurs factuelles[1] et à faire des procès d’intention. Nous déplorons particulièrement le mauvais goût avec lequel, à la page 109, il traite sur le même plan un saint de l’Eglise catholique (saint Josémaria Escrivá[2]), une femme dont le procès de béatification a été ouvert en 2014 (Chiara Lubich, fondatrice des Focolari) et un homme (Marcial Maciel Degollado) dont l’Eglise a condamné les graves dépravations.

Car — faut-il le rappeler ? — c’est l’Eglise qui juge de la sainteté de ses fidèles ou de leurs erreurs, de la valeur de leur charisme, de la conformité des institutions ecclésiales à sa doctrine et à son droit particulier[3]. C’est elle qui prend des mesures et des sanctions si nécessaire[4]. Un fidèle courant dans l’Eglise n’a pas de charisme particulier pour juger, encore moins lorsqu’il se base sur des travaux qui n’ont rien de scientifique. En tout cas, s’il pense que, dans certaines institutions, il y a des erreurs à corriger, avant de répandre publiquement des jugements et des condamnations de ses frères dans la foi, il devrait s’en tenir aux recommandations de l’Evangile (cf. Mt 18, 15-17, sur la correction fraternelle). Autrement, il tombera à coup sûr dans la diffamation, et très probablement dans la calomnie, dont les ravages sont si difficiles à réparer. Qui s’engage dans cette voie s’expose lui-même à la dérive sectaire, en se coupant de l’Eglise (sectari signifie « couper »).

On nous dira peut-être que l’Opus Dei ne doit pas se raidir, être ouverte et accepter la critique. Nous acceptons celle-ci volontiers et avec reconnaissance quand elle est objective et inspirée par la charité. Par contre, nous entendons défendre la réputation de l’institution et de ses fidèles quand elle est motivée par des préjugés et manque du minimum de sérieux.

Abbé Stéphane Seminckx

Directeur

PS : les données de base signalées en note, et beaucoup d’autres, sont accessibles à tous sur www.opusdei.be.

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[1] Comme lorsqu’il attribue le statut de prélature personnelle « au désir (…) de n’avoir de comptes à rendre qu’au Pape lui-même » (p. 111) : nous signalons que « personnelle » ne se rapporte pas à la personne du pape mais au fait qu’il s’agit d’une structure définie par les personnes qui en font partie, et non par un territoire. Par ailleurs, la prélature personnelle de l’Opus Dei dépend de la Congrégation pour les Evêques.

[2] Sa canonisation a été demandée par environ 1.300 cardinaux, évêques (et supérieurs religieux), soit un tiers de l’épiscopat mondial de l’époque. Dans son procès de canonisation, le tribunal a écouté le témoignage de plusieurs de ses détracteurs — dont certains ex-membres —, car c’est le propre des saints d’avoir aussi des détracteurs : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître » (Mt 10, 24).

[3] Dans le cas de la prélature personnelle de l’Opus Dei, il s’agit d’une structure qui fait partie intégrante de la structure propre de l’Eglise, au même titre que d’autres structures juridictionnelles, telles que les diocèses ou les ordinariats militaires. Lorsqu’elle a été érigée par le Saint-Siège, après plusieurs années d’étude approfondie de sa réalité juridique et théologique ainsi que de sa vie et de son activité sur le terrain, et après avoir consulté tous les évêques des diocèses où l’institution était présente, l’Eglise a déclaré qu’elle considérait l’Opus Dei comme « une institution qui offre des garanties doctrinales, disciplinaires et de vigueur apostolique prouvées » (cf. Déclaration de la Congrégation pour les Evêques, 27-11-82). L’Opus Dei est actif dans des centaines de diocèses du monde entier, sur les cinq continents, chaque fois avec l’autorisation explicite ou à la demande des évêques locaux, dont un grand nombre ont manifesté publiquement, et à de nombreuses reprises, leur attachement à cette institution de l’Eglise.

[4] La prélature de l’Opus Dei est dotée d’un tribunal, à l’instar d’autres institutions analogues de l’Eglise (diocèses, etc.). Entre autres compétences, ce tribunal garantit les droits des fidèles de la prélature face à de possibles abus de l’autorité. Comme il est d’usage dans ces cas, l’instance d’appel de ce tribunal n’est pas composée de juges membres de l’Opus Dei ; en l’occurrence, il s’agit du tribunal d’appel du vicariat de Rome.

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