ÉDITORIAL
La sage décision du pape François de ne pas accepter, pour le moment, la démission du cardinal Philippe Barbarin a été interprétée par certains comme la preuve que l’Église, décidément, ne voulait pas changer et n’avait toujours pas pris la mesure des problèmes d’abus sexuels en son sein, bref qu’elle n’était plus « crédible ». Curieusement, le fait de savoir si la condamnation du Cardinal était justifiée ou non en droit semblait ici sans importance, comme si sa personne s’identifiait à l’Église jugée par avance coupable et qu’il fallait qu’un haut prélat paye au nom de l’institution, la justice étant ici secondaire au regard du symbole.
L’Église inactive ?
Remarquons d’abord que l’hyper médiatisation de ces affaires donne l’impression que la vie de l’Église se résume désormais à cette question des abus sexuels, occultant le bien qu’elle continue de dispenser par l’admirable dévouement de nombre de ses membres, clercs comme laïques. Ce fonctionnement des médias a ceci de pervers qu’il n’offre aucun recul ni ne favorise la réflexion et la nuance : à peine une affaire est-elle passée qu’une autre survient, on feint alors de s’étonner de l’absence de mesures malgré l’accumulation des cas, alors qu’il s’agit le plus souvent de faits anciens bien antérieurs à l’époque où l’Église a commencé à prendre conscience de l’ampleur du drame et mettre en place progressivement les mesures qui s’imposaient. Car les mesures, il y en a eu de nombreuses depuis 2002, et nul ne peut reprocher à l’Église d’être demeurée inerte et indifférente au sort des victimes, même si, pour ces dernières, le mal est tellement profond et révoltant qu’aucune mesure humaine ne peut être à même de réparer les torts causés. Face à un tel fléau, combien d’institutions ont fait autant que l’Église catholique qui, rappelons-le, n’est pas la seule concernée ?
Aujourd’hui, les victimes sont très clairement son souci prioritaire et l’on regrette que cela n’ait pas été toujours le cas, mais on ne peut revenir en arrière, il nous faut assumer maintenant les dossiers hier si mal gérés. Comment nier qu’il y ait eu d’insupportables abus de pouvoir et qu’il était nécessaire de corriger des comportements hérités des siècles passés où l’Église était en position dominante dans une société où son autorité était reconnue et respectée, voire même crainte en certains cas ? Le pape François a nommé cela d’un terme pour le moins ambigu en raison de l’histoire qu’il charrie : le « cléricalisme ». Mais soyons sérieux, comment ne pas voir que, face à ces comportements cléricaux, l’Église a déjà largement procédé à sa réforme interne ?