A côté de la tribune, quelques VIP – de droite, en dépit de la bonne volonté des Poissons roses – sont rassemblés avec une partie de la presse. Il y a des élus LR comme RN, malgré la réticence évidente de leurs partis respectifs à aller contre ce qui est désormais perçu comme le sens du vent. Julien Aubert, Guillaume Larrivé, Nicolas Bay, Gilbert Collard, ne volent cependant pas la vedette à Agnès Thill, ex-LREM exclue du parti pour avoir publiquement attaqué le projet de loi sur la PMA.
Société sans pères, société sans repères
Avec en fond sonore la chanson Parler à mon père de Céline Dion, le milieu du cortège s’ébranle vers le Sénat vers 15h. Avec retard ; l’itinéraire prévu était insuffisant pour désengorger la place Edmond-Rostand (on a donc organisé un itinéraire alternatif de l’autre côté de la place). Sur le chemin, on crie « société sans pères, société sans repères ». En face du Sénat, François-Xavier Bellamy, assailli de journalistes, met en garde contre la remise en question des « limites de la condition humaine ».
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Plus loin, sur un côté du boulevard Raspail, après un ralentissement dû au comptage des participants, ambiance JMJ avec un groupe de rock chrétien. Enfin, on aperçoit de loin l’arrivée : la place du 18-juin-1940, où de grands écrans ont été disposés pour qu’on puisse apercevoir la deuxième estrade de la journée. Anne-Marie le Pourhiet (juriste constitionnaliste connue de nos colonnes), Anne-Laure Boch (neurochirurgien), Ludovine de la Rochère (présidente de la Manif pour tous), Franck Meyer (président des Maires pour l’enfance) et beaucoup d’autres s’y succèdent, sous les applaudissements de la foule.
« Le législateur français ne pourra plus nier, après le texte actuel, avoir consacré, organisé et même financé un droit à l’enfant, incluant un droit au sperme sans contact, que le service public aura l’obligation de récolter, en quantité et en qualité suffisante pour satisfaire la demande » (Anne-Marie le Pourhiet). « Notre société adolescente est incapable de poser des limites aux volontés individuelles » (Bertrand Lionel-Marie). « Comment nier le vide de l’absence de père ? » (Emmanuel Lepargneux). « Nous, homosexuels, nous ne voulons pas porter la responsabilité d’une amputation généalogique pour certains enfants » (Jean-Pier Delaume-Myard).
Un nombre de manifestants inespéré
Sur l’écran, le décompte organisé par les organisateurs s’affiche : 600 000 manifestants ! Chiffre inespéré. Pour l’expliquer, on invoque les derniers débats « choquants » à l’Assemblée, la gravité des évêques, l’accélération récente autour de la question de la GPA. Ludovine de la Rochère, arrivée sur l’air de « Papaoutai », lance avec ferveur : « en venant manifester, vous sonnez le tocsin ». L’ambiance est à l’euphorie : on ose croire à l’impact possible de la journée sur la politique du gouvernement. Et d’annoncer que « ce n’est que le début d’un très long chemin ».
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Une heure plus tard, les chiffres « officiels » sortent, et sont particulièrement en contradiction avec ceux des organisateurs : la police compte 42 000 manifestants, un cabinet d’études indépendant du nom d’Occurrence, mandaté par plusieurs médias, en compte 74 500 – chiffre retenu dans les titres de presse. Alors que les journaux commençaient à s’émouvoir d’un rassemblement qu’ils constataient bien plus important que ce qu’ils avaient imaginé, la pression est retombée : ouf, circulez, il n’y a rien à voir. Le Huffington Post se permet même de titrer sur le « flop » de la manifestation. Pas d’inquiétude, les trouble-fêtes n’étaient pas si nombreux.
C’est la dénaturation de la filiation qui se joue-là
Pourquoi manifester contre l’extension de la PMA aux couples de lesbiennes et aux femmes seules, se demande-t-on ? Pourquoi dire son opposition à la dénaturation de la filiation, désormais instituée comme découlant du désir d’enfant, à la marche vers la technicisation de la procréation, à l’effacement des hommes dans l’engendrement ? Pourquoi, puisque comme Raphaël Enthoven, parfait dans le rôle de l’idiot utile, l’a énoncé à la Convention de la droite la semaine dernière : la « nature humaine » veut qu’on ne revienne jamais sur un « droit » acquis, et fera que « si demain […] après avoir autorisé la PMA pour toutes, la France autorise l’euthanasie, alors on ne reviendra jamais dessus, comme on ne reviendra jamais sur le mariage pour tous, ni sur l’IVG » ?
Si certains peuvent croire que le mouvement est capable de faire fléchir le gouvernement, la grande majorité, avertie par la défaite contre le mariage pour tous en 2013, est bien consciente de la vanité de ces espoirs. François-Xavier Bellamy, de ceux-là, me déclare qu’il ne s’agit pas d’« efficacité politique ». C’est peut-être plutôt, comme l’exprime une femme interrogée dans Famille chrétienne, « un acte de foi ». Acte de foi d’une partie de la France déjà rangée dans le passé par le petit milieu politique et journalistique parisien ; acte de « résilience », selon le mot de Fabiola, étudiante rencontrée dans le cortège. « Peut-être que la loi va passer. Mais au bout d’un moment, on se rendra compte qu’on aura fait une connerie. Et à ce moment-là, nous, on sera là. »
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