Une pente glissante pour les plus faibles de notre société... (07/03/2020)

De cathobel.be :

Opinion du frère René Stockman: The day after*

Fr. , Supérieur général des Frères de la Charité, nous transmet cette Opinion à la suite du procès d’ de Tine Nys à Gand, où son nom était mentionné. Rappelons que ce procès devant la cour d’assises de Gand s’est terminé par l’acquittement des trois médecins mis en cause.

Le procès d’euthanasie devant la Cour d’Assises à Gand est terminé depuis plusieurs semaines et a pratiquement disparu de l’intérêt des médias. Je n’ai pas l’habitude de suivre les affaires d’assises, mais cette fois-ci il y avait deux raisons de le faire. Tout d’abord le cas en tant que tel, un cas d’euthanasie pour souffrances psychologiques sans perspective et la manière dont la société y fait face aujourd’hui. Mais aussi parce que mon nom a été mentionné comme quelqu’un ayant été impliqué en vue de la poursuite judiciaire. Certains espéraient même que j’en témoignerais sous serment. Cela ne m’aurait pas posé problème, car mon implication dans tout le procès est nulle, et le soupçon n’a surgi que chez certains, qui sont arrivé à cette théorie de conspiration à travers d’étranges torsions dans leur cerveau, pouvant ainsi une fois de plus cracher leur venin sur l’Église. Quelqu’un l’a qualifié à ma place d’aberrant, et c’est le seul mot correct que nous pouvons utiliser ici. Je le considère également comme diffamatoire et calomnieux.

Notre principale préoccupation reste l’euthanasie pour souffrances psychologiques sans perspective où cette possibilité pourrait se développer davantage en tant que thérapie alternative dans les soins de santé mentale. De nombreux psychiatres et psychologues ont déjà indiqué que cela ne peut être concilié avec de bons soins psychiatriques et avec l’objectif et la définition de la médecine. Tant en ce qui concerne l’euthanasie que les définitions en constante évolution de « la médecine » et des « actes médicaux » qui sont répandues en Flandre et aux Pays-Bas par des groupes de pression et les médias, sans aucune fondation et sans consultation des fédérations mondiales de médecins, nous sommes aussi dans le domaine de la médecine sur une pente glissante aux conséquences très dangereuses, notamment pour les plus faibles de notre société. À cet égard, il incombe aux associations nationales et internationales de médecins de mettre de l’ordre dans leurs affaires. La médecine doit toujours viser la guérison, et si la guérison n’est plus possible, la médecine a pour tâche de soulager la douleur et la souffrance. Après tout, nous ne sommes pas non plus en faveur de l’acharnement thérapeutique. Et cela s’applique aussi bien à la médecine somatique qu’à la médecine psychiatrique. Il semble très douteux que l’un des médecins ait déclaré après l’acquittement lors du procès d’euthanasie, qu’elle avait besoin de plus de ressources et de personnes pour accompagner plus de patients afin de dériver l’idée de suicide qui vit en eux vers une demande d’euthanasie. L’euthanasie évolue donc davantage vers le suicide médicalement assisté et une nouvelle forme de thérapie en soins psychiatriques. Le gouvernement et la société n’ont-ils pas l’obligation d’investir plus d’attention et de ressources dans la prise en charge des enfants et des jeunes souffrant de troubles psychologiques, des familles brisées, des personnes seules, des adultes souffrant de graves problèmes psychologiques, plutôt que de continuer à faciliter le suicide sous forme d’euthanasie?

L’espoir peut resurgir

Espérons qu’à long terme, ce ne sera pas une considération économique de frais et d’avantages. Cela signifierait la fin d’une société humaine.

Si, lors d’une souffrance somatique l’irréversibilité du trouble peut être objectivement établie par des critères diagnostiques, ce n’est pas du tout le cas lors d’une souffrance psychologique. Et par définition, la souffrance psychologique est souvent désespérée et crée chez le patient le sentiment de ne plus jamais pouvoir en sortir.

Les soignants de santé mentale indiquent que le « maintenant » peut sembler interminable pour une personne dans le besoin, mais que cela ne signifie pas qu’il est « pour toujours » interminable. Lors de graves souffrances psychologiques, soudainement peuvent survenir des évolutions positives, qui auparavant étaient impossibles à prévoir. À partir de cela, on doit honnêtement conclure que les modèles de diagnostic existants ne contiennent pas de critères suffisants et concluants pour évaluer objectivement une question d’euthanasie lors de souffrance psychologique. Presque tous les patients psychiatriques graves pensent que leur situation est « insupportable » et « désespérée »: c’est là que les psychiatres et les thérapeutes devraient essayer de provoquer un changement. De plus, de nombreux psychiatres – et pas seulement dans les milieux catholiques – indiquent que le traitement de patients suicidaires devient pratiquement impossible dès que la porte est ouverte pour une aide au suicide.

Ecouter sa conscience

Dans tout cela, l’importance de la fraternité humaine devrait être davantage soulignée, en se référant à la déclaration bien connue de Nietzsche: « Celui qui a une raison de vivre peut supporter presque toutes les circonstances ». Ou comme cela a été utilisé pendant un certain temps comme « slogan » à la télévision néerlandaise: « Ayons un peu plus soin des autres ». Ici, créer et restaurer la fraternité et donner le sentiment sincère à quelqu’un – également dans le cadre de l’accompagnement professionnel – que malgré une maladie mentale grave, il nous appartient toujours, peut faire des merveilles. Nous avons toujours décrit les soins psychiatriques comme la thérapie des relations, où la personne du soignant est l’instrument par excellence dans le traitement et l’accompagnement. Osons-nous nous remettre en question en tant que soignant ainsi que la qualité de notre comportement professionnel, lorsque nous proposons et/ou pratiquons l’euthanasie comme « traitement » ultime? L’assistance n’est-elle pas en défaut si l’on ne parvient pas à combattre et à atténuer les conséquences de la maladie, à savoir le désespoir? Et quel service est offert aux patients lorsque les soignants commencent à suggérer que l’euthanasie est une voie d’évasion possible lors de souffrances psychologiques actuellement vécues comme désespérées? Il s’agit d’une offre qui crée et stimule la demande et exclut ou masque d’autres perspectives. Par exemple, dans l’État américain de l’Oregon, le nombre de suicides a en fait augmenté à cause de cela.

L’histoire des soins psychiatriques a toujours été celle de la recherche constante de moyens créatifs pour libérer les gens de situations désespérées. Les pionniers des soins psychiatriques ont cherché comment donner des perspectives aux personnes, et tous les traitements qui ont été examinés étaient des tentatives, parfois avec un succès modéré, d’améliorer la situation de vie de ces personnes. Cette évolution est magnifiquement illustrée dans notre musée Dr. Guislain à Gand. Allons-nous briser cette tendance en installant et en formalisant l’euthanasie lors de souffrance psychologique désespérée?

Pour de nombreux médecins et soignants en psychiatrie le procès d’euthanasie aurait causé, outre une incertitude quant aux conséquences juridiques, également des problèmes de conscience. Espérons et souhaitons que les soignants écoutent plus attentivement leur conscience et ne se laissent pas emporter par ce qu’une soi-disant majorité pense, majorité qui réagit uniquement sur la base d’émotions et considère même l’euthanasie comme une œuvre de miséricorde…

La majorité ne décide pas de la vie ou de la mort. L’histoire devrait aussi nous l’apprendre.

 

*En français: le jour d’après

Les intertitres sont de la rédaction

 

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