En Mongolie, le pape rend hommage au père Teilhard de Chardin (03/09/2023)

De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro :

Voyage du pape en Mongolie: l'hommage vibrant de François au jésuite français Teilhard de Chardin

Le chef de l'Eglise catholique a également profité de sa présence en Mongolie pour lancer un appel aux « catholiques chinois » en leur demandant d'être des « bons citoyens »

À l’issue de la messe dominicale célébrée dans le palais des sports d'Oulan Bator, capitale de la Mongolie où le pape accomplit une visite apostolique jusqu'à demain, François a rendu hommage inédit à un jésuite français, géologue et paléontologue, spécialiste des fossiles, ardent défenseur de la théorie de l'évolution et théologien, le Père Pierre Teilhard de Chardin, né dans le Puy-de-Dôme en 1881 et mort à New-York en 1955. Le pape s'est notamment référé à son fameux texte de «la messe sur le monde».

François a aussi créé la surprise à la fin de cette célébration, en lançant un appel direct aux «catholiques chinois», leur demandant d'être de «bons chrétiens et de bons citoyens». Il a alors fait venir près de lui l'actuel évêque de Hong Kong, Mgr Stephen Chow, un jésuite qui sera créé cardinal à Rome le 30 septembre prochain, et son prédécesseur, le cardinal John Tong-Hon. Les plaçant de part et d'autre de lui, leur tenant fortement les bras, il a lancé son appel aux catholiques chinois, pays où il aimerait être invité. Des fidèles chinois présents dans la salle ont alors crié «salut, bonjour, vive le pape».

Texte de méditation, majeur et controversé

Juste avant, en remerciant les fidèles et les autorités religieuses et publiques pour l'accueil qu'il a reçu en Mongolie, le pape a noté que le mot «messe», «eucharistie», signifie «action de grâce», expliquant alors : «la célébrer sur cette terre m'a rappelé la prière du père jésuite Pierre Teilhard de Chardin, adressée à Dieu il y a exactement 100 ans, dans le désert d'Ordos, non loin d'ici.»

De fait, en 1923, le jésuite français qui venait de soutenir un doctorat en sciences naturelles accomplit une mission en Mongolie-Intérieure, c'est-à-dire dans la province mongole appartenant toujours à la Chine au nord de ce pays, pour le compte du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Il s'était notamment rendu dans le désert d'Ordos sur des gisements de fossiles où il découvrit des fossiles importants d'époque paléolithiques. C'est aussi lors de cette expérience que ce scientifique et théologien, acheva la composition de sa fameuse « messe sur le monde », texte de méditation, majeur et controversé, qui célébrait la nature et la création. Document dont il avait commencé la rédaction dans les tranchées de la première guerre mondiale où il était engagé comme brancardier.

Polémiques

Dimanche, François a cité explicitement son confrère jésuite : «Il dit ainsi : 'Je me prosterne, ô Seigneur, devant votre Présence dans l'Univers devenu ardent et, sous les traits de tout ce que je rencontrerai, et de tout ce qui m'arrivera, et de tout ce que je réaliserai en ce jour, je vous désire et je vous attends'».

Et d'expliquer : «Le Père Teilhard était engagé dans des recherches géologiques. Il désirait ardemment célébrer la Messe, mais il n'avait ni pain ni vin avec lui. C'est alors qu'il composa sa “Messe sur le monde”, exprimant ainsi son offrande : “Recevez, Seigneur, cette Hostie totale que la Création, mue par votre attrait, vous présente à l'aube nouvelle.” Une prière similaire était déjà née en lui alors qu'il se trouvait au front pendant la Première Guerre mondiale, où il travaillait comme brancardier. »

Le pape revenant sur la polémique soulevée par ce texte à l'époque l'a justifié : «Ce prêtre, souvent incompris, avait l'intuition que “l'Eucharistie est toujours célébrée, en un sens, sur l'autel du monde” et qu'elle est “le centre vital de l'univers, le foyer débordant d'amour et de vie inépuisables” (Enc. Laudato si', n. 236), même à notre époque de tensions et de guerres.»

Le pape a alors conclu : «Prions donc aujourd'hui avec les paroles du père Teilhard : “Verbe étincelant, Puissance ardente, Vous qui pétrissez le Multiple pour lui insuffler votre vie, abaissez, je vous prie, sur nous, vos mains puissantes, vos mains prévenantes, vos mains omniprésentes” ».

Langage de vérité

Après Benoît XVI qui avait déjà salué le génie de ce théologien pourtant condamné à deux reprises pour certains de ses écrits sur le «péché originel» par le Saint-Office, François avait déjà cité Teilhard de Chardin dans son encyclique «Laudato Si» consacrée à l'écologie intégrale en 2015. Deux ans plus tard, le Conseil pontifical pour la culture, le ministère de la culture du Vatican, avait voté une proposition, transmise à François, de modifier l'avertissement, un « monitum » du Saint-Office, émis en 1955, année de sa mort, et 1962, contre Pierre Teilhard de Chardin à qui l'ordre des jésuites avait préalablement demandé de suspendre ses enseignements théologiques pour ne se consacrer qu'à ses recherches scientifiques.

Avant de célébrer la messe à Oulan-Bator, le pape, attendu lundi soir à Rome, avait participé à une rencontre intereligieuse en présence de douze représentants d'autres religions ou confessions chrétiennes. Dont le représentant bouddhiste, d'obédience tibétaine, Kamba Nomun Khan, abbé du monastère bouddhiste de Gandan. Ce dernier n'a pas caché, dans son discours, les « persécutions » dont les bouddhistes ont été l'objet dans ce pays quand il était sous le joug communiste russe et où les moines furent massacrés par milliers. Les bouddhistes représentent aujourd'hui 52 % de la population de ce pays de 3,4 millions d'habitants.

Le leader bouddhiste a aussi mentionné l'importance de la découverte, par le Dalaï-Lama, en 2016, en Mongolie de la «10° réincarnation du Bogd» considéré comme le troisième personnage le plus important dans la spiritualité bouddhiste, après le Dalaï-Lama et le Panchen-Lama. Ce jeune garçon mongol qui vit à présent aux côtés du Dalaï-Lama et pourrait jouer un rôle décisif dans sa succession contre l'avis de la Chine qui a toutefois un autre candidat après fait avoir disparaître un autre jeune garçon qui avait été pressenti par l'actuel Dalaï-Lama, âgé de 88 ans, pour lui succéder.

 

Sur Teilhard, on peut lire (ou relire) cet article paru sur Famille Chrétienne (archive du 16 avril 2005):

Que reste-t-il de Teilhard de Chardin ?

Iconoclaste, ou idéaliste ? Cinquante ans après la mort de Pierre Teilhard de Chardin, le 10 avril 1955, son oeuvre reste controversée. Alors que plusieurs colloques (1) se tiennent sur l'auteur du Phénomène humain, deux spécialistes de sa pensée, le dominicain Jacques Arnould et le philosophe Dominique Tassot, débattent pour nous de l'actualité de sa pensée.

"On peut être passionné par la vie et l'oeuvre de Teilhard sans être teilhardien, et du reste je ne le suis pas moi-même, affirme-t-il. Ma biographie n'est pas une illustration de la pensée de Teilhard, mais une tentative pour appréhender la complexité et les contradictions de cet homme extraordinaire.

"Comme tout penseur non systématique où l'intuition poétique est aussi importante que la démonstration, il a posé des jalons, et ceux-ci méritent qu'on s'y arrête..."

Dominique Tassot

Ingénieur agronome passionné par les questions de l'évolution, ayant passé sur le tard un doctorat de philosophie, Dominique Tassot est l'auteur de La Bible au risque de la science, de Galilée au Père Lagrange (chez François-Xavier de Guibert, en 1997, ouvrage préfacé par l'historien Pierre Chaunu).

Ce catholique intransigeant y retrace l'histoire des relations tumultueuses entre la vision de la Création défendue par l'Eglise et la conception matérialiste du monde.

"Au-delà de la fascination que l'on peut légitimement ressentir pour sa vie et sa pensée, explique-t-il, l'adhésion trop rapide aux idées de Teilhard nous rend assez faibles devant le lavage de cerveau qui, aujourd'hui, fait parfois de la science une idéologie."

De nombreux colloques sont organisés sur Teilhard de Chardin, auxquels des personnalités du monde catholique participent. Quelle est aujourd'hui la position officielle de l'Eglise sur la vie et l'Oeuvre du jésuite ?

Jacques Arnould - En 1981, à l'occasion du centenaire de sa naissance, Rome a rappelé que les mises en garde formulées à l'égard de la pensée de Teilhard demeuraient valables. Depuis, l'Eglise ne s'est pas particulièrement exprimée sur le sujet. Ce qui ne veut pas dire que des membres du clergé ne se sont pas manifestés. Je pense au cardinal Poupard, chargé de la culture au Vatican, qui va participer à Clermont-Ferrand à des débats (1) organisés par des teilhardiens qui mettent aussi sur pied des voyages sur les hauts lieux de recherche de Teilhard, de Rome à Pékin, en passant par Paris.

Dominique Tassot - Cette réaffirmation de 1981 est fondée sur le monitum de Rome - littéralement : "avertissement" - en 1962. Ce monitum stipulait qu'il y avait dans cette oeuvre de telles "ambiguïtés" et des "erreurs si graves" qu'elle obligeait à limiter sa diffusion pour des raisons théologiques.

Bien entendu, il faut distinguer l'homme Teilhard du philosophe et du scientifique. Le jugement de l'Eglise n'est pas le même sur ces différents aspects. Je crois que l'on peut dire que l'Eglise a manifesté un grand respect vis-à-vis de son activité scientifique, et une grande réserve concernant ses idées.

Quels sont donc les points de désaccords fondamentaux ?

D. T. - Le point de départ de la pensée de Teilhard de Chardin, c'est la théorie de l'évolution. Il cherche à mettre en accord sa pensée chrétienne avec ce qu'il pensait être le résultat de la pensée scientifique de l'époque, dominée par le darwinisme et la théorie de l'évolution graduelle. Pour Teilhard, tout est évolution. Tous les autres dogmes doivent être réinterprétés à cette aune. C'est la seule chose, en définitive, à laquelle il croit vraiment.

Dans ce cadre, la question du péché originel et du rôle d'Adam comme premier homme est remaniée. Il y a là une divergence radicale entre l'enseignement de la théologie catholique et sa pensée.

J. A. - Il est vrai que le facteur déclenchant de l'affaire Teilhard est la note de 1922 où il se demande s'il faut lire les récits de la Genèse comme des récits historiques. C'est là-dessus qu'il est épinglé par Rome et envoyé en Chine. C'était un point de désaccord absolu. Mais aujourd'hui, on doit pouvoir analyser ce débat plus sereinement, parce que l'Eglise a accepté de prendre en compte les travaux et hypothèses des scientifiques sur l'évolution (voir encadré "Ce que dit Jean-Paul II sur l'évolution").

Par ailleurs, un travail d'analyse des écrits de Teilhard reste à faire, car sa pensée aussi subira une évolution constante au cours de sa vie. Teilhard est le contraire d'un homme de système, il n'y a pas de dogme chez lui, ses positions varient et son vocabulaire reste souvent flou. Si quelqu'un peut m'expliquer quelle est sa pensée ultime sur l'orthogenèse (voir encadré "Petit glossaire teilhardien"), je suis preneur, tant ce concept con-cerne à la fois la science, la philosophie et la théologie. A chaque fois que je pose la question, les teilhardiens eux-mêmes bottent en touche...

D. T. - Pour moi, Teilhard est un grand intuitif, sa vision est poétique plutôt qu'intellectuelle, c'est pour cela que sa pensée est insaisissable. Ce n'est pas une oeuvre théologique, contrairement à ce que l'on dit trop souvent, mais une évocation lyrique.

A titre personnel, j'ai trouvé certaines de ses oeuvres très belles. La dimension cosmique de son christianisme est à mes yeux tout à fait juste. Mais une fois l'émotion retombée, on se demande si ses propositions sont vraies au regard de la théologie catholique.

Il est clair qu'il n'adhère pas au récit de la Genèse. Pour lui, la pression de l'évolution pousse à l'émergence de la conscience humaine. Dans ce cadre, Adam fait partie d'un continuum biologique, alors que pour le catéchisme catholique, c'est un être humain doué de facultés supérieures que nous avons perdues du fait du péché ori-ginel. Pour la pensée biblique, la création du cosmos est l'expression d'un ordre divin, quand nous avons affaire chez Teilhard à une cosmogenèse (voir encadré "Petit glossaire teilhardien"), autrement dit à un processus de création continue.

Au fond, Teilhard met entre parenthèses la théologie de la Création. Chez lui, la Création ex nihilo disparaît.

J. A. - Ce n'est pas tellement sur cette question de la Création que Teilhard se sépare le plus radicalement de l'Eglise, c'est dans son occultation du Salut. Saint Paul ne s'intéresse pas tant au premier Adam pécheur qu'au nouvel Adam sauveur. Nous sommes tous pécheurs dans un seul Adam, mais aussi nous sommes tous sauvés dans ce nouvel Adam. La question du Salut est sous-estimée par Teilhard. Chez lui, le Salut disparaît, embarqué par le progrès.

D. T. - En outre, Teilhard ne fait plus la distinction entre naturel et surnaturel, ni entre la nature et la grâce. Dans le catholicisme, la Création est un acte surnaturel. Et si on met de côté la théorie de l'évolution, le dogme catholique qui postule qu'un être supérieur et tout-puissant crée le monde ex nihilo ne fait plus difficulté.

Je crois que la science n'est pas à l'abri de l'erreur ni même de l'idéologie. Et que celle-ci n'est pas absente de la conception évolutionniste aujourd'hui dominante, y compris chez certains théologiens. On sait que les paléontologues ont pu se tromper, que leurs conceptions changent et varient en fonction de leurs découvertes mais aussi de leurs a priori idéologiques. Il me semble que Teilhard fait par trop confiance à la conception scientifique du monde.

Jusqu'à quel point un catholique peut-il revendiquer ses intuitions ?

J. A. - Le propre de Teilhard est d'abord d'avoir apporté une libération spirituelle de son vivant aux gens qu'il rencontrait. Il a ouvert à la Foi un espace de liberté. Quand il porte un regard aussi positif sur le monde, il dit à sa manière ce que Jean-Paul II dira à la sienne en 1978 : "N'ayez pas peur du monde". Teilhard nous dit : "N'ayez pas peur de la matière. Je sais bien de quoi est faite la matière. Ce n'est pas parce qu'elle vous semble impure qu'il ne faut pas vous y mettre. Il faut vous y plonger comme chrétien pour la purifier".

C'est de cette matière-là que part tout un phénomène d'évolution et de complexification, et que les choses émergent. Dans le Catéchisme de l'Eglise catholique de 1992, on parle bien de la Création en état de cheminement dans laquelle le parfait côtoie l'imparfait.

D. T. - Je suis d'accord sur l'extraordinaire positivité qui émane de l'oeuvre de Teilhard. Néanmoins, saint Paul dit aussi : "Soyez dans le monde sans être du monde". Or, cette distinction s'efface chez Teilhard, qui juge tout à l'aune de la science. Ainsi voit-il le théologien comme un chercheur. Y compris dans le domaine moral. Mais il y a des domaines théologiques où cette démarche est fausse, parce que l'on a déjà trouvé. C'est le domaine de la Révélation.

Par exemple, quand Pie XI fait une encyclique sur le Christ Roi, Teilhard, qui est pourtant un dévot du Christ Roi, n'est pas satisfait. Pourquoi ? Parce que ce Christ Roi est un Christ venu expier le péché. Pour lui, l'Eglise retombe dans ses vieilles histoires. On ne convertira jamais le monde avec cet esprit-là, écrit-il.

En tant que "moderniste", Teilhard a tendance à baptiser le monde tel qu'il est et à prôner l'action pour l'action. Il oublie la conversion qu'induit le baptême. Finalement, puisque tout converge, à la fin on se retrouvera....

Le mal n'est plus qu'un "accident de parcours" dans cette vision-là ?

D. T. - Le mal n'a pas chez Teilhard la consistance métaphysique qu'il a dans la doctrine catholique. Cette absence théologique apparaît dans son rapport à la morale chrétienne, jusque dans sa vie elle-même, par exemple dans ses rapports avec Henri de Monfreid, l'aventurier qui faisait des affaires en mer Rouge. On sent chez Teilhard une suspension du jugement. Non que lui-même soit amoral, bien au contraire, mais il donne parfois l'impression de chercher une troisième voie, celle d'une morale suprahumaine. Il affirme d'ailleurs dans une de ses lettres sur l'Histoire de l'Eglise que celle-ci doit évoluer "inévitablement", et prônera une réforme qui n'est plus seulement une simple affaire d'institution et de mœurs, mais de Foi.

Dans ce cadre, les actes ne sont pas bons ou mauvais en soi : il y a une positivité de ce qui arrive, puisque c'est l'évolution qui l'a voulu. Ce qui explique qu'il a été très souvent bien vu de ceux "d'en face", non chrétiens, qu'ils soient athées ou marxistes. Je pense à Jacques Mitterrand, un franc-maçon, qui, en 1981, verra en Teilhard un homme "moralement libre et intellectuellement libéré" parce que dépourvu de dogme du point de vue religieux. Ce 7 avril à l'Onu, des mondialistes non chrétiens vont faire l'éloge de Teilhard (1). On ne peut pas dire que ce soient des amis de l'Eglise...

J. A. - Il est indéniable que le mode d'appréhension teilhardien du monde laisse la porte ouverte à une forme de panthéisme. Mais Teilhard est conscient de cette tenta-tion ; il en parle d'ailleurs après son séjour en Egypte. Ce qui explique aussi qu'il soit récupéré par des courants non chrétiens.

D'où l'intérêt pour nous de rappeler que Teilhard est d'abord chrétien. On ne comprend pas sa démarche si on ne voit pas que le centre et l'axe de sa pensée restent le Christ et l'Eglise. Teilhard est résolument catholique. Sa visite à Rome en 1948 est même surprenante : il a des propos sur Rome qui sont définitifs. Si ce n'était pas le cas, il aurait cédé à tous ceux qui voulaient le faire sortir de l'Eglise.

Néanmoins, je crois qu'il ne faut pas écarter trop vite les questions théologiques qu'il a suggérées. Par exemple, concernant la question du mal, je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui les théologiens seraient très à leur aise. La vision positiviste de la vie où le mal est comme noyé dans l'évolution a été écartée par l'Eglise. Mais qu'avons-nous d'autre à proposer ?

La "mondialisation heureuse" que l'on nous propose parfois n'a-t-elle pas des accents teilhardiens ?

J. A. - C'est vrai que Teilhard, qui ne peut pas ne pas croire à la positivité de l'avenir, sans laquelle toute sa vision du monde s'écroule, a beaucoup sacrifié au mythe du Progrès. On peut dire qu'il est mondialiste avant l'heure, au sens où il a exprimé une vision ultrapositive de l'huma-nité qui converge vers l'unité.

Je ne partage pas complètement son optimisme, mais c'est une intuition intéressante, même si le mythe du Progrès est aujourd'hui très relativisé. Le paradoxe de Teilhard est que, aussi assuré soit-il de l'infaillibilité de l'avenir, il sera en même temps très volontariste. Ainsi est-il partisan d'une certaine forme d'eugénisme. En tant que catholique, il est évidemment impossible de le suivre sur ce terrain-là.

Mais au-delà de ce que l'on peut rejeter chez lui, il faut voir son travail comme une incitation à penser l'avenir. L'Eglise a besoin de ce rapport au monde fait d'ouverture et de courage.

D. T. - Son personnage a eu un effet très positif, parce qu'il a contribué à faire tomber les préjugés. Jésuite qui allait sur le terrain, il a montré que l'on pouvait être à la fois un scientifique et un mystique fervent.

Sa pensée est évidemment plus critiquable. Je crois que l'on peut accéder à une dimension cosmique et lyrique de la Création et du christianisme sans oublier que c'est la participation à l'unique sacrifice du Christ qui rachète la faute originelle.

Teilhard dit qu'il faut réinterpréter toutes les vérités chrétiennes... je crois qu'il faut surtout les approfondir.

 

A télécharger (PDF)Pensée philosophique et religieuse du Père Teilhard de Chardin (1962) par Dom Georges Frenaud, moine de Solesmes

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