L'identité du prochain pape selon "Demos II" (29/02/2024)

De la Nuova Bussola Quotidiana :

L'identité du prochain pape : notes d'un cardinal

Deux ans après le texte signé 'Demos' (dont il a été révélé par la suite qu'il avait été écrit par le Cardinal Pell), un nouveau document anonyme, lié au premier, définit les sept priorités du prochain Conclave pour réparer la confusion et la crise créées par ce Pontificat.

- L'identikit del prossimo Papa (I) II A Profile of the Next Pope (EN) II "Retrato robot" del próximo Papa (ES) II Identität des nächsten Papstes (D) II Identyfikacja następnego papieża (PL)

29_02_2024

Le Nuova Bussola Quotidiana publie un document exclusif en six langues, destiné à circuler parmi les cardinaux en vue du prochain conclave et parmi les fidèles comme matière à réflexion sur les priorités de l'Eglise. Le texte a été rédigé principalement par un cardinal qui a recueilli les suggestions d'autres cardinaux et évêques. Ceux-ci ont choisi de rester anonymes pour les raisons expliquées dans la lettre.

LE VATICAN DEMAIN

En mars 2022 parut un texte anonyme signé « Demos » et intitulé « Le Vatican aujourd’hui » qui soulevait un certain nombre de questions graves et de critiques à propos du pontificat du pape FrançoisOr, la situation de l’Église depuis la parution de ce texte n’a que peu changé, et certainement pas en mieux. Les pensées ci-dessous visent donc à repartir de ces réflexions originelles pour en bâtir d’autres à la lumière des besoins de l’Église de demain.

Les dernières années d’un pontificat, quel qu’il soit, sont l’occasion d’évaluer la situation actuelle de l’Église, ainsi que les besoins futurs de l’Église et de ses fidèles. Il est clair que la force du pontificat du pape François est l’accent particulier qu’il a mis sur la compassion envers les plus fragiles, l’aide aux pauvres et aux marginalisés, le souci de la dignité de la création et des problèmes qui en découlent pour l’environnement, ainsi que les efforts pour accompagner ceux et celles qui sont en souffrance et portent des fardeaux insupportables.

Les limites de ce pontificat sont tout aussi évidentes : un style de gouvernance autocratique et parfois en apparence vindicatif, une incurie juridique, une intolérance envers tout désaccord, fût-il respectueux, et – plus grave encore – une tendance constante à l’ambiguïté en matière de foi et de mœurs qui sème la confusion parmi les fidèles. Or, la confusion engendre la division et le conflit ; elle mine la confiance dans la Parole de Dieu ; et elle affaiblit le témoignage évangélique. Le résultat, aujourd’hui, est une Église plus divisée que jamais dans son histoire récente.

Le pontificat suivant aura donc comme tâche celle de retrouver et de rétablir les vérités qui se sont progressivement obscurcies ou perdues chez beaucoup de chrétiens. Parmi ces vérités, on trouve entre autres celles-ci : (a) nul ne peut être sauvé que par Jésus-Christ, et Lui seul, comme il l’a lui-même clairement énoncé ; (b) Dieu est miséricordieux, mais Il est aussi juste ; Il a le souci de chaque vie humaine en particulier, ce qui veut dire qu’Il nous pardonne, mais qu’Il nous demandera aussi des comptes ; (c) l’homme, créature de Dieu, ne s’invente pas lui-même ; il est une créature dotée non seulement d’émotions et d’appétits, mais aussi d’intelligence, de libre arbitre, et d’une destinée éternelle ; (d) il existe des vérités objectives et immuables sur le monde et la nature humaine, qui peuvent être connues à travers la Révélation Divine et par l’exercice de la raison ; (e) la Parole de Dieu consignée dans la Sainte Écriture est fiable et a une force permanente ; (f) le péché existe réellement et ses effets sont mortels ; et enfin, (g) l’Église de Dieu a à la fois l’autorité et le devoir de « faire de toutes les nations des disciples ». Si l’on n’embrasse pas joyeusement ce travail d’amour missionnaire et salvifique, cela a de réelles conséquences. Comme dit Paul en 1 Cor 9, 16 : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! »

De la tâche et de la liste que l’on vient d’établir découlent quelques observations pratiques.

Premièrement : en pratique, tout autoritarisme sape l’autorité elle-même. Le Pape est le Successeur de Pierre et le garant de l’unité de l’Église. Mais il n’est pas un autocrate. Il ne peut pas changer la doctrine de l’Église et il ne doit pas non plus en inventer ou en changer la discipline de façon arbitraire. Il doit la gouverner collégialement avec ses frères évêques dans leurs diocèses particuliers. Et il doit toujours le faire en fidélité continue à la Parole de Dieu et au Magistère de l’Église. Les « paradigmes nouveaux » et « nouveaux sentiers inexplorés » qui s’écartent de l’une ou de l’autre ne sont pas de Dieu. Le nouveau Pape devra revenir à l’herméneutique de continuité dans la vie catholique et réaffirmer la compréhension qu’a Vatican II du rôle propre de la papauté.

Deuxièmement : si l’Église n’est pas une autocratie, elle n’est pas non plus une démocratie. L’Église appartient à Jésus-Christ : elle est son Église. Elle est le Corps mystique du Christ, composé d’une multitude de membres. Nous n’avons aucune autorité pour en remodeler les enseignements et les adapter plus commodément au monde. En outre, le sensus fidelium catholique n’est une question ni de sondages, ni même d’opinion majoritaire parmi les baptisés. Il ne se trouve vraiment que chez ceux et celles qui croient vraiment et mettent activement en pratique la foi et les enseignements de l’Église, ou du moins, s’y efforcent avec sincérité.

Troisièmement : l’ambigüité n’est ni évangélique ni signe d’accueil. Bien plutôt, elle sème le doute et nourrit des pulsions schismatiques. L’Église est une communauté non seulement de la Parole et des sacrements, mais aussi de foi. Ce que nous croyons aide à nous définir et nous soutenir. Ainsi, les questions de doctrines ne sont ni des fardeaux imposés par des « docteurs de la Loi » insensibles, ni des à-côtés exagérément intellectuels de la vie chrétienne. Au contraire, elles sont indispensables pour vivre une vie chrétienne authentique, parce qu’elles concernent l’application de la vérité, et que la vérité demande de la clarté, non des nuances ambivalentes. Dès le départ, ce pontificat s’est posé en opposition à la force évangélisatrice et à la clarté intellectuelle de ses prédécesseurs immédiats. Le démantèlement et la réorientation de l’Institut pontifical Jean-Paul II d’études sur le mariage et la famille à Rome, tout comme la mise à l’écart de textes comme Veritatis Splendor, sont des signes que la « compassion » et les émotions ont été exaltées aux dépens de la raison, de la justice et de la vérité. Pour une communauté de foi, c’est à la fois malsain et périlleux.

Quatrièmement : l’Église catholique, en plus d’être une communauté de la Parole, des sacrements et de foi, est aussi une communauté juridique. Le droit canon ordonne la vie de l’Église, harmonise ses institutions et ses procédures, et garantit les droits des fidèles. Or, parmi les notes du pontificat actuel, on trouve un recours excessif aux motu proprio comme outil de gouvernance, ainsi qu’une incurie et une aversion en général envers les détails du droit canon. Ici encore, comme pour l’ambiguïté de la doctrine, le mépris pour le droit canon et la juste procédure canonique sapent la confiance dans la pureté de la mission de l’Église.  

Cinquièmement : l’Église, telle que Jean XXIII en dressa le magnifique portrait, est mater et magistra, « mère et éducatrice » de l’humanité, non sa domestique obséquieuse ; elle défend l’homme comme sujet de l’histoire, non comme son objet. Elle est l’épouse du Christ ; elle est de nature personnelle, surnaturelle et intime, non pas simplement institutionnelle. Elle ne peut jamais se réduire à un système d’éthique flexible ou à d’analyse sociologique, à remodeler au gré des instincts et des appétits (et des confusions sur le plan sexuel) d’une certaine époque. L’un des défauts principaux de ce pontificat est d’avoir abandonné une « théologie du corps » convaincante, ainsi que son manque d’anthropologie chrétienne persuasive, et ce, alors même que les attaques contre la nature et l’identité humaines sont en plein essor, du transgendérisme au transhumanisme.

Sixièmement : les voyages planétaires d’un pasteur comme le pape Jean-Paul II lui ont été de grande aide à cause de ses dons personnels et des circonstances de l’époque. Mais les temps ont changé. L’Église en Italie et à travers l’Europe – berceau historique de la foi – est en crise. Le Vatican lui-même a un urgent besoin d’un enthousiasme renouvelé, d’une purification de ses institutions, de ses procédures et de son personnel, ainsi que d’une réforme financière complète, pour faire face à un futur qui ne manquera pas de défis. Ce ne sont pas là des affaires de petite envergure. Elles exigent la présence, l’attention directe et l’engagement personnel de tout nouveau pape.

Septièmement, enfin : le Collège des cardinaux existe pour fournir des conseillers principaux au pape et, à sa mort, pour élire son successeur. Ce service exige des hommes au caractère trempé, dotés d’une formation théologique solide, d’une bonne expérience de gouvernement et de sainteté personnelle. Il exige aussi que le pape soit prêt à se solliciter les conseils et à les écouter. Il n’est pas clair dans quelle mesure ceci vaut pour le pontificat du pape François. Le pontificat actuel a placé l’accent sur la diversification du Collège, mais il a échoué à rassembler les cardinaux dans des consistoires réguliers visant une collégialité réelle et une confiance fraternelle. Par conséquent, bon nombre d’électeurs ayant droit de vote au prochain conclave ne se connaîtront pas vraiment les uns les autres, et pourront donc être plus sujets à manipulation. À l’avenir, si le Collège doit réellement être servir, les cardinaux qui le composent auront besoin de bien plus qu’une calotte rouge et un anneau. L’actuel Collège des cardinaux devrait être plus moteur pour que ceux-ci apprennent à mieux se connaître les uns les autres, afin de mieux comprendre leurs vues sur l’Eglise, leurs situations ecclésiales particulières et leurs personnalités – ce qui jouera sur leur choix du nouveau pape.

Les lecteurs se demanderont bien sûr pourquoi ce texte est anonyme. La réponse devrait être évidente au regard de l’ambiance actuelle à Rome. La franchise n’y est pas la bienvenue, et le fait d’en avoir peut avoir des conséquences néfastes. Et pourtant, on pourrait poursuivre ces réflexions à loisir, par exemple, en notant combien le pontificat actuel dépend beaucoup de la Compagnie de Jésus, ou bien le travail problématique récent du cardinal Victor Manuel Fernández du DDF, ou encore l’émergence d’une petite oligarchie de confidents ayant trop d’influence au Vatican – et ce, en dépit des prétentions décentralisatrices de la synodalité, entre autres.

C’est précisément pour toutes ces raisons que les réflexions sous forme d’avertissement menées ici pourront s’avérer utiles dans les mois à venir. On espère que cette contribution pourra aider à guider les indispensables échanges sur ce à quoi le Vatican devrait ressembler pendant le pontificat suivant.

Demos II

Stefano Fontana commente :

"Démos II, une invitation à revenir au cœur de la religion catholique

Encore un document du samizdat ecclésial qui exprime un sentiment de découragement spirituel face à la situation actuelle de l'Église. Il indique ainsi la voie à suivre pour l'avenir, qui devra être différent de ce pontificat.

Un autre document d'un cardinal anonyme, s'exprimant en tant que porte-parole des autres, sur le pontificat de François jugé désastreux. Cela s'était déjà produit avec le rapport signé "Demos" et intitulé "Le Vatican d'aujourd'hui", dont l'auteur, longtemps considéré comme inconnu, a ensuite été identifié comme le cardinal Pell. Cette deuxième phase s'appelle "Demos II" et s'intitule "Le Vatican de demain", ce qui indique une continuité évidente avec la précédente.

Un nouvel épisode de communication clandestine, un texte underground, une sorte de samizdat ecclésiastique et cardinalice, imprégné, entre autres, d'un profond sentiment de tristesse, précisément à cause de la contrainte de l'anonymat. La raison en est rappelée avec désolation à la fin : "Les lecteurs se demanderont à juste titre pourquoi ce texte est anonyme. La réponse devrait être évidente pour quiconque connaît l'environnement romain actuel. La sincérité n'est pas bien acceptée et ses conséquences peuvent être désagréables".

Ce sentiment d'abattement et de désolation imprègne l'ensemble du document. Il ne s'agit pas d'un sentiment psychologique mais spirituel, comme lorsqu'on est confronté à un malaise généralisé qui affecte les âmes. Ce triste désarroi émerge des lignes de ce texte à au moins deux niveaux distincts. Le premier concerne les attitudes de François, sa praxis pontificale, certes dépendante de son caractère personnel mais aussi liée à sa façon de voir la réalité, y compris celle de la papauté. Ses méthodes autoritaires, imposantes et même, lit-on dans le document, "vindicatives". Son insistance à semer des doutes qui rendent difficile de "rester debout" dans la foi, crée des divisions et des conflits dont le résultat est aujourd'hui "une Église plus fracturée qu'à n'importe quel autre moment de l'histoire". L'accent mis sur les "nouveaux paradigmes" et les "nouvelles voies inexplorées", la poursuite du nouveau pour le bien du nouveau. L'ambiguïté de ses déclarations, l'utilisation de slogans dépourvus de contenu théologique et une nouvelle rhétorique sentimentale et imaginative pleine de "nuances ambivalentes". Les purges au sein de la curie, les nominations politiques de ses copains et la protection de ses amis et partisans, le mépris de la loi souvent contournée, les liens excessifs avec la Compagnie de Jésus. L'incapacité d'écouter et la hâte de démolir en un instant ce qui a été construit et enseigné par les prédécesseurs. La planification d'innovations souvent perturbatrices sans justification adéquate. L'utilisation de tactiques politiques. L'absence de convocation des cardinaux depuis une bonne dizaine d'années, les décisions prises dans la solitude, les actes d'intempérance. L'abaissement tragique du niveau du magistère pontifical et du magistère du Vatican.

Tous ces signes dénotent une crise généralisée et profonde, ils suscitent la tristesse et l'étonnement négatif, ils manifestent l'égarement et la confusion spirituelle. Mais ils pourraient aussi être liés à des traits de tempérament particuliers de François, attribués à son histoire personnelle et peut-être contrebalancés par d'autres attitudes telles que la "compassion pour les faibles", la "solidarité avec les pauvres", la "préoccupation pour les questions environnementales". Il ne s'agit peut-être pas de façons inquiétantes d'être et de faire, et elles ne signifient peut-être pas beaucoup plus que certaines limites personnelles. Le précédent document "Demos" était encore plus analytique et plus complet dans l'énumération des comportements douteux de François en relation avec le pontificat qu'il a exercé. Ce "Demos II" les mentionne mais ne les place pas au centre de la critique, qui se concentre plutôt sur des questions de principe. C'est pourquoi on peut dire qu'il est plus accusateur que le précédent, précisément parce qu'il se concentre davantage sur des questions décisives et essentielles.

C'est précisément le deuxième niveau d'analyse de ce texte. Les reproches adressés ici à François concernent le cœur de la religion catholique. Le rôle de la papauté est transformé et de garante de la confirmation des frères dans la foi, elle devient un "modèle d'ambiguïté en matière de foi". L'exaspération de la miséricorde de Dieu au détriment de sa justice. L'historicisation de "vérités objectives et immuables sur le monde et la nature humaine". Une herméneutique extravagante de la Parole de Dieu contenue dans les Ecritures. La révision du concept de péché. Des réserves sur la mission évangélisatrice de l'Église. Une interprétation implicite de Vatican II comme étrangère à la continuité. La vision problématique du sensus fidelium déformée par le prisme de la "théologie du peuple". La tendance à modifier les enseignements pour les adapter au monde. La sous-estimation du contenu des vérités crues et la vision de la doctrine comme rigide et abstraite. Le mépris du droit canonique. Le document insiste particulièrement sur les défauts de l'anthropologie du pape François, notamment son éloignement de la " théologie du corps " et d'une " anthropologie chrétienne convaincante "... " à une époque où les attaques contre la nature et l'identité humaines, du transgendérisme au transhumanisme, se multiplient ".

Les deux niveaux mentionnés ici, celui des attitudes personnelles, indigestes mais attribuables au caractère, et celui doctrinal, sont cependant intégrés l'un à l'autre dans "Demos II". Rien n'est dû au hasard dans ce pontificat et il n'y a pas d'accidents de parcours, d'excès de caractère ou d'héritages sud-américains. Même les contradictions ont leur raison d'être. C'est pourquoi le "Vatican de demain" devra être autre chose. Parole de "Demos II".

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