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Entrées 2013 aux séminaires : un signe des temps ?

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portrait-f65ec.jpgLa question des vocations demeure en France -comme en Belgique et ailleurs en Europe-  plus préoccupante que jamais. Mais, cette année, on compte tout de même un petit succès dans les communautés les plus traditionnelles : ainsi,  10 Français sont entrés en première année à la Fraternité Saint-Pierre, 11 à l’Institut du Christ Roi…et, last but not least, 31 à la Communauté Saint-Martin (voir notre photo ici : C’est la rentrée au Séminaire de la Communauté Saint-Martin ! )

 S’il n’y a pas de recette miracle, encore faut-il se poser les bonnes questions et savoir lire les signes des temps. Petite tentative de l’abbé Laurent Spriet (photo ci-contre)  en ce sens, dans le récent numéro du mensuel « La Nef » (octobre 2013) :

«Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises ! » Voilà une injonction particulièrement délicate à mettre en œuvre. C’est pourtant le refrain adressé par l’apôtre saint Jean aux différentes communautés chrétiennes au début du livre de l’Apocalypse. Pour y parvenir, il faut tout d’abord prêter attention aux signes que le Seigneur nous adresse à travers l’histoire, et ensuite exercer un discernement pour vérifier que le message perçu est celui que Dieu veut nous donner. C’est un exercice très difficile de décryptage (cf. Vatican II, Gaudium et spes, n. 4 et n. 11). À partir de la réalité objective des entrées de jeunes Français au séminaire ces dernières années, essayons de percevoir ce que l’Esprit Saint peut vouloir nous dire au sujet des vocations sacerdotales. Notre tentative d’analyse s’appuiera aussi sur le dernier livre de Mgr Defois intitulé Le pouvoir et la grâce (1) dans lequel l’archevêque émérite de Lille analyse le rapport des prêtres au monde et à la modernité, du concile de Trente au concile Vatican II. Un livre passionnant qui donne vraiment matière à réflexion.

État des lieux. En France, en 2012, le nombre total des candidats au sacerdoce était de 691, dont 80 issus de « communautés nouvelles » (soit 12 %) et 89 de nationalité étrangère en vue d’une incardination en France (soit 13 %). En 2000, ils étaient 976 ; en 1995 : 1155 ; en 1974 : 1509 ; et en 1966 : 4536. Le nombre d’ordinations presbytérales en 2012 était de 94 ; il y en a bon an, mal an une centaine chaque année depuis 1995 (2). Le nombre de ceux qui commençaient leur formation (3) était de 127 (247 en 1995). En 2012 toujours, 92 candidats en cours de formation ont quitté le séminaire : 7 se sont orientés vers la vie consacrée, 53 sont partis en 1er cycle (philosophie), 34 en second cycle (théologie). En 1995 le nombre de prêtres diocésains en France était de 22 500. Il est passé à 13 112 en 2011 (4).

Où se situe le problème ? La raréfaction des entrées au séminaire en France ne s’explique pas par une diminution des personnes appelées : le Seigneur ne cesse pas d’inviter les âmes à le servir dans le ministère presbytéral. La difficulté se trouve du côté des hommes. À cet égard la parabole du semeur peut nous éclairer. La semence de la vocation tombe dans des cœurs plus ou moins disposés. Le démon existe et il agit. Le monde aussi qu’il soit « moderne » ou maintenant « postmoderne ». Nous pouvons donc nous demander : qu’est-ce qui empêche la semence de porter du fruit ? Mais aussi : qu’est-ce qui aide la semence à germer ?

Le rapport au monde. Les jeunes qui entendaient un appel dans les années 50-60 étaient fascinés par la modernité. Ils voulaient rejoindre le monde pour l’évangéliser et, pour ce faire, supprimer ce qui leur semblait un obstacle pour atteindre cet objectif : quitter la soutane, être « prêtre-ouvrier », désacraliser la liturgie… Aujourd’hui il n’en est plus ainsi. La modernité ne fascine plus. Elle a montré ses limites et ses faiblesses. Le temps de l’euphorie et d’une certaine naïveté est passé. Les jeunes qui entrent au séminaire veulent même réagir face à la sécularisation de notre France. Avec le même souci apostolique au cœur que leurs aînés, ils prennent le chemin inverse : remettre la soutane, annoncer explicitement l’Évangile, célébrer la liturgie selon les directives de l’Église et la resacraliser. Les nouveaux prêtres de Michel de Saint Pierre (1964) sont les prêtres âgés d’aujourd’hui… Aussi tous les séminaires diocésains qui ressemblent encore de près ou de loin au schéma sacerdotal des années 60-70 n’attirent plus. Aujourd’hui, les jeunes n’ont pas envie de se battre pour pouvoir réciter le chapelet au séminaire ou rendre compte de leur désir d’adorer le Seigneur à la chapelle… Au contraire, ils recherchent des séminaires qui offrent une liturgie soignée (voire grégorienne et latine), une formation solide (5) et une piété authentique.

Sauver les âmes. Les jeunes séminaristes d’aujourd’hui n’ont pas peur du monde. Ils veulent l’évangéliser et ils recherchent une claire identité sacerdotale. Sans nul doute, l’Année sacerdotale célébrée en 2010 influence aujourd’hui les esprits (de façon consciente ou non). La figure du Saint Curé d’Ars comme prêtre habite les cœurs. Il s’agit non plus d’être d’abord ou principalement un « assistant social à la sauce catho », ni un « manager d’entreprise paroissiale », ni « un défenseur de valeurs pour un mieux vivre ensemble dans une société pluraliste », mais un pasteur qui appelle les âmes à la conversion et au salut éternel. Certains disent que l’image du prêtre diocésain n’est plus très claire de nos jours. C’est possible. Un jeune rentre dans un séminaire diocésain s’il veut servir de préférence son diocèse. Ce qui suppose la formation en lui d’une « conscience diocésaine » forte. Sinon il va ailleurs. De plus, comment expliquer que des jeunes issus d’un diocèse X demandent à entrer dans un diocèse Y ? La personnalité de l’évêque du diocèse Y semble prépondérante. Si cet évêque est un père et qu’il inspire confiance, et si son séminaire répond aux critères des jeunes d’aujourd’hui, alors les vocations arrivent.

Prêtre, pour quel ministère ? L’exercice du futur ministère joue aussi un rôle dans les choix actuels des séminaristes. Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas envie d’une pastorale qui confonde le rôle des laïcs et celui des clercs. Une mauvaise interprétation du Concile a sécularisé les prêtres et cléricalisé les laïcs. Le champ propre de l’apostolat des laïcs est encore trop souvent, en priorité, la sacristie et non le monde. Sans vouloir être des prêtres « cléricalistes », les aspirants au sacerdoce fuient une perspective de ministère où leur place sera niée ou entravée par des laïcs ou par des structures ecclésiales pesantes voire étouffantes (6). À force de vouloir suppléer le manque de prêtres par des laïcs on finit par étouffer les vocations au ministère presbytéral.

Un jeune peut-il avoir envie d’être prêtre quand il ne voit autour de lui que des prêtres isolés, âgés, « humiliés » par des laïcs omnipotents et omniprésents, débordés par des demandes cultuelles jugées à tort ou à raison sans lendemains apostoliques apparents ? La jeunesse attire la jeunesse. Un jeune a-t-il plutôt envie de vivre avec des confrères de sa génération ou avec ceux de la génération précédente surtout s’il ne se reconnaît pas dans leurs choix concrets ?

Autre facteur qui rentre en ligne de compte : la vie commune (7). La plupart des séminaristes ne veulent pas vivre seuls. Beaucoup recherchent une vie fraternelle et un soutien mutuel entre prêtres. Ceci peut aussi expliquer le succès des Communautés, Fraternités et autres Instituts qui attirent d’autant plus (8) qu’ils sont maintenant appelés par les évêques de France et que le temps de l’opposition ou de l’ostracisme à leur égard commence à décliner dans de nombreuses régions.

Des familles chrétiennes pour avoir des prêtres. Il semble enfin qu’il soit possible d’identifier certaines « ronces » qui viennent étouffer les vocations : des familles où la perspective d’avoir un fils prêtre est mal perçue, des familles qui voudraient qu’il y ait plus de prêtres en France mais pas chez elles. En ce sens, l’appel récurrent du bienheureux Jean-Paul II à mettre l’accent sur la pastorale familiale s’avère prophétique : plus les familles seront authentiquement catholiques en France, plus il y aura de vocations sacerdotales. Cela suppose en particulier une bonne catéchèse pour transmettre le contenu de la foi. L.S.

(1)  Le pouvoir et la grâce. Le prêtre du Concile de Trente à Vatican II, Mgr Gérard Defois, Cerf, 2013, 396 pages, 26 e. (2) En 1878 il y avait 1615 ordinations, 1518 en 1904, 825 en 1913, 999 en 1951, 575 en 1960, 155 en 1975, 142 en 2000, 98 en 2008, 106 en 2011. La première grande fracture a lieu avant le Concile et la deuxième après. (3) Hors « propédeutique » et hors communautés type Fraternité Saint-Pierre ou Saint-Martin. (4) Source de ces chiffres : Conférence des Évêques de France (CEF). (5) Selon les directives du dernier Concile et de Pastores dabo vobis. (6) Cf. Mgr Ouellet, Actualité et avenir du Concile œcuménique Vatican II, L’Échelle de Jacob, 2012, p 114 et le discours de Benoît XVI le 21 septembre 2012 aux évêques français en visite ad limina à Rome. (7) Cf. Benoît XVI, Lumière du monde, Bayard, 2010, p 196. (8) En septembre 2013, 10 Français entrent à la Fraternité Saint-Pierre, 11 à l’Institut du Christ Roi, 31 à la Communauté Saint-Martin. 

Référence ici Entrées 2013 aux séminaires : un signe des temps ? L’abbé Laurent Spriet, prêtre diocésain, est chapelain à l’église Saint-Georges, à Lyon.

JPSC

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