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Ce que Titouan, au travers d'une très brève existence, pourrait nous dire

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Emmanuel Sapin, chirurgien pédiatre et Néonatale, explique quelles questions éthiques et médicales posent le cas du petit Titouan sur Figaro Vox :

Ce que nous dit le cas du petit Titouan, enfant très prématuré

Une décision vient d'être prise pour Titouan, petit garçon né très prématurément chez lequel ont été détectées des complications lourdes de conséquences. L'attitude d'arrêter la réanimation et d'accompagner la fin de vie de ce petit garçon tout juste né a été décidée en accord avec ses parents - et sur leur demande - et les personnes du Service de néonatalogie qui s'occupaient de lui au CHU de Poitiers.

Envisager la fin de vie de quelqu'un au tout début de sa vie est une épreuve extrêmement douloureuse, et demande une démarche qui n'est ni naturelle ni aisée, que ce soit pour les parents ou pour les soignants.

Une naissance très prématurée ne permet pas que le développement normal des fonctions des organes soit suffisant pour que le nouveau-né puisse s'adapter au défi de la vie néonatale hors de l'atmosphère protectrice de l'utérus maternel. Dans les cas de grande prématurité, dès la naissance, cet enfant considéré comme une personne membre à part entière de la société, bénéficie des premiers soins pour lui donner ses chances. Si, aujourd'hui, de nombreux nouveau-nés vont évoluer favorablement, dans certains cas, le nouveau-né ne survivra pas et dans d'autres cas, certains survivront, malheureusement, au prix de très lourds handicaps, en grande dépendance, en faisant porter un très lourd fardeau sur les épaules de leurs parents, de leur famille. Les soins apportés durant les premières semaines doivent-ils, en ces cas, être considérés comme de l'acharnement thérapeutique? Le problème qui a été posé par l'état de santé de Titouan à ses parents et aux médecins-réanimateurs néonatalogistes est que les examens effectués ont décelé de grosses anomalies (hémorragie intra-cérébrale grave) compromettant lourdement ses chances de survie. Titouan encore non autonome était alors encore dépendant d'un traitement de support vital. Dans l'intérêt de l'enfant, et de sa famille, la poursuite de la réanimation a été considérée comme une obstination déraisonnable.

Dans de telles situations, en l'absence de possibilité thérapeutique, se pose le problème d'une attitude qui pourrait entrainer la mort du nouveau-né. Le décès peut résulter de l'abstention de réanimation, de l'arrêt de réanimation nécessaire au maintien de la vie, ou de l'interruption de vie. Mais il existe une différence entre ces trois attitudes. L'abstention ou l'arrêt d'une réanimation correspondent au refus ou à l'arrêt d'un artifice pour laisser l'évolution suivre son cours naturel. C'est donc, ici, l'état physique du nouveau-né qui est cause de sa mort, et non l'absence ou l'arrêt de la réanimation. Par contre, lorsqu'un nouveau-né a acquis son autonomie de vie, en particulier respiratoire, décider d'un arrêt de vie en raison de handicaps présents et futurs escomptés, relève de l'euthanasie. Or, La perspective d'un handicap, comme la qualité de vie, peut être très diversement appréhendée. Pourtant il ne diminue en rien la dignité d'une personne.

La Loi de Léonetti de 2005, demande, dans cette situation, d'impliquer les parents de l'enfant dans le processus de décision. Ne pas supporter de voir son enfant souffrir ou d'envisager de lourdes souffrances futures peut faire considérer aux parents de l'enfant la réanimation comme insupportable. Le médecin a le devoir d'écouter ces parents et de fournir une information claire, appropriée et loyale. Ainsi, dans le cas de Titouan, ses parents ont considéré qu'il n'était pas raisonnable de poursuivre les soins puisque la situation de leur enfant ne permettait pas d'envisager une évolution favorable.

Le délai entre l'expression de leur ressenti et la décision de l'équipe médicale d'un arrêt de soin a été pour ces parents vécue très douloureusement. Ce temps écoulé est, cependant, nécessaire pour permettre un cheminement au-delà d'un choix qui pourrait s'avérer transitoire pris dans un état de détresse et qu'ils pourraient ensuite se reprocher, vivre comme un remords. Ce temps écoulé, mal vécu sur le coup, pourra les aider dans le processus de deuil qu'ils auront à vivre ensuite. La Loi de 2005 permet ainsi, dans ces situations dramatiques de redonner aux parents leur rôle de parents qui ne sont pas exclus des décisions concernant l'avenir de leur enfant.

Je voudrais dire aux parents de Titouan que je comprends leur peine et je leur adresse toute ma sympathie. Au travers de sa si courte existence, Titouan pourrait nous dire: «Je n'ai pas subi d'acharnement thérapeutique de la part de ceux qui se sont occupés de moi ; le délai entre le choix exprimé par mes parents et la décision prise par l'équipe médicale, leur permettra, je l'espère, de se souvenir que leur décision a été murie, en pensant à moi ; elle n'a pas été un geste d'euthanasie mais une attitude raisonnable en laissant le cours naturel de ma petite vie aller à son terme».

Emmanuel Sapin sera à Bruxelles, le 23 octobre pour donner une conférence :

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