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Le pape incite les évêques italiens à aller à contre-courant

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De Radio Vatican :

Le Pape appelle les évêques italiens à être à contre-courant

(RV) « Notre vocation chrétienne et épiscopale est celle d’aller à contre-courant » : le Pape François s’est adressé aux évêques italiens lundi après-midi dans la salle du synode du Vatican à l’occasion de leur 68e assemblée générale. C’est par le biais de réflexions générales que le Pape leur a adressé quelques critiques indirectes. Son discours était centré sur ce qu’est la « sensibilité ecclésiale » que doivent posséder les évêques. (Ecouter les précisions de Xavier Sartre sur le site de Radio Vatican)

C’est par l’humour que François a débuté cette rencontre. Revenant sur l’évangile de Marc lu précédemment, dans lequel l’évangéliste insiste sur le fait que Marie-Madeleine a abrité sept démons, le Pape s’est alors exclamé : « et moi, combien en ai-je accueillis ? et je me tais ». S’il a remercié son auditoire pour avoir choisi comme thème de cette rencontre son exhortation apostolique « Evangelii Gaudium », il n’a pas hésité à brosser le portrait du bon évêque. Autrement dit, celui qui doit être témoin joyeux du Christ Ressuscité pour transmettre joie et espoir aux autres.

« Il nous est demandé de consoler, d’aider, d’encourager sans aucune distinction tous nos frères oppressés sous le poids de leur croix, les accompagnant, sans jamais se fatiguer, d’agir pour les soulager avec la force qui nous vient seulement de Dieu ». C’est pourquoi, a regretté le Pape, « c’est une mauvaise chose que de voir une personne consacrée abattue, démotivée ou éteinte : elle est comme un puits où les gens ne trouve plus d’eau pour se désaltérer. » 

Mais le cœur de la réflexion du Pape ce lundi était cette « sensibilité ecclésiale », autrement dit « l’appropriation des sentiments mêmes du Christ, à savoir l’humilité, la compassion, la miséricorde, le caractère concret, la charité concrètedu Christ, et la sagesse ». Le Pape a alors rappelé aux évêques italiens quelques-uns de leurs devoirs : celui d’oser « dénoncer et combattre une mentalité diffuse de corruption publique et privée qui est parvenue à appauvrir, sans aucune honte, des familles, des retraités, d’honnêtes travailleurs, des communautés chrétiennes, jetant les jeunes systématiquement privés de tout espoir concernant leur futur, et surtout marginalisant les faibles et les personnes dans le besoin ». C’est pourquoi il est primordial que les évêques sortent vers le peuple de Dieu pour « le défendre des colonisations idéologiques qui lui enlèvent l’identité et la dignité humaine ».

Autre travers dénoncé par le Pape : la propension à rédiger des documents abscons qui privilégie « l’aspect théorico-doctrinal abstrait ». Il faut au contraire « poursuivre l’effort de les traduire en propositions concrètes et compréhensibles ».

François invite également l’épiscopat italien à laisser toute leur place aux « laïcs disposés à assumer les responsabilités qui leur incombent ». Bien plus que d’un évêque-pilote, « ils ont besoin de l’évêque-pasteur ».

Le Pape ne manque pas non plus de fustiger la manière dont sont gérés les programmes diocésains, notamment « quand on organise une conférence ou un événement qui met en évidence les voix habituelles, et qui intoxique les communautés, homologuant les choix, les opinions et les personnes, plutôt que de se laisser porter vers ces horizons où l'Esprit Saint nous demande d'aller ».

Enfin, le Pape s’est inquiété d’un phénomène qui démontre selon lui de l’absence de sensibilité ecclésiale : celui qui consiste à laisser « vieillir autant d’instituts religieux, de monastères et de congrégations, au point qu’il n’y ait plus de témoignages évangéliques fidèles au charisme fondateur. » « Pourquoi n’essaie-t-on pas de les unifier avant qu’il ne soit trop tard ? ».

Si le Pape a bien tenu à souligner que ces réflexions lui sont venues après avoir accueilli tant de délégations d’évêques du monde et s’être rendu compte que ces problèmes sont mondiaux, c’est bien aux évêques italiens qu’il s’est adressé, les laissant débattre et poser toutes les questions qu’ils voulaient.

Discours du pape François

Chers frères, bon après-midi !

Je vous salue tous et je salue les nouveaux évêques nommés après la dernière Assemblée, ainsi que les deux nouveaux cardinaux, aussi créés après la dernière Assemblée.

Quand j’entends ce passage de l’Évangile de Marc, je pense : mais ce Marc en a après Madeleine ! Parce que, jusqu’au dernier moment, il nous rappelle qu’elle avait eu sept démons. Mais ensuite, je pense : et moi, combien en ai-je eu ? Et je reste sans voix.

Je voudrais avant tout vous exprimer mes remerciements pour cette rencontre et pour le thème que vous avez choisi : l’exhortation apostolique Evangelii gaudium.

La joie de l’Évangile, en ce moment historique où nous sommes souvent cernés par des nouvelles décourageantes, par des situations locales et internationales qui nous font éprouver affliction et tribulations – dans ce cadre qui est réellement peu réconfortant – notre vocation chrétienne et épiscopale est d’aller à contre-courant : c’est-à-dire d’être des témoins joyeux du Christ ressuscité pour transmettre aux autres la joie et l’espérance. Notre vocation est d’écouter ce que le Seigneur nous demande : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu » (Is 40,1). En effet, il nous est demandé de consoler, d’aider, d’encourager, sans aucune distinction, tous nos frères opprimés sous le poids de leurs croix, en les accompagnant, sans jamais nous lasser d’œuvrer pour les soulager avec la force qui ne vient que de Dieu.

Jésus aussi nous dit : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens » (Mt 5, 13). C’est très triste de rencontrer un consacré abattu, démotivé ou éteint : il est comme un puits sec où les gens ne trouvent pas d’eau pour se désaltérer.

C’est pourquoi aujourd’hui, sachant que vous avez choisi pour sujet de cette rencontre l’exhortation Evangelii gaudium, je voudrais écouter vos idées, vos questions, et vous faire partager quelques-unes de mes questions et réflexions.

Mes interrogations et mes préoccupations naissent d’une vision globale – pas seulement de l’Italie, mais globale – et surtout des innombrables rencontres que j’ai eues ces deux dernières années avec les Conférences épiscopales, où j’ai noté l’importance de ce que l’on peut définir comme la sensibilité ecclésiale : c’est-à-dire faire siens les sentiments du Christ, d’humilité, de compassion, de miséricorde, de sens du concret – la charité du Christ est concrète – et de sagesse.

La sensibilité ecclésiale qui implique aussi de ne pas être timides ou insignifiants pour désavouer ou vaincre une mentalité diffuse de corruption publique et privée qui a réussi à appauvrir, sans aucune honte, les familles, les retraités, les travailleurs honnêtes, les communauté chrétiennes, en écartant les jeunes, systématiquement privés de toute espérance quant à leur avenir, et surtout en marginalisant les faibles et les plus démunis. Une sensibilité ecclésiale qui, comme de bons pasteurs, nous fait sortir à la rencontre du peuple de Dieu pour le défendre des colonisations idéologiques qui le privent de son identité et de sa dignité humaine.

La sensibilité ecclésiale se manifeste aussi dans les choix pastoraux et dans l’élaboration des documents – les nôtres – où ne doit pas prévaloir l’aspect théorico-doctrinal abstrait, comme si nos orientations n’étaient pas destinées à notre peuple ou à notre pays – mais seulement à quelques savants et spécialistes – alors que nous devons poursuivre notre effort pour les traduire en propositions concrètes et compréhensibles.

La sensibilité ecclésiale et pastorale se concrétise aussi en renforçant le rôle indispensable des laïcs disposés à assumer les responsabilités qui sont les leurs. En réalité, les laïcs qui ont une formation chrétienne authentique ne devraient pas avoir besoin d’un évêque-pilote ou d’un monseigneur-pilote ou d’un apport clérical pour assumer leurs responsabilités à tous les niveaux, du politique au social, de l’économique au législatif. En revanche ils ont tous besoin d’un évêque-pasteur !

Enfin, la sensibilité ecclésiale se révèle concrètement dans la collégialité et dans la communion entre les évêques et leurs prêtres ; dans la communion entre les évêques eux-mêmes ; entre les diocèses riches – matériellement et sur le plan des vocations – et ceux qui sont en difficulté ; entre les périphéries et le centre ; entre les conférences épiscopales et les évêques et le successeur de Pierre.

Dans certaines parties du monde, on observe un affaiblissement diffus de la collégialité, que ce soit dans la détermination des plans pastoraux ou dans le partage des engagements économiques et financiers programmés. Il manque une habitude de vérifier la réception des programmes et la mise en œuvre des projets ; par exemple, on organise un congrès ou un événement qui, mettant en avant les voix habituelles, narcotise les communautés, homologuant des choix, des opinions et des personnes. Au lieu de se laisser transporter vers ces horizons où l’Esprit-Saint nous demande d’aller.

Un autre exemple de manque de sensibilité ecclésiale : pourquoi laisse-t-on autant vieillir les instituts religieux, monastères, congrégations, au point qu’ils ne sont pratiquement plus des témoignages évangéliques fidèles au charisme fondateur ? Pourquoi ne cherche-t-on pas à les regrouper avant qu’il ne soit trop tard sous de nombreux aspects ? Et ceci est un problème mondial.

Je m’arrête ici, après avoir voulu offrir seulement quelques exemples de la sensibilité ecclésiale affaiblie à cause de la confrontation continue avec les immenses problèmes mondiaux et de la crise qui n’épargne pas non plus l’identité chrétienne et ecclésiale elle-même.

Puisse le Seigneur – pendant le Jubilé de la miséricorde qui commencera le 8 décembre prochain – nous accorder « la joie de redécouvrir et rendre féconde la miséricorde de Dieu, avec laquelle nous sommes tous appelés à apporter le réconfort à chaque homme et à chaque femme de notre temps… Confions dès à présent cette année à la Mère de la Miséricorde, afin qu’elle tourne vers nous son regard et qu’elle veille sur notre chemin » (Homélie, 13 mars 2015).

Ce n’était qu’une introduction. Je vous laisse maintenant le temps de proposer vos réflexions, vos idées, vos questions sur Evangelii gaudium et sur tout ce que vous voulez demander, et je vous remercie beaucoup !

 

© Traduction de Zenit, Constance Roques

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