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Fillon, champion du catholicisme ?

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De Martin Bresis, sur le site du Monde des Religions :

François Fillon : catholique, vraiment ?

La question de l’influence catholique du programme de François Fillon suscite de vifs débats. Or, sur des sujets comme l’avortement ou le mariage gay, le candidat a tenu des propos contradictoires, et parfois à l'opposé du magistère catholique. 

Avec la victoire surprise de François Fillon au premier tour de la primaire de la droite, la religion catholique a fait irruption sur le devant de la scène politico-médiatique. D’après les analyses électorales, l’une des raisons de son écrasante victoire serait à chercher dans le basculement des catholiques en sa faveur. Alors que jusqu’à la veille du scrutin, toutes les enquêtes faisaient d’Alain Juppé leur champion, avec plusieurs longueurs d’avance. François Fillon ne s’est, certes, jamais caché de sa foi. Ni plus ni moins, cependant, que la plupart de ses concurrents à la primaire.

Ce qui suscite de nombreux commentaires, c’est, en premier lieu, l’identité de certains de ses soutiens. Particulièrement ceux liés à la Manif pour tous, comme Sens commun, le courant de l’UMP qui en est l’émanation directe et revendiquée. Ou comme Jean-Frédéric Poisson, successeur de Christine Boutin à la tête du Parti chrétien-démocrate, qui a appelé à voter pour François Fillon au second tour de la primaire. De son côté, la présidente de la Manif pour tous, Ludovine de La Rochère, s’est félicitée, au lendemain du premier tour, de la victoire de ce dernier. Enfin, le candidat s’est distingué en adressant, le 24 octobre dernier, une « Lettre aux évêques de France », dans laquelle il tente de démontrer que ses préoccupations et les leurs ne sont pas vraiment éloignées.

De vifs débats ont également été soulevés par l’inspiration catholique assumée de certaines propositions et déclarations du candidat à la présidentielle. Il a souligné son opposition constante à la loi Taubira, qui a instauré le mariage pour tous, contre laquelle il a voté. Sur ce même thème, il a fait de la distinction entre le couple hétérosexuel et le couple homosexuel un axe fort de son programme. C’est l’une de ses « quinze mesures phares » : « Adoption plénière réservée aux couples hétérosexuels ». Mesure qui répond à l’une des « trois priorités » de son programme : « Affirmer nos valeurs ».

 

Il a rappelé cette position dans sa « Lettre aux évêques » : « Je propose de réécrire le droit de la filiation pour figer le principe selon lequel un enfant est toujours le fruit d’un père et d’une mère. » Sur la question du droit à l’avortement, centrale pour le magistère catholique, qui y est opposé, François Fillon a déclaré, lors d’un meeting à Aubergenville (Yvelines), le 22 juin 2016 :« Philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l'avortement. »

Le candidat à la présidentielle a également fait de la place de l’islam dans la société un de ses principaux sujets d’intervention pendant la campagne, jusqu’à lui consacrer un livre, publié en septembre 2016 chez Albin Michel : Vaincre le totalitarisme islamique, publication accompagnée d’entretiens dans les médias, dont un au Figaro, dans lequel il soulignait les limites de « l'intégration de la religion musulmane dans la République » (le 29/09/2016). Dans sa « Lettre aux évêques », il confirmait : « J’agirai pour qu’un islam de France respectueux de nos valeurs voie le jour. » Ce qui sous-entend que ce n’est actuellement pas le cas. Il est allé un peu plus loin encore au Palais des Congrès de Paris, dans son dernier discours d’avant le premier tour : « Je veux un strict contrôle administratif du culte musulman tant que son ancrage dans la République ne sera pas achevé. »

Enfin, il a défendu une conception de la laïcité assez souple dans sa « Lettre aux évêques de France » : « Attention, à vouloir faire voter des lois pour durcir encore davantage les règles de la laïcité, nous risquerions de porter atteinte à la liberté religieuse, ce qui n’est pas acceptable à mes yeux. » Propos qu’il a rappelé au Palais des congrès : « Cessons donc de faire croire qu’il faut durcir les règles de la laïcité au prix d’atteintes inacceptables à la liberté religieuse. »

Pas toujours effarouché

L’attachement de François Fillon à des critères d’inspiration catholique dans la définition de son projet politique, s’il est assez flagrant ces dernières semaines, devient toutefois plus relatif quand on observe ses prises de position tout au long de sa carrière. Le mariage pour tous, par exemple, ne l’a pas toujours effarouché. Le 2 février 2012, sur France 2, dans l’émission « Des paroles et des actes », il a déclaré : « Je suis favorable à ce que l'on aille beaucoup plus loin que ce qui a été fait aujourd'hui dans ce qui est le PACS et qui pourrait être considérablement amélioré, avec notamment une cérémonie en mairie. » Une position confirmée le 14 novembre 2012, sur RTL, au micro de Jean-Michel Aphatie : « Il y a le mariage entre deux hommes, deux femmes (…) je n’ai pas d’hostilité à cette question-là. »

Quant à l’avortement, plusieurs de ses votes à l’Assemblée nationale vont dans un sens contraire à ses dernières déclarations. Le 26 novembre 2014, il a fait partie des 27 députés de l’UMP qui ont voté favorablement à une proposition de résolution socialiste « visant à réaffirmer le droit fondamental à l'Interruption Volontaire de Grossesse en France », alors même que la majorité des députés n’a pas pris part au vote (151 votants sur 577 députés). Les parlementaires qui ont voté aux côtés de François Fillon ce jour-là ont été vivement sermonnés par un contributeur de l’Observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon, évoquant « des noms que devraient retenir les électeurs catholiques lors des prochaines élections législatives, afin d’empêcher leur réélection. »

François Fillon ne s’est par ailleurs pas opposé au projet de loi « pour l’égalité entre les hommes et les femmes », présenté le 28 janvier 2014, qui a renforcé le droit à l’avortement, en créant notamment un délit d’entrave à l’IVG. Délit qui vise explicitement des « commandos » intégristes catholiques, et qui concerne aussi bien l’entrave « matérielle » que « psychologique ».

S’il lui semble que l’islam pose aujourd’hui des problèmes à la République, il a parfois eu des positions plutôt éloignées de ce constat. Par exemple quand il s’est dit favorable au report d’épreuves du bac pour les candidats qui fêtent la fin du Ramadan (RTL, le 6 juillet 2016). Il avait alors commenté les nombreuses critiques qu’il avait reçues en retour, dans son camp politique : « Un certain nombre de gens à droite ont un réflexe pavlovien : dès qu'ils parlent des musulmans, ils se mettent à éructer. »

Quatre ans plus tôt, le 28 juin 2010, alors qu’il était Premier ministre, il s’était distingué en participant à l’inauguration officielle d’une mosquée à Argenteuil (Val-d’Oise). Ce qui a été interprété par Le Parisien comme « Un geste fort envers les musulmans », et qui lui a en revanche attiré les foudres de l’hebdomadaire Marianne : « On n’avait encore jamais vu un Premier ministre inaugurer officiellement un lieu de culte, et s’asseoir ainsi sur les principes de base de la laïcité. »

Laïcité qu’il a d’ailleurs beaucoup plus souvent abordé sous un angle combatif, « laïcard » diraient certains, qu’ouvert et libéral. Il souhaite, par exemple, depuis longtemps « étendre la laïcité aux entreprises privées », comme il l’expliqua dans une tribune du Monde, et comme il le propose dans son programme.

Enfin, certains sites catholiques intégristes, à l’image de celui de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, lui reprochent d’avoir favorisé ce qu’ils estiment être « l’enseignement de la théorie du genre à l’école », lorsqu'il était Premier ministre : « Cette théorie a déjà bel et bien été introduite dans les programmes de sciences naturelles, notamment en classe de Première, dès 2011. C’était sous le gouvernement de François Fillon et la présidence de Nicolas Sarkozy. »

Dans le sens du vent

Pendant près de trente ans, Gérard Fretellière, conseiller municipal (Front de gauche) de Sablé-sur-Sarthe, a été son opposant local le plus constant. Il n’a pas constaté chez François Fillon de prosélytisme catholique particulier. « C’est un élu de droite classique, sans excès, témoigne-t-il. En conseil municipal, ou en campagne électorale, il n’a jamais mis spécialement sa foi catholique en avant. Il est très représentatif de la petite bourgeoisie provinciale. C’est plus un gestionnaire qu’un idéologue. » Gérard Fretellière lui trouve bien une caractéristique particulière, pas vraiment religieuse : « Il a tendance à aller dans le sens du vent. Sur des sujets importants, on l’a vu changer deux ou trois fois d’avis. Un peu comme son mentor en politique, Joël Le Theul, dont il a été l’assistant parlementaire : il était pour de Gaulle sous de Gaulle, pour Pompidou sous Pompidou et pour Giscard sous Giscard. Il a d’ailleurs été ministre de deux d’entre eux ! »

Patrice de Plunkett, blogueur et essayiste catholique, ancien directeur du Figaro Magazineconverti à l’écologie façon pape François, apporte une nuance d’un autre ordre. Il souligne que les propositions économiques et sociales de François Fillon, ne sont, elles, pas du tout d’inspiration catholique, si l’on s’en tient à la ligne dictée par le Vatican : « Le programme de Fillon, plus encore que celui de Juppé, tourne le dos aux critiques du pape envers le système économique, et contredit ses appels à sortir du néolibéralisme. »

Cela s’illustre notamment, selon lui, dans la question de la lutte contre l’exclusion et la pauvreté : « Non seulement la question de la pauvreté de masse n'est pas "prioritaire" aux yeux de la classe politique, mais la dérive libérale - à gauche et à droite - dissout cette question dans l'idéologie Medef. L'Eglise catholique voit les choses autrement. Pour que les choses aillent mieux, elle ne pense pas qu'il faille "libérer l'économie de ses blocages français". Elle pense qu'il faut redéfinir le sens de l'activité économique et de la vie en société. »

Patrice de Plunkett va un peu plus loin encore, s’adressant ici à tous les candidats qui se revendiqueraient du christianisme, en évoquant une récente homélie du pape François, pour la clôture de l’année de la Miséricorde : « Le pouvoir est la pire tentation pour le chrétien ! »

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